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Le colonel Perrier, le curé Delley, Jean Carrard, ainsi que trois ou quatre autres, déclarés coupables de haute trahison avec des circonstances atténuantes, ont été condamnés les deux premiers à trente ans de bannissement, et les derniers à quatre ans de réclusion. Tous les autres accusés, au nombre de 138, ont été déclarés non coupables et mis aussitôt en liberté.

Nos lecteurs savent dans quelles circonstances s'est faite, le 1 mai, à Bulle l'élection de M. Fracheboud au grand conseil de Fribourg; ils n'ont pas oublié non plus l'imposante majorité qu'a obtenue à Bulle, le 26 juin suivant, M. Vuilleret, candidat des conservateurs, pour les fonctions de membre du conseil national. Dans cette nouvelle élection, M. Vuilleret avait encore pour concurrent M. Fracheboud. Ce dernier résultat prouvait avec évidence que l'élection du 1o mai avait été viciée; que la voix des électeurs avait été odieusement méconnue.

Après cette dernière épreuve, M. Fracheboud n'a pas osé conserver son mandat de membre du grand conseil : il vient de donner sa démission. Ainsi l'élection du 1er mai est à recommencer mais plaise à Dieu que celle qui aura lieu ne rappelle pas les déplorables scènes de la première!

Lucerne. Une députation américaine a fait au tir fédéral de Lucerne une immense sensation. Le Wahrheitsfreund de Saint-Gall donne les renseignements suivants à ce sujet : On a fait croire que la bannière étoilée de la grande république de l'Amérique du Nord avait traversé les mers pour venir embrasser la sainte bannière de la Confédération, et il y eut un attendrissement immense, indescriptibie, lorsque ces Américains, ces braves qui avaient fait tant de mille lieues exprès à travers l'Océan, montèrent sur le pavillon des prix pour se montrer à tout le peuple! Maintenant passons dans la coulisse et demandons: Quels sont ces hommes, ces Américains et quel drapeau portent-ils ? Nous recevrons pour réponse la prosaïque vérité, que ces Américains ne sont pas au fond des Américains et que surtout pas un seul n'est arrivé exprès d'Amérique.

Le porte-drapeau, le principal personnage, est un nommé Schiess, d'Hérissau, il est tailleur et brodeur: il a réellement vécu quelques années à New-York. A côté de lui paraît sur la liste John Huser, Américain ; ce n'est pas autre chose qu'un individu bien connu et assez mal famé du pays d'Uri, le tourneur user, d'Altorf; il a passé quelques mois en Amérique, il y a plusieurs années, mais depuis longtemps il roule dans divers cantons suisses. Le suivant, indiqué Ridgard, Américain, est un certain Ritschard de l'Oberland bernois qui a émigré en Californie, il y a plusieurs années, mais qui a rebroussé chemin à la frontière de ce pays et qui demeure depuis lors à Oberhofen, près de Thun. Parmi les Américains on trouve encore un cuisinier; les autres sont des commis-voyageurs de maisons suisses.

Quant à la bannière étoilée de la sœur-république, elle a été confectionnée à Lucerne.

Grisons. Une discussion très-vive s'est engagée sur la question de la séparation des communes catholiques de Poschiavo et Brusio de l'évêché de Côme, et de leur incorporation à l'évêché de Coire. La proposition des députés de Poschiavo, que le Grand Conseil se prononce pour une séparation immédiate, n'a réuni que 13 voix. En revanche, le Grand Conseil a décidé de charger le Conseil d'Etat : 1° d'entamer de suite des négociations pour amener cette séparation; 2o de sauvegarder dans cette négociation les droits du

canton; 3° d'ouvrir une enquête sur les abus de la chaire et du confessionnal imputés au clergé de l'oschiavo, et de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser.

C'est très-libéral et très-constitutionnel.

Chine.

La malle de l'Inde a apporté au Times du 30 juillet d'intéressants détails sur l'insurrection qui chaque jour gagne du terrain et est maîtresse de la seconde ville de l'Empire Céleste. Nous croyons qu'il est utile de reproduire ces renseignements.

Après avoir raconté que le ministre plénipotentiaire de S. M. britannique, pour se rendre un compte exact de l'état des choses, a remonté le Yang-tse-Kiang jusqu'à Nankin, ce journal continue ainsi :

« Les insurgés ont déclaré que leur intention n'avait jamais été d'attaquer Shangaï; tout ce qu'ils voulaient c'était de marcher sur Pékin. Ils étaient maîtres de Nankin, qu'ils fortifiaient; ils avaient une force qu'on portait à 8,000 rebelles indigènes et à 25,000 environ d'Honnan, d'Hopih et d'autres provinces, sur lesquels ils peuvent compter; à quoi l'on peut ajouter la populace qui, à la prise des villes, vient se joindre à eux attirée par l'appât du pillage.

« Au sud, Chin-Kiang-Foo est également en leur pouvoir, ainsi qu'YanChan-Foo, au nord d'Yang-tse-Kiang, et qui commande le Grand-Canal. Mais au-dessus et au-dessous de ces villes, les impériaux sont maîtres du fleuve. Il n'y a pas eu d'action décisive entre les deux armées. Les troupes tartares impériales sont en force autour de Nankin, et les rebelles n'ont d'issue que du côté de la rivière. Les chefs et leurs adhérents professent le christianisme suivant certaines formes; ils détruisent toutes les idoles et tous les temples.

"Leur chef principal s'appelle lui-même le frère cadet de Jésus-Christ, et il est à peine visible à aucun mortel. Il y a, dit-on, parmi eux un ardent fanatisme, et ils croient que le ciel les destine au triomphe. Leurs actes sont en contradiction avec les lois célestes qu'ils font profession de suivre, et au nombre desquelles se trouvent les dix commandements; car ils se vantent d'avoir massacré vingt-cinq mille Tartares, hommes, femmes et enfants, lors de la prise de Nankin. Ils professent une grande amitié pour les étrangers, et désirent le commerce dans tous les articles, excepté l'opium.

« Nos nouvelles d'Amoy vont jusqu'au 19 de ce mois; ces nouvelles sont du plus grand intérêt. Nous avons entendu dire que des rebelles ou des bandits, comme on voudra les appeler, se rassemblaient dans les environs; mais nous apprenons maintenant que la ville d'Amoy et sa citadelle ont été prises, le 19, après un rude combat avec les troupes impériales. »

Tout était tranquille à Canton, où les mesures fermes prises par le gouvernement impérial faisaient espérer que l'ordre serait maintenu. Alfred DES ESSARTS.

violabilité du secret des Lettres.

Nois publions le texte de l'arrêt par lequel la Cour de cassation a coi. sacré de nouveau un grand principe de droit et de morale. Charles DE RIANCEY. « La Cour, ouï, M. Legagneur, conseiller, en son rapport; M" Bosviel,

Paul Fabre et Reverchon, avocats des demandeurs dans leurs observations; et M. le procureur généraí de Royer en ses conclusions;

Vu les articles 10, 88 et 154 du Code d'instruction criminelle;

« Attendu que si des considérations d'ordre public et d'intérêt social autorisent la justice, dans des cas graves, à ne point se laisser arrêter dans ses investigations par l'application du principe de l'inviolabilité du secret des lettres, et s'il est perais de faire saisir, même dans les bureaux de la poste, et ouvrir les lettres et paquets qui peuvent contenir des papiers et effets utiles à la manifestation de la vérité, un tel pouvoir n'appartient qu'au juge d'instruction, à qui l'article 88 du Code d'instruction criminelle attribue un droit général de perquisition en tous lieux, et n'a été conféré au préfet de police de la Seine par aucune disposition législative;

« D'où il suit qu'en jugeant, dans la cause, que les perquisitions faites dans les bureaux de l'administration des Postes, en vertu de mandats du préfet de police, étaient régulières, et en se fondant sur le résultat des saisies qui y ont été ainsi opérées, pour déclarer la culpabilité des demande rs et prononcer leur condamnation, l'arrêt attaqué a faussement interprété, et par suite violé les art. 10, 88 et 154 précités;

«Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de s'occuper des autres moyens;

La cour joint les pourvois formés par actes séparés, et y faisant droit, casse et annule les dispositions de l'arrêt rendu le 28 mai dernier par la Cour impériale de Paris (chambre correctionnelle), qui valident les saisies et qui déclarent en conséquence les demandeurs coupables d'introduction de journaux étrangers sans autorisation du gouvernement, et les condamnent à l'emprisonnement, à l'amende et aux frais; et pour être statué conformément à la loi, de ce chef, sur l'appel interjecté tant par le ministère public contre ces quatre prévenus, que par ces derniers, du jugement intervenu, le 15 avril précédent, devant le tribunal correctionnel de la Seine. Renvoie la cause et les parties devant la Cour impériale de Rouen (chambre correctionnelle), à ce déterminée par délibération prise en chambre du conseil :

« Ordonne la restitution des amendes, etc. »

Nouvelles Religieuses.

BELGIQUE. LOUVAIN. ‚— « Une magnifique cérémonie académique s'est accomplie le 26 juillet à Louvain. En présence de S. Em. le CardinalArchevêque de Malines, de Mgr le Nonce apostolique et de NN. SS. les Evêques de Tournai, de Namur, de Gand, de Bruges et de Liége, M. Antoine Heuser, prêtre du diocèse de Cologne, a été promu au grade de docteur en droit canon.

« A dix heures et demie, le Corps académique en grand costume se rendit au Collège du Saint-Esprit pour y recevoir les éminents Prélats qui, dans cette circonstance solennelle, venaient donner une nouvelle preuve de sollicitude et d'affection à un établissement fondé sous leur patronage et que l'Europe catholique envie à la Belgique.

« Bientôt le cortége se mit en marche vers le Collége du Pape. Un détachement de pompiers et de lanciers formait l'escorte. Les cloches de la ville sonnaient à grande volée, un nombreux orchestre remplissait les airs de sous d'allégresse; une foule considérable, danslaquelle on remarquait un grand nombre d'ecclésiastiques étrangers, s'inclinait respectueusement

au passage de nos premiers pasteurs; bref, c'était une fête populaire.

Les réglements académiques exigenient que le candidat fût soumis à une dernière épreuve. M. Heuser devait défendre 72 thèses choisies dans les matières les plus épineuses du droit ecclésiastique et du droit civil moderne. Hâtons-nous de dire qu'il a rempli sa tâche avec honneur. Mgr l'Evêque de Gand, MM. les professeurs Beelen, Delcour et Feye ont successivement présenté des objections, et toujours le candidat a répondu avec une érudition, une adresse et une présence d'esprit dignes du grade, si rare en Belgique, qui allait lui être conféré.

Depuis plusieurs années, l'Université a pris l'habitude de faire prononcer, à chaque solennité académique, l'éloge de l'un des hommes qui ont itlustré l'ancienne Alma Mater, M. le professeur Vandebroeck, chargé de cette mission, avait pris pour sujet la vie et les travaux du célèbre théologien Rardus Tapper. M. Vandebroeck ne pouvait mieux choisir. Elève d'Adrien VI, compagnon d'études de Latomus, ami de Charles V et de Philippe II, Tapper à jeté sur l'enseignement théologique un éclat qui fera l'éternel honneur de son nom. Le discours de M. Vandebroeck, écrit avec autant d'érudition que de goût, sera bientôt livré à l'impression.

" M. le Recteur est ensuite monté à la tribune pour conférer le grade et remettre les insignes. La profession de foi, le serment, la remise de l'anneau et du bonnet, l'accolade fraternelle, toutes ces cérémonies si belles par elles-mêmes et si touchantes par les souvenirs qu'elles éveillent, se sont accomplies au milieu des applaudissements chaleureux des assistants. Ces applaudissements ont redoublé, lorsque M. leuser, la voix tremblante d'émotion, a remercié les Prélats et le Corps académique de la haute distinction qui lui avait été accordé›. Rentré dans son pays, disait il, il se fera un devoir d'y proclamer l'illustration d'une contrée qui est devenue pour lui une seconde patrie, et la gloire d'un établissement auquel le lient les devoirs d'une éternelle reconnaissance.

« Un usage antique exige que le nouveau docteur, immédiatement après sa promotion, se rende à la Collégiale de Saint-Pierre pour y offrir un don à l'autel de la sainte Vierge. Le cortége tout entier y a accompagué M. Heuser, qui se trouvait placé entre Son Em. le cardinal de Malines et Mgr le Nonce. Le clergé de Louvain, en habits sacerdotaux, l'a reçu sous le porche de l'église et l'a accompagné au pied de l'autel. Là, avant de le conduire à 1offrande, M. le doyen Crassaerts lui a adressé un discours de félicitation qui a reçu l'approbation universelle. »

Du Mouvement des esprits dans le sein du Protestantisme: - Les Formalistes.

QUELQUES DÉFAUTS DES CHRÉTIENS D'AUJOURD'HUI,

Par l'auteur du Mariage au point de vue chrétien.

Les Chrétiens! tel est le titre que s'attribue, à l'exclusion de toute autre communion, cette infiniment petite fraction de Protestants, à laquelle on donne généralement le nom de Méthodistes; chrétiens par excellence, seuls chrétiens, ils ne font pas plus de grâce au Darbysme qu'à l'idolâtrie romaine. Nous ne savons pas sur quels fondements ils appuient leurs prétentions à posséder eux seuls la pure et vraie doctrine chrétienne, qu'ils font profession, comme toutes les secies, de trouver dans la seule lecture de la Bible et dans son libre examen : nous avons cependant plus d'une fois demandé des explications sur l'ensemble de leurs dogmes, et sur les différences

qui les séparert des autre protestants. Nous savons qu'ils anathématisent tout ce qui ne comprend pas la Bible exactement comme eux mais soi que ce qui se conçoit mal ne s'énonce pas clairement et que les mots pour le dire n'arrivent pas aisément, soit qu'ayant questionné plusieurs personens, chacune nous ait donné une explication différente, soit qu'enfin, accoutumés au grand jour du Catholicisme, de cette religion du bon sens, comme l'appelait feu M. le pasteur Vinet, nos yeux n'aient pu, à travers les ténèbres du sens privé, démèler que des formes vagues et flottantes, nous sommes restés ignorants de cette doctrine conservée miraculeusement dans l'île de Jersey ou de Guernesey et dans quelques villages d'Angleterre, d'où elle a fait irruption sur le continent, après 1815.

Nous ne connaissons que l'extérieur, le costume du méthodisme, et nous avouons qu'il nous a toujours paru devoir éloigner de la Religion plutôt qu'y attirer les esprits et les cœurs. Que nous, mondains, infidèles, mécréants, romains, hélas! nous eussions osé recevoir une pareille impression, rien ne peut paraître étrange là-dedans; mais voici qu'une chrétienne, et l'une des plus éminentes par sa position, ses talents, sa réputation, ses succès littéraires, vient jeter à ses frères tout un livre de grosses vérités, que nous n'aurions jamais osé faire si acerbe, si incisif. Ce sont des choses qu'on ne se dit pas à soi-même aussi la discorde est-elle au camp d'Agramant, et l'indignation grande contre la chrétienne, la sœur jusqu'alors chérie qui a imprimé, à la face de l'Europe, ces mots imprudents: Notre foi, notre pratique sont le pôle négatif qui fait fuir les mondains. Voici le début de ce petit livre dont le premier chapitre est intitulé le Formalisme :

« Le formalisme est la forme mise à la place du fond, une loi humaine mise à côté et bientôt par-dessus la loi divine : une tradition qui chasse la révélation, une coutume qui détrône un ordre. Toutes les religions ont vu celte usurpation de la forme.... Le Catholicisme romain a mis le pied sur la Bible et l'a étouffée; nous, Protestants, nous ne sommes pas bien débar-rassés des traditions romaines... »

Très-heureusement pour les Protestants, à qui, sans ce faible reflet des traditions catholiques, il ne resterait rien, pas même la certitude de l'authenticité des livres saints, pas même la foi au symbole des apôtres, qui est une tradition.

Mme de.... rélève ensuite, avec infiniment d'esprit et de justesse, les défauts des chrétiens d'aujourd'hui : c'est-à-dire une certaine affectation d'austérité, de mysticisme et de componction qui déteint sur la toilette, le langage, les manières des Frères. Elle appelle patois de Chanaan, un vocabulaire particulier, accompagné d'une accentuation plaintive, déjà connu, au reste, du temps d'Hudibras, parmi les puritains anglais, et que l'on nommait cant et whine : J'en demeure d'accord, dit-elle, nos manières traditionnelles,

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