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exhorte à offrir à Dieu ce grand sacrifice? Marie vous parle assez fortement. C'est elle qui vous invite à ne sortir point de ce lieu sans avoir consacré à Dieu ce que vous avez de plus cher. Est-ce un époux ? est-ce un fils? et serait-ce quelque chose de plus grand et de plus précieux qu'un royaume? ne craignez point de l'offrir à Dieu. Vous ne le perdrez pas en le remettant entre ses mains. Il le conservera au contraire avec une bonté d'autant plus soigneuse, que vous le lui aurez déposé avec une plus entière confiance: tutius habitura quem Domino commendasset 1.

C'est la grande obligation du chrétien, de s'abandonner tout entier à la sainte volonté de Dieu; et plus on est indépendant, plus on doit être à cet égard dans la dépendance. C'est la loi de tous les empires, que ceux qui ont cet honneur de recevoir quelque éclat de la majesté du prince, ou qui ont quelque partie de son autorité entre leurs mains, lui doivent une obéissance plus ponctuelle et une fidélité plus attentive à [leur] devoir; parce que, étant les instruments principaux de la domination souveraine, ils doivent s'unir plus étroitement à la cause qui les applique. Si cette maxime est certaine dans les empires du monde et selon (a)3 la politique de la terre, elle l'est beaucoup plus encore selon la politique du ciel

VAR. (a) Dans.

1. S. Paulin., Epist. ad Sever., n. 9.

2. Ms., f. 146. Reprise de la rédaction nouvelle, dont Bossuet commence par jeter sur la marge l'esquisse suivante « AU ROI. Plus la volonté des rois est absolue, plus elle doit être soumise parce que Dieu, qui régit le monde par eux, etc., prend un soin plus particulier de leur conduite et de la fortune de leurs États. Rien de plus dangereux à la volonté d'une créature que de penser trop qu'elle est souveraine. Elle n'est pas née pour se régler elle-même; elle se doit regarder dans un ordre supérieur. »

3. ED.: dans.

et dans l'empire de Dieu; si bien que les souverains qu'il a commis pour régir ses peuples doivent être liés immuablement aux dispositions de sa providence plus que le reste des hommes.

Il n'est pas expédient à l'homme de ne voir rien audessus de soi un prompt égarement suit cette pensée, et la condition de la créature ne porte pas cette indépendance. Ceux donc qui ne découvrent rien sur la terre qui puisse leur faire loi, doivent être d'autant plus préparés à la recevoir d'en haut. S'ils font la volonté de Dieu, je ne craindrai point de le dire: non-seulement leurs sujets, mais Dieu même s'étudiera à faire la leur; car il a dit par son prophète, qu'il «fera la volonté de ceux qui le craignent: » Voluntatem timentium se faciet1.

Sire, Votre Majesté rendra compte à Dieu de toutes les prospérités de son règne, si vous n'êtes aussi fidèle à faire ses volontés comme il est soigneux d'accomplir les vôtres. Que si2 Votre Majesté regarde ses peuples' avec amour comme les peuples de Dieu, sa couronne comme un présent de sa providence, son sceptre comme l'instrument de ses volontés : Dieu bénira votre règne, Dieu affermira votre trône comine celui de David et de Salomon; Dieu fera passer Votre Majesté d'un règne à un règne, d'un trône à un trône, mais trône bien plus auguste et règne bien plus glorieux, qui est celui de l'éternité que je vous souhaite, au [nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit. Amen].

1. Ps., CXLIV, 19.

:

2. ED. Plus la volonté des rois est absolue..... dans un ordre supérieur. C'est l'esquisse du développement qui précède. Cf. p. 374, note 2.

COMPLÉMENT DES VARIANTES1

..... Que tardons-nous, chrétiens, à immoler notre vie avec Siméon? Il pouvait, ce semble, désirer de vivre, puisque Jésus-Christ était sur la terre: mais il s'estime si heureux d'avoir vu Jésus, qu'il ne veut plus voir autre chose, et il aime mieux l'aller attendre avec espérance, que de demeurer en ce monde où il l'aurait vu véritablement, mais où il aurait vu avec lui quelque autre spectacle, que ses yeux ne pouvaient plus souffrir désormais.

Nous donc qui ne voyons que les vanités, dont les yeux sont profanés tous les jours par tant d'indignes objets, combien devons-nous-désirer le royaume de Jésus-Christ où nous leverrons dans sa gloire, où nous le verrons à découvert, où nous ne verrons que lui, parce qu'il sera tout à tous, comme dit l'Apôtre.

Songez quelle douceur, quel ravissement...

1, Ms., f. 109. Voyez p. 360.

SUR L'IMPENITENCE FINALE

SERMON

POUR LA DEUXIÈME SEMAINE DU CARÊME 1

Prêché au Louvre, en présence de Louis XIV, le 5 mars 1662.

NOTICE

On est facilement tombé d'accord pour rapporter le sermon sur l'Impénitence finale au Carême de 1662; il a dû être prêché devant le Roi, non pas le jeudi 2, mais le dimanche 3 de la seconde semaine.

Le sermon paraît avoir été écrit d'abord très-vite; quelques parties en ont été remaniées après coup, et pour certains passages du premier point en particulier, le brouillon subsiste à côté de la mise au net. Il est arrivé aux Bénédictins de mêler les deux textes ou de choisir celui que Bossuet avait condamné. J'ai fait disparaître ces fautes, déjà reconnues et corrigées en partie par M. Lachat.

Les passages de la première rédaction que Bossuet a refaits, mais n'a pas détruits, ont naturellement trouvé leur place dans

1, Ms., t. XII, f. 194–210; Déf., t. V, p. 260-281 (Cf. Vers., XII, 422-449; Viv., IX, 178-198). Voy. mes Etudes critiques, liv. II,

chap. iv, p. 396, 411-418.

2. ED. « Deuxième sermon pour le jeudi de la deuxième semaine

du Carême.» Cf. p. 103.

3. Ms., f. 195: 2 ser. 1.

le Complément des Variantes. J'y ai joint une première et une seconde esquisse de la péroraison : en les rapprochant du texte définitif, on entre dans le secret du travail de Bossuet. Je recommande cette comparaison aux jeunes gens comme un utile sujet d'étude.

SUR L'IMPÉNITENCE FINALE

Mortuus est autem et dives.

[Le riche mourut aussi.]

LUC., XVI, 22.

Je laisse Jésus-Christ sur le Thabor dans les splendeurs de sa gloire, pour arrêter ma vue sur un autre objet moins agréable, à la vérité, mais qui nous presse plus fortement à la pénitence. C'est le mauvais riche mourant, et mourant comme il a vécu, dans l'attache à ses passions, dans l'engagement au péché, dans l'obligation à la peine.

Dans le dessein que j'ai pris de faire tout l'entretien de cette semaine sur la triste aventure de ce misérable, je m'étais d'abord proposé de donner comme deux tableaux, dont l'un représenterait sa mauvaise vie, et l'autre sa fin malheureuse (a); mais j'ai cru que les pécheurs, toujours favorables à ce qui éloigne leur conversion, si je faisais ce partage, se persuaderaient trop facilement qu'ils pourraient aussi détacher ces choses qui ne sont pour notre malheur que trop enchaînées, et qu'une espérance présomptueuse de corriger à la mort ce qui manquerait à la vie, nourrirait leur impénitence. Je me suis donc résolu de leur faire considérer, dans ce discours comme, par une chute insensible, on tombe d'une VAR. (a) Sa mauvaise mort.

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