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repos, en marche pour le long voyage qui ne doit avoir pour terme que la fin du monde.

Enfin, au sommet, nous apercevons les deux larrons revêtus de robes blanches et conduits au supplice les mains liées derrière le dos, poussés par un soldat le sabre à la main. Deux dernières figures de ce groupe représentent des femmes enveloppées de longues capes et la tête encapuchonnée, qui semblent être les mères des malheureux destinés à partager le supplice de Notre-Seigneur.

Le panneau de droite, composé de huit personnages, représente la Descente de croix. Joseph d'Arimathie, revêtu de ses insignes de docteur de la loi, soutient le corps du Christ qui, entièrement disloqué, paraît à cause de cela plus que de grandeur naturelle. A côté se trouve le bon Nicodème avec sa sympathique figure, qui tient entre ses mains la couronne d'épines; à droite, le disciple bien-aimé soutient celle qui lui a été donnée pour mère, et qui, dans sa douleur, semble vouloir se précipiter sur le fils que les bourreaux ont cruellement immolé. Cette figure de saint Jean est peut-être, au dire de connaisseurs, après celle de saint Joseph, la plus belle et la plus expressive de tout le retable.

Il ne me reste plus qu'à décrire brièvement les petits groupes, détachés autour du sujet principal, auquel ils semblent faire comme une gracieuse couronne. Au-dessous de la Flagellation et du Couronnement d'épines sont, superposées six curieuses scènes, qui figurent un égal nombre de sacrements. D'abord à gauche, en allant de bas en haut, nous trouvons le Baptême par immersion, la Confirmation et l'Ordre; puis, à droite, mais en descendant cette fois, l'Eucharistie, la Pénitence et le Mariage. La représentation du dernier des sept sacrements est reléguée

au-dessus du panneau de droite; elle a pour pendant, de l'autre côté, l'Apparition de Jésus-Christ à Marie-Madeleine. Dernièrement, dans le Journal d'Epernay, M. Courajod, conservateur-adjoint au musée du Louvre, a prétendu qu'un amateur distingué de Paris, après avoir éprouvé de nombreuses déceptions dans notre département, songeait à se dédommager avec le retable de Coligny.

Un homme averti en vaut deux. Je puis donc assurer l'amateur en question que s'il se présente en tentateur, il en sera pour ses frais.

Quant à une restauration de notre retable, on n'y saurait songer pour le moment. L'argent même ne nous fit-il pas défaut, que nous serions embarrassés sur le choix de la personne à qui nous devrions confier cette œuvre délicate. Nous nous proposons donc pour le moment de faire faire seulement un vitrage qui garantirait les sculptures de la poussière et remplirait en partie l'office des volets disparus.

Le département de la Marne possède encore un certain nombre de retables analogues au nôtre; citons d'abord celui de Fromentières, le plus considérable par l'étendue et la perfection du travail; celui du Mesnil-lès-Hurlus, moins grand que celui de Coligny, si mes souvenirs sont précis; enfin ceux de Cernay-en-Dormois, de Faux-Fresnay, de Soudron et de Mareuil-en-Brie. Presque tous ont été photographiés par M. Varnier, qui s'efforce de populariser ces œuvres remarquables à tous égards.

M. Buvignier présente ensuite une photographie de la tour Chaussée ou la Chaussée qui est, dit-il, un reste de l'ancienne enceinte de la ville de Verdun rattachée d'un côté aux fortifications actuelles. Elle constitue une des portes de la ville, porte à laquelle on accède par un pont

qui porte le même nom. Ce pont a été construit vers le milieu du XIIe siècle par deux riches Verdunois, Constance et sa femme Effice, lesquels n'ayant pas d'enfants, employèrent leur fortune à des œuvres utiles à leurs concitoyens. Le pont qu'ils avaient d'abord fait en bois ayant été emporté deux fois par les eaux, ils le firent rétablir en pierre et, comme les abords en étaient quelquefois inondés, ils y firent construire une chaussée qui donna son nom au pont et à la porte.

Le pont est aujourd'hui remplacé par un autre en bois. Les monuments d'architecture militaire du moyen âge sont rares dans le nord-est de la France. On a demandé le classement comme monument historique de cette belle tour jumelle, que le génie militaire a voulu plusieurs fois modifier pour l'approprier à divers services et notamment pour en faire une prison. Le gouvernement a demandé des renseignements avant de prendre une décision. C'est pour satisfaire à cette demande qu'on a fait la photographie dont j'ai l'honneur d'offrir un exemplaire au Congrès, en le priant d'émettre le vœu que cette belle tour soit classée comme monument historique.

M. le comte de Mellet fait observer à l'assemblée que s'il y a certains avantages à mettre nos monuments les plus précieux sous la sauvegarde de l'État, cette mesure présente aussi quelques inconvénients, car on ne peut plus alors toucher à ces monuments sans l'assentiment du gouvernement, et les modifications qu'y apportent les architectes officiels laissent quelquefois beaucoup à désirer.

M. de Cougny cite plusieurs faits à l'appui de l'observation faite par M. le comte de Mellet.

M. Buvignier dit qu'il serait très-regrettable de laisser la Tour-Chaussée entre les mains du génie militaire, parce 12

XLII SESSION.

que ce corps, obligé d'en changer souvent la destination, suivant les besoins du service, peut, d'un jour à l'autre modifier son aspect extérieur et dénaturer son style primitif. Dernièrement, dit-il, en appropriant la Tour-Chaussée pour en faire une prison, on a percé de nouvelles ouvertures et bouché au contraire avec de la maçonnerie les élégants créneaux qui couronnaient l'édifice, si bien qu'aujourd'hui la tour n'a plus la même physionomie que celle qu'elle possédait avant les modifications qui viennent d'être signalées.

Le Congrès, consulté, déclare à une grande majorité qu'il y a lieu d'émettre le vœu que la Tour-Chaussée de Verdun soit classée parmi les monuments historiques. La discussion du programme est alors reprise par la lecture de la 14° question, ainsi conçue :

A quelles époques doit-on attribuer les nombreux souterrains de refuge, mardelles et bauves signalés dans le département de la Marne ?

Déterminer les lieux où ils existent.

M. Garinet dit qu'il connaît de nombreux souterrains de refuge dans le département de la Marne, mais qu'ils datent d'époques différentes, parce qu'on a dû en construire chaque fois que de nouveaux ennemis faisaient invasion dans le pays. Il cite les souterrains de Montépreux et ajoute qu'il y en avait autrefois à Châlons même, sur l'emplacement occupé actuellement par le quartier de cavalerie.

M. de Cessac répond qu'il ne faut pas confondre les

souterrains de refuge et les mardelles, excavations différant beaucoup les unes des autres. Les souterrains de refuge portent les traces de l'habitation de l'homme; quant aux mardelles ou bauves, ce sont dans le Berry de simples excavations à ciel ouvert en forme d'entonnoirs renversés, tandis qu'en Champagne et surtout en Picardie, on désigne sous le nom de bauves ou de creutes, de vastes enfoncements en forme de chambres, pratiqués vers le bas de la paroi verticale d'un escarpement.

M. Counhaye dit qu'il a exploré deux mardelles : l'une à Suippes, l'autre à Souain. Il n'a trouvé au fond de ces mardelles que des débris de poterie grossière; mais ce qui mérite surtout d'être signalé, c'est qu'à côté de chacune d'elles, il a découvert un souterrain paraissant avoir été creusé avec des instruments analogues aux haches en silex. Au fond du premier puits, il a rencontré six chambres, trois à droite et trois à gauche, et toutes communiquant entre elles par une ouverture plus grande que celle de l'entrée principale, qui avait la forme et les dimensions d'une bouche de four. Au fond du second puits, il n'y avait que trois chambres.

M. Counhaye présume que les mardelles servaient d'habitation pendant l'été.

M. Buvignier expose qu'il a souvent rencontré dans la Meuse des excavations semblables à celles dont il est ici question; mais il a remarqué qu'elles étaient toujours placées au fond d'une assez vaste dépression de terrain et dans la même situation géologique, c'est-à-dire dans les endroits où un terrain perméable se trouvait recouvert d'une couche d'argile. Cette remarque le porte à penser que, dans la Meuse, les mardelles ne sont que des excavations naturelles produites par les infiltrations des eaux pluviales.

M. Peigné-Delacour appuie cette observation et dit qu'il

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