conception du sculpteur aurait pu être rendue d'une manière plus heureuse sous le rapport de l'expression et de l'élégance des traits, les figures pourraient être moins sèches et moins roides, moins droites, plus élégantes, plus recherchées; elles pourraient avoir plus de finesse, plus d'action, plus de sentiments; les bras, être plus détachés du corps: en un mot, le style et la conception l'emportent sur l'exécution; mais tel est le cachet de l'époque à laquelle j'ai cru pouvoir faire remonter ce fragment de bahut.

Et d'ailleurs, comment se montrer trop difficile pour une œuvre sortie des mains d'un ouvrier qui n'avait peut-être pas la prétention d'en faire un objet de convoitises pour l'avenir? Comment se montrer trop sévère pour un sujet qui a le mérite d'offrir de si importants changements aux goûts et aux pratiques du passé, qui dénote si bien le caractère de la transition du XIVe au XVe siècle, c'est-à-dire l'emploi d'ais uniques et l'exécution encore hésitante et douteuse remplacés par des panneaux embrévés et plus tard enrichis d'une exécution plus hardie, plus heureuse et d'un style plus pur ?

Ici, nous n'avons pas encore cette exécution, ce style remarquables; mais qu'y a-t-il d'étonnant? Que l'on songe donc à la position des ouvriers d'alors ils n'avaient pour s'inspirer que des traditions assurément fort nombreuses, mais enfin que leur goût modifié ne voulait plus accepter. Il leur fallait donc, en quelque sorte, innover et exécuter, grâce à une longue et laborieuse pratique, plutôt conformément aux simples données instructives de leur imagination qu'aux précédents qu'ils avaient devant les yeux, l'objet de leurs veilles et de leurs rêves.

Au XIVe siècle, chaque appartement avait son bahut servant de banc. Mais il en était un mieux conditionné que les autres et qui était désigné sous le nom de huche, comme il l'est encore aujourd'hui ; ce meuble servait spécialement à renfermer les objets les plus précieux de la maison : l'argent et les bijoux. On rapporte que Duguesclin ne se fit pas scrupule, un jour, d'enfoncer la huche de sa mère, afin de s'emparer de l'argent dont il avait besoin pour payer ses compagnons d'armes.

Au XVe siècle, la menuiserie fit des progrès remarquables, surtout sous le rapport de la construction et de l'exécution.

Les bahuts, ou plutôt les huches, étaient couverts de riches panneaux simulant des courbes ou arcatures de courbes, si communes, à cette époque, ou encore des parchemins pliés.

Je possède également un autre meuble qui est assurément de cette époque; on peut facilement en juger par les arcatures, que supportent huit colonnes; ce meuble est une crédence.

Je ne vous en ferai pas la description non plus que celle de plusieurs autres panneaux de bahuts que je possède, qui datent des XVI et XVIIe siècles et dont l'usage s'est conservé pendant ces époques.

LE CONTE.

A Monsieur le Secrétaire de la Société des Antiquaires de Normandie.

Bayeux, 8 novembre 1872.

MONSIEUR ET CHER SECRÉTAIRE,

La lecture du dernier Bulletin m'a révélé un usage que j'ignorais: c'est celui duquel il résulte que chaque sociétaire nouvellement admis offre au musée de la Société des Antiquaires, comme cadeau de bien-venue, un objet d'art ou d'archéologie, destiné à augmenter les richesses de ce musée.

Je m'empresse de me conformer à cette excellente coutume et viens vous prier de déposer en mon nom, dans le médailler, un écu d'or de Charles-Quint, trouvé près de la léproserie de Pierre-Solain, commune de Bazanville, en 1867.

En voici la description:

1519. 1556. Écu d'or de Charles-Quint.

Buste couronné de l'empereur, à droite, revêtu d'une riche armure et portant au cou les insignes de la Toison d'Or.

Il tient de la main droite son épée nue et de la gauche le globe surmonté d'une croix.

qui doive surprendre, les monnaies d'or étrangères ayant été fort répandues en France vers cette époque, et même beaucoup plus tard; leur emploi était tellement commun, que Henri III dut rendre, en 1577, une ordonnance indiquant pour quelle valeur, monnaie française, elles devaient être reçues.

Les pièces espagnoles jouissaient, du reste, d'une fort bonne réputation; car, dans les remontrances adressées par la Cour des Monnaies au Roi et aux États généraux convoqués à Blois le 19 décembre 1576, on fait une exception en leur faveur : la Cour, après avoir exposé ses plaintes du tort que faisait au peuple l'emploi des Vaches de Béarn, Sols au fer forgez à Trévoulx, Ducats à la Marionnette, Angelots de l'abbesse de Thoren, Ducats de Hongrie et autres, ajoute: « Et encore que le Pistolet et Reale d'Espagne n'ayent << apporté semblable perte et dommage comme les << autres espèces ayant cours dans nostre royaume, << d'autant qu'ils n'ont jamais varié en leur bonté et << alloy, etc. »

Agréez, Monsieur et cher Secrétaire, l'assurance de mes cordiales salutations.

DOUCET.

A Monsieur le Secrétaire de la Société des Antiquaires de Normandie.

Paris, 19 octobre 1872.

CHER SECRÉTAIRE,

En faisant démolir avec les plus grandes précautions la façade du transept nord de la cathédrale de Séez, qui menaçait de crouler et que je vais réédifier, j'ai

retrouvé, cachées par d'autres constructions, une partie de l'église d'Yves de Bellême (1053) et deux sceaux en plomb, jetés au hasard, je crois, dans un trou de boulin.

Quoiqu'il s'agisse d'un fait dont je ne m'exagère pas l'importance, il m'a semblé que la Société des Antiquaires pouvait s'y intéresser.

Ces sceaux ont tous les deux, sur une de leurs faces, la même empreinte, dont le caractère est byzantin. Les têtes de saint Paul et de saint Pierre, vues de troisquarts et nimbées en pointillé, sont séparées par une croix, au-dessus de laquelle on lit: SPASPE (Sanctus Paulus, Sanctus Petrus). Sur le revers de l'une d'elle est écrit: INNOCENTIVS PP III; sur l'autre : HONORIVS PP III. Ces deux papes se succédèrent; le premier mourut en 1216, le second en 1227. Il n'y aurait donc rien peut-être, dans la présence de ces sceaux, qui se rattachât directement au monument: je veux dire à sa fondation. Séparés de deux bulles détruites, ils furent, sans doute, jetés, comme inutiles, dans l'endroit où ils ont été retrouvés.

Agréez, cher Monsieur, je vous prie, mes compliments bien affectueux.

RUPRICK-ROBERT.

Voies romaines.— Les chemins de Bayeux et de Vieux à Jublains.➡ L'établissement romain de La Villette.

M. de Caumont a indiqué, dans une des cartes de son Cours d'Antiquités, deux voies antiques, dont le tracé lui paraissait incertain. L'une de ces routes se dirigeait d'Augustodurus (Bayeux) vers le camp du