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et variés, les clefs de voûte sont d'une très-grande simplicité; une seule, celle qui avoisine le clocher, porte encore l'écu des Creully. Un grand crucifix faisait face à l'autel et décorait le mur de séparation.

L'église avait été en son entier pavée de briques émaillées fabriquées aux XIV et XVe siècles. Elles formaient une décoration aussi remarquable par la variété que par la beauté des compositions. Grâces aux dessins de M. Lambert, faits il y a plus de trente-cinq ans, aux débris que nous avons trouvés nous-même, et enfin aux briques qui pavent encore deux chambres de l'abbatiale, nous avons pu réunir près de quatrevingts types différents. L'on pourra se faire, par là, une idée de la richesse et de la variété de ce pavage qui laissait bien loin derrière lui celui de la salle capitulaire de Bayeux et celui de St-Étienne de Caen. Le pavage de St-Pierre-sur-Dives, si connu et si justement apprécié, n'est composé que de vingt-cinq dessins différents!

Mais c'est en vain qu'on en chercherait maintenant dans le chœur. Enlevées peu à peu par les nombreux visiteurs, brisées volontairement par les anciens fermiers, elles ont entièrement disparu. Beaucoup ont servi à remplir des abreuvoirs, à combler des ornières. On en trouve des fragments dans les cours, dans les herbages, dans la campagne, sur une étendue de plus d'un kilomètre !

Ces briques, à fond brun avec dessins jaunes ou à fond jaune avec dessins rouges, portent 0,12 de côté sur 0,03 d'épaisseur. Elles se fabriquaient au Mollay, dans des terres appartenant aux Bacon. On trouve dès le XIII° siècle, dit l'abbé Béziers, la mention de ces poteries qui existaient encore au XVIIIe siècle. Actuellement, ce lieu s'appelle la poterie du Molay. C'est de là que

sont sorties toutes ces briques si curieuses que l'on a partout détruites avec tant d'acharnement. Ces dessins, une fois exécutés, devaient être reproduits en grande quantité et livrés au commerce; ce qui explique leur présence dans toutes les vieilles maisons de Bayeux.

Réunies par quatre ou par seize, elles formaient des rosaces concentriques, garnies de fleurons, de besans, des treillis avec quatre-feuilles, roses, fleurs de lis; des aigles à deux têtes, des léopards, des poissons, des châteaux, des colombes adossées, des fleurs de lis ornées, types que l'on retrouve dans la salle du Chapitre de la cathédrale de Bayeux.

D'autres rosaces nous offrent de belles fleurs de lis entrelacées ou placées dans des détails d'architecture, des têtes grimaçantes, des compartiments traités avec un soin minutieux et du plus gracieux effet. D'autres, enfin, peuvent rivaliser avec les plus belles compositions du XIV siècle. Rien de plus riche, en effet, que ces guirlandes de feuillages, ces palmes, ces dessins gothiques si bien rendus, et ces têtes de léopards couronnés, rappelant les Rois d'Angleterre bienfaiteurs de l'abbaye! On voit ici des chiens courants, un lévrier, un cerf, un sanglier dont la réunion devait figurer une chasse; là, des fragments de personnages, notamment deux gracieuses têtes de femme.

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De riches bordures encadraient ces carrelages et venaient encore ajouter à la beauté générale. Plusieurs sont d'un effet remarquable et d'une finesse d'exécution extraordinaire.

Le Mémoire de la famille d'Argouges, que nous avons déjà cité, nous apprend que dans un endroit de la nef, il y a un pavé de briques, sur chacune des

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quelles sont peintes les armes qui sont pendantes en << queue sur les sceaux des chartes de tous ceux qui ont « aumôné de leurs biens. » Cet usage de perpétuer ainsi le souvenir des fondateurs, paraît général à cette époque. L'abbaye Saint-Étienne de Caen nous en offrait naguère un exemple. Dans une salle du XIVe siècle, démolie en 1802, se trouvaient également les armes de quelques familles bienfaitrices. L'anglais Henniker et l'abbé De La Rue nous ont conservé les dessins d'une vingtaine. Ils se retrouvent presque tous à Longues.

C'est d'abord l'écu fleurdelisé de France, le château des armes anciennes de la ville de Caen, les trois léopards des rois d'Angleterre, puis la fleur de lis des Tilly, le lion des Bertrand, les six roses des Bacon, les trois lions des Creully, les bandes et les coquilles des Thieuville, le chef chargé d'un léopard des de Bray, et les six losanges des Reviers.

Outre celles-ci, nous en avons reconnu à Longues vingt-deux autres, et certes, nous sommes loin d'avoir pu trouver un exemplaire de toutes. Ces écus, d'ailleurs, sont faciles à reconnaître. C'est l'écartelé et les trois quintefeuilles des d'Argouges, le losangé des Chantelou, le chef des Colombières, le fretté des Courcy, les deux fasces des d'Harcourt, les trois fleurs. de lis des du Hommet, l'échiqueté des Meulant, les trois mains des Malemains, les fasces et les merlettes des Paynel, l'écartelé des de Soligné, la croix fleuronnée des Suhard, le lion contourné des Vitré. On y trouve encore un écu chargé de trois quintefeuilles et une belle brique représentant un cavalier armé de toutes pièces, tenant un écu blasonné d'un chevron et de trois besans, peut-être celui des Saint-Germain. Ce

dernier et quelques autres ont été évidemment copiés sur des sceaux des XIII et XIV siècles. Quelques-unes de ces briques armoriées offrent une forme tout à fait particulière. Elles devaient former un ensemble que nous n'avons pu reconstituer. Les détails d'architecture qui les encadraient sont trop effacés pour qu'on puisse les indiquer avec une précision suffisante.

Mais ce qui était beaucoup plus important sous le rapport de l'étude de l'art à cette époque et des procédés de la céramique dans notre contrée, c'étaient les effigies tumulaires de quelques membres de la puissante famille des Bacon du Molay. Leurs donations à Longues leur avaient valu ce droit de sépulture. Roger Bacon, mort en 1300, était enterré dans le sanctuaire de l'abbaye, et l'abbé Béziers nous dit avoir lu son épitaphe qui le qualifiait « Monseigneur «sire du Mollay.

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Nous avons retrouvé dans l'Abbatiale six des carreaux provenant de la tombe d'un Guillaume Bacon. Ces briques, remarquables el par la netteté du dessin et par leur grandeur, ont 0 m. 25 c. de côté et 0 m. 05 c. d'épaisseur. Il devait y en avoir vingt-sept, qui formaient une longueur de 2 m. 25 c. sur 0 m. 75 c. de large.

On voit encore dans le segment de l'ogive, formant encadrement, selon l'usage, la figure couchée du chevalier, revêtu de son armure et d'un casque à mailles de fer. A gauche et à droite, l'artiste a placé des écus penchés avec les six roses. Au-dessus et sortant d'un nuage, près d'un joli clocheton, deux anges affrontés tenaient dans leur main un objet qui n'existe plus. Sous les clochetons se trouvaient des colonnes qui supportaient l'arcade. Le champ était semé de

Nous avons entrepris d'écrire plus tard l'histoire de l'abbaye de Longues, aussi, serait-ce avec reconnaissance que nous recevrions les renseignements que l'on voudrait bien nous communiquer.

Livres offerts à la Société des Antiquaires de Nor= mandie, en 1873.

Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts d'Arras; Mémoires, 2 série, t. V, 1873; 1 vol.

Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Clermont-Ferrand; t. XII.

Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Dijon; Mémoires, 1830, 1 livraison; 1831, 1re livraison; 1832, 1re et 2e livraisons; 1845, 1846, 1847, 1848, 1866, 1867, 1868, 1869 et 1870; 10 br.

Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts du Gard; Mémoires, 1871.

Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts d'Angers; t. XXVII et XXVIII, 1872; 2 br. Le tome XXVII (lettres et arts) comprend l'Histoire du canton de Longué et du bassin du Lathan, par M. E. Cornilleau, et l'Étude de M. Arthur Loyseau sur les progrès de la grammaire en France, depuis la Renaissance jusqu'à nos jours.

Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Reims; Programme des concours ouverts pour les années 1874, 1875 et 1876; 1 cahier.

Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Metz; Mémoires, 1868-1869, Le année; 1869-1870, LI année; 1870-1871, LII® année.

Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen; Précis analytique des travaux, 1871-1872; 1 vol.

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