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Possesse, les villages de Montbayer et de Maison-Vigny, ont au moins pillé les propriétés extérieures du couvent, si, par impossible, l'abbaye elle-même ne fut point plus fortement atteinte.

Quoi qu'il en soit, l'église, le cloitre et les communs ont été restaurés et profondément modifiés à plusieurs reprises pendant la Renaissance, et la partie qui subsiste accuse le xvie et le xvIIIe siècle.

Nous voici sortis du moyen âge et de la période vrainient intéressante des maisons religieuses.

Le régime de la commende amena la lutte entre l'abbé commendataire et la communauté, dont les intérêts étaient distincts et souvent opposés.

Les annales de ce temps ne sont plus que l'histoire de l'abaissement de la condition des moines, des usurpations des abbés et des démêlés perpétuels d'intérêts entre les uns et les autres, des décisions d'administration financière, agricole et forestière, et les événements se bornent aux péripéties de procès entre les fermiers de la manse abbatiale et ceux de la manse conventuelle.

C'est par ces deux dénominations que l'on désignait alors les droits de l'abbé commendataire et ceux de la communauté.

X.

LES ABBÉS COMMENDATAIRES.

Le premier abbé commendataire fut Jérôme Bourgeois, qui fut pourvu de ce bénéfice entre les années 1533 et 1540; car nous n'avons pu savoir l'époque où Pierre Maillard cessa d'être abbé, après la confection cartutaire.

XLII SESSION.

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Bourgeois était le fils du premier médecin de François Ier. Il résigna Montiers en 1542, mais il conserva la riche abbaye de Saint-Pierre-aux-Monts, même après avoir été nommé, en 1556, évêque de Châlons-surMarne.

Il assista au sacre de Charles IX, fut le procureur du roi de France au concile de Trente, et mourut en 1572. Il fut enterré dans son abbaye de Saint-Pierre, qui est devenue la principale caserne de Châlons.

Il portait d'azur à deux lions d'or affrontés, tenant une fleur de lis d'or.

L'abbaye de Montiers revint à Philippe de Lenoncourt, depuis cardinal, qui était évêque de Châlons avant Jérôme Bourgeois, et qui permuta pour l'évêché d'Auxerre. Il quitta ce dernier siége pour la riche abbaye de Rebais, au diocèse de Meaux.

Il enleva, dit le Gallia Christiana, qui ne le flatte guère, l'or, l'argent et les pierreries qui ornaient les châsses des saints dans son église de Rebais, pour aller à Rome avec un grand faste, chercher le chapeau de cardinal.

Il cumulait une multitude de bénéfices, entre autres les abbayes de Saint-Martin d'Epernay et de Montierender.

Il résigna, en 1583, son abbaye de Rebais et celle de Montiers au profit des fils de son frère, et mourut en 1591. Son cœur, qui avait été porté à Rebais, fut, dit-on, dévoré par des chiens.

Son neveu, Philippe de Lenoncourt 11, surnommé l'Ivrogne, prit possession des deux abbayes de Rebais et de Montiers en 1583. Sa conduite ne fut pas plus édifiante que celle de son oncle, et il mourut d'une mort honteuse en 1625.

La passion dominante de Philippe III de Lenoncourt, qui

succéda à son oncle, deuxième du nom, fut une ambition et un orgueil sans bornes. Dédaignant le titre d'abbé, il se faisait appeler marquis; il rêvait de faire disparaître les religieux de Rebais, de s'approprier l'abbaye et d'en faire son domaine personnel qui serait érigé en duché. Mais son frère, sur le crédit duquel il comptait, mourut avant la réalisation de ses désirs.

Il paraît qu'avant sa mort, arrivée en 1661, il reconnut que la vanité et l'ambition n'étaient que des sources de déception, et qu'il ne s'opposa plus à la réforme de son monastère.

Les armes de Lenoncourt étaient : D'argent à la croix engreslée de sable.

Le titre d'abbé commendataire était resté entre les mains de cette famille, comme à titre d'hérédité, pendant cent dix-neuf ans, et encore en était-elle peu digne; le premier de ses membres fut un concussionnaire, le second un débauché, le troisième un ambitieux.

On ne trouve pour cette longue période, dans les archives de Montiers qu'un petit nombre de pièces, et encore ne nous apprennent-elles rien ou presque rien sur le régime nouveau et sur les rapports des abbés avec les religieux.

Les revenus, en droit commun, étaient divisés en trois parties, dont un tiers pour l'abbé, un tiers pour l'entretien de l'abbaye et les charges de l'abbé, et un tiers pour la communauté.

On apprend seulement que le sieur Lallement, admodiateur de l'abbé commendataire, fut condamné à payer aux religieux leurs pitance, nourriture et vestiaire; on ne voit rien sur la division des revenus. Heureusement nous trouverons dans la suite d'amples renseignements sur les droits et les obligations des abbés et de la communauté.

La justice toujours intitulée haute, moyenne et basse, ne consistait plus, depuis le règne de Louis XIV, qui avait fait main basse sur ces prérogatives seigneuriales, que dans le titre nominal, dans le jugement de quelques menus délits et dans la gruerie ou justice forestière; tout le reste ressortissait du bailliage de Vitry-le-François. Déjà, lors de la modification de la coutume de Vitry-en-Perthois, en l'année 1509, l'abbaye était représentée à l'assemblée du bailliage par Pierre Maillard, dernier abbé régulier.

La communauté possédait encore cependant un lieutenant, un ou deux assesseurs, un procureur fiscal, un greffier et un sergent.

Après la mort du dernier Lenoncourt, la commende fut donnée à un laïque, Guy de Chaumont, seigneur de Guitry-Forêt, gentilhomme normand, châtelain de Condé, grand maître de la garde-robe du roi. Il ne la posséda que trois ans, de 1668 à 1671; il portait : D'argent fascé de gueules de huit pièces.

Il avait reçu 6,000 livres pour faire reconstruire les censes de Bouet et du Saulcy. Mais il omit d'employer cette somme à sa destination; aussi fut-il condamné par arrêt de 1669 à la remettre avec les intérêts, et à courir les risques de l'enchère pour la plus-value des frais de de reconstruction. Comme il ne s'était point encore exécuté, lorsque l'abbaye ne fut plus entre ses mains, la folle enchère fut dénoncée et publiée contre son successeur comme détenteur de la manse abbatiale.

Un concordat fut fait entre Loup de Chaumont-Guitry et l'abbaye stipulant, que chacun aurait son lot et que le troisième serait à l'abbé moyennant une subvention convenue pour les charges de l'abbaye; il fut en outre convenu, en ce qui concerne les forêts de France et de Lor

raine (sic), que l'exploitation en serait faite en commun sur la base des droits de chacun.

Les charges du troisième lot, attribué ordinairement à l'abbé, étaient: les grosses réparations des bâtiments, l'entretien de l'église et des objets du culte, une pension de 200 livres à chaque religieux gradué, l'entretien du fonds de l'aumône et de l'hospitalité, de la bibliothèque et de l'infirmerie, les fondations de toutes sortes et beaucoup d'autres charges qui ne sont pas ici énumérées et dont les fermiers ou ayants-cause de l'abbé ne s'acquittaient point ou le faisaient de mauvaise grâce; aussi, sous chaque abbé, y avait-il des conventions nouvelles, qui ne s'exécutaient pas mieux que les précédentes.

Henri-Félix de Villars, frère du maréchal de ce nom, succéda à M. de Guitry, en 1671. Il était procureur général du clergé de France auprès de la cour pontificale.

Il mourut à Rome en 1690; il portait :

D'azur à trois molettes d'or au chef d'argent chargé d'un lion passant de gueules.

L'abbé de Villars ne s'en tint point au concordat fait par son prédécesseur.

Un nouveau partage fut fait en 1673. Les biens de l'abbaye furent bien divisés en trois lots; mais le troisième. lot, au lieu d'être. laissé entre les mains de l'abbé commendataire, aux charges de droit, fut mis en sequestre pour les revenus en être employés à leur véritable destination.

Quant aux forêts, elles continuèrent à rester en commun, mais le titre de contrôleur de la gruerie devait appartenir à l'un des religieux qui aurait la garde du marteau aux armes de l'abbé; ce marteau devait être renfermé dans un coffre à trois clefs.

Chacun avait le droit de choisir ses officiers pour assis

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