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quelques bancs de son école et l'autel où il offrait le saint sacrifice. C'est ainsi qu'il passa la dure saison de l'hiver, sans presbytère, sans chapelle, sans traitement, vivant en France de la vie des apôtres dans les missions. Mais son apostolat ne fut pas moins abondamment récompensé. Bientôt la salle nue où il célébrait les saints mystères et distribuait le pain de la parole divine, fut régulièrement encombrée de ses paroissiens. Deux cents personnes s'entassaient à l'intérieur, debout, ne pouvant ni s'asseoir, ni s'agenouiller, mais profondément recueillies, tandis que les autres, non moins avides de prières et d'instruction, se pressaient à la porte et se groupaient aux fenêtres. Tel est encore l'état des choses. Mais déjà, pour l'année prochaine, un avenir plus prospère est assuré. Dès que M. l'abbé Lebègue a eu ses paroissiens, il s'est occupé d'avoir son église. En quelques jours, en quêtant dans la ville de Boulogne, qui appréciait depuis longtemps son mérite et ses vertus, il réunit quatorze mille francs. Les pêcheurs d'Equihen se sont engagés, sur le produit de leurs pêches, à une somme égale; et quoique le paiement de cette seconde partie de la souscription doive être plus ou moins éloigné, selon les chances dont il dépend, la rentrée n'en est pas moins certaine. Le presbytère s'élévera à l'ombre du temple, tous deux dessinés par un homme d'autant de talent que de foi, déjà connu par la construction de l'Eglise Saint-Pierre, bâtie aussi à Boulogne par la charité des fidèles et qui est un petit chef-d'œuvre d'art et de goût. L'architecte chrétien, M. de Beyser, a bien voulu se charger, non-seulement de donner les plans, mais de diriger aussi gratuitement les travaux de ces monuments gothiques qui vont animer et embellir encore le site le plus pittoresque. La pose de la première pierre de l'édifice sacré était une fête pour tous les environs où les années dernières ont vu s'élever aussi de nouvelles églises, celles notamment du Portel, de Saint-Martin, etc., etc. De toutes parts, les paysans se rendaient à Equihen comme à une réunion de famille. Rien de plus touchant que cette cérémonie présidée par un évêque, favorisée par le plus beau temps, parée des simples ornements de la nature et encadrée par les magnificences de l'Océan, étincelant de lumière. Mgr l'évêque d'Arras a prononcé, à deux reprises, quelques paroles pleines d'à propos et de bonté et écoutées avec autant de respect que de reconnaissance. Bientôt une semblable consolation ramènera le pieux et savant prélat à Capécure, où le zèle des fidèles ne produit pas de moins merveilleux résultats! Chose en vérité admirable! dans cette contrée où les édifices religieux manquent, soit par les ravages du temps, soit par les désastres des révolutions, une noble émulation règne maintenant pour relever partout les sanctuaires. Une œuvre n'est pas achevée, qu'une autre se prépare sans nuire à celles qui l'ont devancée; de sorte que le mouvement, commencé par M. l'abbé Haffreingue, qui poursuit avec autant de succès que de courage la reconstruction admirable de son immense cathédrale, s'étend et se propage chaque jour sous la protection de Notre-Dame de Boulogne.

DIOCÈSE DE MARSEILLE. Les 40 pèlerins pour Jérusalem qui s'étaient donné rendez-vous à Marseille, se sont réunis le 22 août (octave de l'Assomption), à Notre-Dame-de-la-Garde, où une messe a été célébrée pour eux. Le lendemain 23 ils se sont embarqués à 9 heures du matin sur l'Alexandre, superbe bateau appartenant à l'administration des Messageries, qui a facilité le pèlerinage autant qu'il lui a été possible. Les pèlerins ont été l'objet de toutes sortes de prévenances de la part des officiers de l'Alexan

dre, et ils sont arrivés tous bien portants à Malte, le 26 au matin, après une traversée heureuse et par un temps magnifique.

Nouvelles et Faits divers.

Quelques journaux ont annoncé que M. l'abbé Lalanne venait d'être nommé directeur des hautes études de la maison ecclésiastique des Carmes. Cette nouvelle est inexacte. M. l'abbé Cruice demeure chargé de la direcrection de cet établissement.

- M. le préfet de la Seine vient de présenter à la commission municipale un mémoire fort étendu sur l'exposé général de l'état financier de la ville. Ce mémoire embrasse tous les travaux de démolition projetés et donne les devis des dépenses que nécessiteront les halles centrales, la rue de Rivoli, celles de Strasbourg et de Rennes.

Le roi Léopold et sa famille sont arrivé mardi à Gand, où ont eu lieu des fêtes magnifiques à l'occasion du mariage de Mgr le duc de Brabant.

- On mande de Naples, 22 août:

Le roi crée actuellement dans l'île d'Ischia un port de commerce. Grâce aux travaux exécutés déjà, les eaux de la mer ont commencé à se confondre avec celles d'un lac, pour donner un asile sûr et commode à la navigation. »

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On lit dans le Giornale di Roma que, le 20, août Jean Silvalgni, romain,' peintre d'histoire, un des professeurs de peinture, conseiller et autrefois président de l'insigne et pontificale Académie de Saint-Luc, est mort à Rome. Il était âgé de soixante-quatre ans et jouissait d'une grande réputation dans son art.

- S. M. la reine d'Angleterre visite en ce moment Powerseoutt et d'autres parties du comté de Wicklow. Georges IV, en 1820, fit la même grâce à ces contrées qu'on nomme le jardin de l'Irlande. (Morning Advertiser.) Une assemblée populaire a eu lieu à Lausanne, le 26 août, pour s'occuper de la question de grains, dont le prix élevé a jeté de l'inquiétude au milieu des populations. Un comité de douze membres, appartenant à toutes les nuances d'opinion politique, a été chargé de faire des recherches sur les causes du renchérissement des céréales et d'aviser aux moyens de remédier à l'état de choses actuel. Tout s'est passé avec ordre.

On vient d'expédier de Lyon à Châlons-sur-Saône un bourdon sorti de la fonderie de M. Morel, à Lyon.

Bien que ce bourdon, dit un journal, ait la moitié moins de poids que celui de Saint-Jean, de Lyon; il donne, à ce que l'on assure, un demi-ton plus bas que ce dernier. La perfection des procédés de la fonte et l'habile combinaison des métaux, a permis d'arriver à ce résultat, qui avait déjà été obtenu pour le bourdon d'Auch, fondu, il y a quelques mois, dans les mêmes ateliers, qui a été mis en place le 4 août, et qui pèse 6,000 kil.

« Cette cloche augmente la liste des voix de nos églises, qui sont en possession de l'admiration populaire, et dont voici les plus renommées pour leur dimension ou leur sonorité. »

Bourdon de Sens, 16,500 kil.; autre de la même ville, 13,000 kil.; bourdon de Paris, 13,000 kil.; bourdon de Reims, 12,500 kil.; bourdon de Bordeaux, 11,250 kil.; bourdon de Lyon, 9,000 kil.; bourdon de N.-D.-de-laGarde, 8,500 kil.; grosse cloche de Bordeaux, 7,500 kil.; cloche de Rouen,

6,000 kil.; oloche d'Auch, 6,000 kil.; cloche de Cambrai, 5,500 k.; cloche de Lille, 5,500 kil.; cloche de Châlons, 4,500 kil.

Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur le cours complet de théologie à l'usage des grands séminaires, que nous annonçons aujourd'hui à la deuxième page de ce journal.

Les dernières victimes de Robespierre.

I.

UN CIMETIÈRE.

Au milieu des jardins de la maison-mère de la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, rue de Picpus, se trouve un cimetière divisé en deux parties: l'une est un coin de terre qui n'a pas trente pieds d'étendue et dans lequel ont été jetés et confondus treize cents cadavres dont il n'a jamais été possible de séparer et de distinguer l'identité. La seconde partie contient les corps des familles d'un certain nombre de ces treize cents cadavres, familles qui ont voulu reposer à côté de leurs parents, victimes des dernières fureurs sanguinaires de la Révolution. Robespierre régnait, au nom de la guillotine; il avait encore pour six semaines entre les mains son scepIre de mort, et, pendant six semaines, la guillotine s'est levée et est descendue sur treize cents têtes, hécatombe innocente, préparée pour venger d'avance la chute et la mort de ce monstre altéré de crimes et de sang.

D'après le relevé authentique des jugements du tribunal révolutionnaire, extraits des registres du greffe de la Conciergerie, voici, jour par jour, le nombre des victimes immolées à la barrière du Trône, depuis le 26 prairial (14 juin), jusqu'au 9 thermidor an (27 juillet 1794), jour où Dieu s'est servi de la main même des complices de Robespierre pour le renverser et en faire, à son tour, la proie du bourreau et délivrer la France du joug de la Terreur :

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BLOW

Du 26 prairial, 38 victimes (parmi lesquelles, le même jour, 26 présidents et conseillers au Parlement de Toulouse; 3 conseillers au Parlement de Paris; du 27, 19;du 28, 42; -du 29, 61, Da 1or messidor, 17; da 2, 36; du 3, 25;du 4, 15; -** du 5, 19; du 6, 25; du 7, 44; du 8, 47; du 9, 29;-du 11, 20; -du 12, 14; - du 13, 24; du 14, 30; 24;-du du 15, 19; -du 16, 26; du 17, 28; du 18, 29; du 19, 131; --du 22, 45; - du 23, 34; - du 25, 38;- du 27, 59; - du 29, 40.Du 1 thermidor, 29; - du 2, 14; - du 3, 28; - du 4, 46; du 5, 54; - du 6, 36;- du 7, 37; du 8, 53;-du 9, 47. Total, 1,298.

A mesure que le jour de la chute de Robespierre approche, on voit la guillotine redoubler ses coups, comme si le pourvoyeur du

bourreau, ayant le pressentiment de sa fin, voulait, avant de disparaître, accumuler le nombre de ses victimes!

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Pendant ces six semaines, tous les rangs, tous les âges, toutes les professions, les deux sexes, ont passé sous le niveau égalitaire de la guillotine; nobles, prêtres, moines, religieuses, ouvriers, domesti ques, militaires de tous grades, magistrats, employés, négociants, avocats, médecins, hommes de lettres, instituteurs, journalistes; des fils et des filles avec leur père et leur mère, des enfants de 15 à 20 ans des deux sexes, des maîtres avec leurs domestiques.

Parmi les noms célèbres, citons: Mme de Laval-Montmorency, abbesse, le duc de Beauvilliers-Saint-Aignan et sa femme, le marquis de Montalembert, le marquis de Roquelaure, duc de CréquiMontmorency, duc de Castries, princesse Chimay, duc de ClermontTonnerre, marquis de Crussol d'Amboise, comte Thiars, duc de Noailles-Mouchy, maréchal de France, et sa femme, le prince de Broglie, de Nicolaï père et fils, de Boisgelin, Ornano, de La Chalotais, Macdonald, comte Hervé de Faudoas, sa femme, et leur fille âgée de 18 ans; la veuve du maréchal de Noailles, duc de CosséBrissac, duchesse d'Agen, marquis de Talaru, le vice-amiral de Rohan-Montbazon, de Beauharnais, de Maillé (16 ans), comte de Flavigny et sa femme, de Vergennes et son fils, les dames de SainteAmaranthe, âgées de 17, 19, 42 ans, de Sombreuil, gouverneur des Invalides, et son fils de Laval-Montmorency (25 ans); de Sartine fils, le célèbre avocat Linguet, les poëtes André Chénier et Roucher, etc.

Tous ces martyrs des derniers jours de la Terreur, au nombre de treize cents, ont été entassés pêle-mêle, dans l'égalité de la mort, au milieu de ce coin de terre qui n'a pas trente pieds d'étendue et qui faisait partie du jardin des anciennes religieuses chanoinesses de Saint-Augustin, établies au village de Picpus, aujourd'hui enfermé dans le faubourg Saint-Antoine.

II.

UN SAINT.

Daus ces jours où il n'était pas permis d'adorer Dieu, il était défendu d'honorer publiquement les morts victimes de l'innocence, de la vertu, de la gloire de leur nom. Des veuves, des orphelins, des mères restées sans appui et sans consolation, des infortunés de tout âge et de toute position, les uns exilés, les autres cachés dans leur patrie, devaient pleurer en silence leurs parents immolés, ignorer le lieu de leur sépulture, l'abandonner aux herbes sauvages et aux reptiles, sans aucun signe de religion, sans aucun souvenir de famille. Une femme s'est rencontrée qui a bravé la persécution exercée par les bourreaux sur les morts. Madame de Hoënzolern, née Salm, avait eu le courage de suivre son frère jusqu'à l'échafaud de la barrière du Trône, elle avait épié ses derniers moments, le coup fatal

qui avait Iranché ses jours, la terre qui avait reçu son corps avec celui de toutes les autres victimes de Robespierre. Ne pouvant rendre les honneurs funèbres à son frère et planter une croix sur son tombeau, Mme de Hoënzolern a voulu au moins en écarter la profanation, elle a obtenu l'autorisation d'acheter cette terre, au sein de laquelle étaient englouties treize cents créatures humaines, et elle l'a fait enclore d'un mur, attendant les jours de miséricorde et de réparation où il serait permis de consacrer par le culte de la religion ce champ des martyrs.

O Providence admirable de Dieu, qui prépare de loin et dans le secret des temps les hommes de consolation et d'édification!

Pendant que Robespierre, avant de terminer son règne de sang, envoyait à l'échafaud de la barrière du Trône un si grand nombre de victimes, les prisons de la ville de Poitiers étaient encombrées de captifs, les couvents déserts avaient été transformés en geôles. La nouvelle d'un massacre général des détenus, afin d'abréger encore la marche si rapide de la justice révolutionnaire, se répandit. Aussitôt, malgré les décrets de mort qui frappaient l'exercice de leur ministère, des prêtres zélés prirent des mesures pour s'introduire dans les prisons, porter des paroles de paix, d'espérance et de réconciliation à ceux qui n'entendaient, de la part des hommes, que les imprécations de la haine, du désespoir et de la vengeance. Parmi ces prêtres dévoués se trouvait M. l'abbé Condrin, qui appartenait à une de ces simples et pieuses familles du Poitou, cultivant l'héritage paternel et servant Dieu.

Malgré les périls de mort attachés à l'exercice du ministère légitime, l'abbé Condrin s'était fait ordonner prêtre en 1792, et son premier acte de sacerdoce fut un acte de courage et attira la persécution sur sa tête. Le curé de la paroisse de Coussay ayant été expulsé, l'abbé Condrin s'empressa de venir remplacer le respectable pasteur, afin que les habitants ne fussent pas privés du secours de la Religion. Un dimanche, au moment où il allait monter à l'autel, le maire, en lui présentant la lettre d'un prêtre intrus qui annonçait son arrivée pour le soir même, pria l'abbé Condrin de faire lecture de cette lettre en chaire. Il le promit. En effet, l'office étant terminé, il se retourna vers les assistants, la lettre du mercenaire à la main, et les prévint qu'un faux pasteur devait venir les tromper, mais que ni lui, ni sa famille, ne prendraient part à cet acte de schisme. Comme il est facile de le penser, cette déclaration souleva les fureurs du parti révolutionnaire, et l'abbé Condrin fut obligé de fuir. Dieu avait ses desseins. Il dirigea les pas du courageux prêtre vers le château de La Motte-d'Usseau, près Châtellerault, qui appartenait à Mme de Viard. Caché dans un grenier, où il pouvait à peine se tenir debout et faire quelques pas, l'abbé Condrin passa tous les jours de cette retraite dans l'étude de l'histoire ecclésiasti

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