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dérée comme un objet abandonné ou perdu par les populations qui en avaient fait usage.

L'atelier de la Vieille-Andecy, le premier agent révélateur de nos stations, a donné et fournit encore des pièces nombreuses représentant dans divers états à peu près tout l'outillage connu de l'époque néolithique. Ce n'est plus un instrument isolé, muet, c'est tout un ensemble. Évidemment les tribus se réunissaient pour travailler. La vaste étendue des terrains, jonchés de débris provenant de la confection des instruments, ces instruments euxmêmes, dans un état de mutilation ou parfaitement conservés, indiquent une agglomération considérable et nous pouvons ajouter un séjour prolongé. Il est impossible d'attribuer à un campement passager cette multitude si variée d'objets qui jonchent le sol. La matière première était loin d'être fournie par le sol même de ce que nous appelons l'atelier. Non-seulement il arrive que le silex lui est étranger, mais on y trouve aussi des traces de roches appartenant à des formations géologiques qui en sont trèséloignées. Ces matières minérales supposent des échanges, des transactions avec d'autres contrées. Ces mêmes produits de la surface du sol, autoriseraient à présumer la présence ou la succession de plusieurs tribus, dont l'industrie était plus ou moins perfectionnée. On remarque, en effet, à des distances relativement peu considérables, des tranchées de fabrication. Ce que nous appelons atelier, n'était-il pas tout simplement le point où se groupaient particulièrement les habitants de la région ? de sorte que l'atelier pourrait aussi bien attester le séjour, l'habitation que le travail. Comment supposer en effet qu'une matière première pesante aurait été transportée avec beaucoup de peine sur un point où l'ouvrier n'aurait eu aucun abri pour se préserver des intempéries des saisons? Les archéo

logues ont plusieurs fois signalé des localités où les instruments en pierre étaient en grande abondance et comme emmagasinés. Nos ateliers présentent au contraire un autre aspect. Les nucléi, les éclats, les ébauches s'y rencontrent en grande quantité, en sorte que la persévérance d'un chercheur patient peut suivre l'instrument dans toutes ses phases de perfectionnement. Ces ateliers sont assez nombreux. On en trouve dans tout le voisinage; la Champagne en est parsemée. Aurait-elle été un centre de fabrication et de commerce, alimentant des régions voisines et assez éloignées dans le nord, comme l'ont insinué des archéologues distingués, notamment M. Dupont? la question mérite d'être posée. Ce n'est pas être téméraire, lorsque d'autres lui ont déjà donné une solution affirmative.

Les ateliers sont autant de livres ouverts, mais il faut en faire la lecture avec discernement et avec réserve. Le sol de ces ateliers étant un réceptacle commun pour les époques qui se sont succédé, il en résulte un mélange, et on ne saurait, sans s'égarer, attribuer à la même époque tous les instruments en pierre qui s'y rencontrent. Plusieurs fois la surface du sol nous a donné des haches du type de Saint-Acheul en contact avec les produits de l'époque néolithique. Cette présence se pourrait expliquer de plusieurs manières, mais il est probable que ces haches proviennent du terrain quaternaire qui affleure le sol de manière à pouvoir être remué par le soc de la charrue. Les érosions produites par les torrents peuvent aussi en exhumer.

Il est à peine nécessaire de faire observer que les objets provenant des ateliers et de la surface du sol sont sans date et n'ont que le mérite d'enrichir les collections sans autoriser en quoi que ce soit les conclusions scientifiques. Il

n'en est pas des ateliers comme des couches géologiques intactes ou des sépultures ou des cavernes exemptes de remaniements.

J'ai déjà donné l'énumération des instruments qui se trouvaient dans l'atelier de la Vieille-Andecy. Je vous évite la fatigue de l'entendre de nouveau. Les autres ateliers sont simplement des répétitions.

LES ARTS.

Le travail organisé n'était pas le seul acte de la vie sociale chez les tribus préhistoriques. Les arts usuels se révèlent déjà chez elles, mais principalement dans les habitations, qui ne sont pas pratiquées comme un trou, comme une tanière. On y découvre la révélation d'un plan, d'une idée. Pénétrons avec attention dans une de ces grottes que nous considérons comme une habitation. La tranchée, par une pente bien ménagée, commode à pratiquer, conduit vers l'ouverture de la grotte. Elle est appropriée de manière à faire pénétrer la lumière dans la grotte. Les parois antérieures et celles de la tranchée, sont taillées de façon à éviter l'abondance des eaux dans les grandes pluies. La première entrée est toujours plus large que la seconde, donnant accès dans la grotte proprement dite. La première partie, que plusieurs archéologues appellent vestibule, offre toujours des dispositions qui démontrent des soins au point de vue de la solidité. Souvent le vestibule est pourvu d'étagères, d'excavations destinées à recevoir des objets.

La seconde ouverture, plus petite, est taillée avec soin. Un encadrement semble destiné à l'orner. Toutes les parties contiguës à la seconde entrée sont taillées pour leur

conserver une grande solidité, donnant ainsi la sécurité contre les éboulements et les attaques. Les dispositions de la seconde entrée sont telles aussi qu'elles rendaient l'accès et la sortie assez difficiles pour éviter les surprises. Dans l'intérieur les mêmes soins, les mêmes attentions se répètent. Les parois sont généralement régulières. La voûte elle-même est traitée avec les précautions nécessaires pour lui assurer la solidité et un aspect agréable. Des étagères, des cloisons, des siéges sont pratiqués dans la craie vive.

L'industrie s'accuse aussi dans le confectionnement des instruments. Les manches de haches sont très-souvent traités avec soin et avec goût. Ce n'est pas un travail grossier; il en est que nos habiles artisans ne désavoueraient pas.

La céramique certainement est loin de révéler l'art du potier arrivé à ce perfectionnement que nous admirons à d'autres époques. Néanmoins le travail s'affirme, on voit poindre certaines combinaisons en vue de la solidité. Il existe une certaine préoccupation en vue de l'ornement; enfin on voit que l'homme s'ingénie.

Si de l'architecture primitive, inspiration de la nécessité, nous nous élevons à ce que nous pourrions appeler les beaux arts, nous trouvons ces sculptures représentant des haches, dans l'état où elles devaient être nécessairement pour être employées comme instrument. Ces essais grossiers offrent néanmoins de l'intérêt et indiquent que l'inspiration personnelle avait sa large part, puisque ces sculptures et sont loin de représenter un type unique offrent dans chaque cas un sujet spécial. La hache n'a pas été le seul objet de l'inspiration des sculpteurs de nos stations; la figure humaine, plus ou moins fidèle, a été aussi représentée. Ces sculptures n'étaient pas évidemment destinées à figurer l'être humain simplement et dans son état

ordinaire. Il y avait là un autre but; on doit le supposer, On voit, une autre pensée apparait. Ce n'est pas seulement un produit de l'imagination, il y a une inspiration religieuse; des archéologues distingués n'hésitent pas à l'admettre.

INSTRUMENTS.

La multiplicité des instruments est aussi une indication qui démontre une certaine activité. Les instruments étaient en bois, en os, en silex et autres matières minérales. Les grottes ont fourni de nombreuses traces de bois, mais généralement décomposé par le temps et réduit en une poudre impalpable. Dans une circonstance, à Villevenard, la partie ligneuse formant le manche d'une hache avait laissé des traces bien visibles sur l'aire de la grotte où l'on pouvait suivre la projection du manche. Dans d'autres, le bois ne présentait plus qu'une masse informe.

Les instruments en os avaient mieux résisté à l'influence destructive du temps. Ils sont relativement assez nombreux et témoignent souvent d'un usage prolongé. La variété des formes autorise à conclure à la multiplicité des occupations. Nous ne citerons aucun d'entre eux, vous les avez vus et pouvez les juger.

Les instruments en silex, beaucoup plus nombreux que les précédents, parce qu'ils sont pour ainsi dire indestructibles, jouaient un grand rôle chez les tribus préhistoriques. Ils sont très-variés, on en trouve qui portent la marque d'un usage certain et prolongé. Ce n'est plus le mobilier réduit du sauvage, il y a un véritable outillage attestant des occupations multiples. Il serait long de les citer tous. Ce n'est pas ici le lieu, mais néanmoins, 14

XLII SESSION.

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