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pages dans les bâtiments du couvent; de recevoir de mème ceux qu'il enverrait pour ses affaires, mais sans suite ni équipages. Il fut également stipulé que si quelqu'un des abbés, ses successeurs, voulait faire relever les bâtiments, la communauté serait tenue de lui payer pour cet usage, un an après en avoir été avertie, la somme de trois mille livres, formant à 4 010, le capital de la rente fixée, et qu'alors cesserait pour le couvent l'obligation de donner l'hospitalité à l'abbé et aux siens.

La chapelle du couvent, qui était aussi église paroissiale était devenue bien trop vaste pour le prieur et les neuf religieux qui y demeuraient alors, les murs latéraux menaçaient ruine, et les fondations étaient minées par l'humidité venant des coteaux voisins.

Les moines se plaignaient de ce qu'elle était froide et malsaine, et que les chants se perdaient dans l'espace, à cause de l'élévation des voûtes.

Cette église avait été plus d'une fois saccagée et restaurée avec plus ou moins d'art, et notamment aux xvi® et XVIIe siècles; mais elle gardait encore des restes vénérables de ses constructions primitives aux XIIe et XIIIe siècles; depuis que l'abbaye était tombée en commende, grâce aux difficultés qui surgissaient chaque fois qu'il fallait faire une dépense à la charge de la manse abbatiale, l'église était tellement dégradée qu'une restauration complète eût été fort coûteuse.

Depuis longtemps les religieux demandaient qu'il fût pris un parti sur leurs réclamations.

Cette fois ils proposèrent à l'abbé d'en diminuer l'étendue, en la réduisant à la grande nef et au centre du transept, où serait établi un sanctuaire en rond-point. Pour figurer une nouvelle croisée, au lieu de l'ancienne qui avait cent cinquante pieds de long, on laisserait subsister

une travée de la nef collatérale, du côté de l'Évangile, et deux autres du côté de l'épitre où étaient appuyés le dortoir et la salle capitulaire; l'une de ces travées devant servir de sacristie et de passage pour aller à la salle capitulaire et pour monter au dortoir.

Les voûtes qui ont soixante pieds de haut devaient être abaissées par un plancher à une hauteur proportionnelle. Le clocher n'existait plus, mais il avait dù porter sur le centre de la croisée; on proposait d'en faire construire un au-dessus de la partie du collatéral conservé, du côté de l'Épitre; les stalles gothiques, d'ailleurs trop nombreuses, devaient être remplacées par d'autres d'un goût moderne.

M. de Montazet envoya sur les lieux un sieur Daujon, architecte, qui examina les lieux, fit des plans et devis, et par un traité entre le prieur et l'abbé en 1769, la mutilation fut autorisée, à la condition que les frais seraient supportés par la communaté, à l'exception de 5,000 livres qui lui seraient fournies pour cet usage par la manse abbatiale.

C'est ainsi que cette église dont la forme primitive affectait les caractères des XIIe et XIIIe siècles, et qui malgré ses ruines paraissait encore avoir une majestueuse grandeur, devint, pour une mesquine économie, sur les plans de Daujon, une petite chapelle sans caractère. Tous les murs qui ne tenaient pas au cloitre furent démolis, et avec les matériaux on refit, sur les deux côtés, des murailles nouvelles, des contre-forts qui supprimaient ou engageaient dans leur massif la belle colonnade qui séparait les nefs.

L'économie et le mauvais goût présidèrent de même à l'ornementation de l'église dont le mobilier, depuis cette époque, n'était plus en rapport avec les richesses de la

maison.

XI

LES DERNIERS TEMPS DE L'ABBAYE.

Tel était l'état des choses à l'époque de la mort de Mgr de Montazet.

On a dit et écrit que le revenu de l'abbé était de 15,000 livres, et celui de la communauté, de 6,000 livres.

Ce chiffre est en effet l'évaluation officielle portée au pouillé et aux états des abbayes de France.

Cette évaluation que nous avons entre les mains était faite en vue des oblations, décimes, dons gratuits et autres. impositions plus ou moins volontaires qui étaient réclamés de temps en temps au clergé séculier et régulier.

Après la mort de M. de Montazet, arrivée en 1788, Montiers tomba, comme tous les bénéfices qui devenaient vacants à cette époque, dans l'économat général du clergé de France, et le 27 janvier 1789, par acte devant Bonhomme, notaire à Paris, les revenus du couvent furent adjugés aux enchères, à la requête de M. Brière de Mondétour, économe général, en conséquence des ordres de M. de Feydeau, comte de Gien, marquis de Dampierre, directeur général de l'économat.

Une particularité qui nous frappe, c'est que l'abbaye fondée par la famille de Dampierre, a fini par les ordres d'un autre Dampierre, à six cent cinquante-cinq ans de distance.

Le sieur Léopold-Augustin Raux, maitre de forges à la Neuville-en-Tourne-à-Fuy, frère du député élu par le tiers-état du bailliage de Reims à l'Assemblée nationale, se rendit adjudicataire de tous les revenus moyennant

45,500 livres, savoir: 20,000 livres pour les revenus des biens situés en Lorraine, et 25,000 livres pour les biens situés en France, sans comprendre l'abbaye, la vigne, le moulin, le jardin, la ferme et l'étang dits de la Cuisine, et plusieurs autres immeubles dans le voisinage, réservés aux prieur et religieux.

L'adjudicataire était en outre tenu d'acquitter les charges de la manse abbatiale, les décimes, oblations et autres impôts ecclésiastiques jusqu'à concurrence de 7,343 livres 11 sols 9 deniers, de subir les conséquences des options des curés entre les revenus de leur cure et la portion congrue, d'entretenir les bâtiments des fermes, les chemins, enfin des autres charges extraordinaires imposées aux fermiers.

On voit par le montant de ce fermage, considéré comme fort modéré, puisqu'il devait encore laisser de beaux bénéfices au fermier, que les revenus de l'abbaye dépassaient de beaucoup les chiffres officiels, surtout grâce à ses 1,800 arpents de forêts en Champagne, et ses 3,000 arpents situés dans l'ancien Barrois, richesse forestière qui lui avait fait adopter pour armoiries: De gueules au chêne chargé de guy au naturel accompagné de fleurs de lis d'or, surmonté d'une couronne de comte. Plus tard une petite modification y fut apportée le gui fut remplacé par une couronne d'épines, et la couronne de comte disparut sous les derniers commendataires.

Nous approchons du terme de notre étude.

La révolution de 1789 vient de terminer, par des réformes radicales, l'ère de l'ancienne monarchie absolue. L'Assemblée nationale a voté l'abolition des priviléges, l'annulation des voeux monastiques et la réunion des biens de main-morte au domaine national.

En vertu de ces décrets, les moines de Montiers optèrent

tous pour la vie séculière, à la charge par l'État de leur fournir une pension viagère.

Avant leur dispersion, il fut dressé, par les soins de MM. Joseph Delalain et Joseph Barbier, administrateurs du directoire de Vitry-le-François, le 13 octobre 1790, en présence de la municipalité de la nouvelle commune de Montiers, un inventaire de tout le mobilier et des valeurs que contenait le couvent.

Là se découvrit la calomnie qui accusait les moines de recéler des trésors considérables accumulés dans leur couvent.

On n'y trouva que de vieux meubles; l'argenterie de table et d'église était de mince valeur, et la caisse contenait une somme à peine suffisante pour l'entretien des moines jusqu'à la liquidation de leur pension. En effet, depuis quelque temps, on ne délivrait plus de coupes annuelles, source principale de leur revenu. En résumé, il apparut aux yeux des commissaires que les moines étaient forcés, par la nécessité, d'observer le vœu de pauvreté.

Les titres contenus dans le chartrier furent enfermés dans un coffre à trois clefs, et conduits au Directoire du district de Vitry, d'où ils passèrent ensuite au dépôt des archives de la Marne; c'est à cela qu'est due leur conservation.

Les biens dépendant de la ci-devant abbaye de Montiers ont été vendus en 1791 et 1792 par le domaine national; malgré la dépréciation due aux nombreuses mises en vente, ils fournirent une somme importante. Les bâtiments seuls furent vendus à démolir pour 90,000 francs. La forêt de Montiers, dite le Tremblay, fut adjugée aux hospices de Reims, en 1841, moyennant 1,800,000 francs; elle est évaluée aujourd'hui à 4,000,000.

Quant à celle de la Belle-Noue, dans l'arrondissement de

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