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Après le rapport verbal de M. Léon Palustre, la parole est donnée à M. l'abbé Boitel, pour la lecture du mémoire suivant :

Étude sur la cathédrale de Châlons-surMarne.

La cathédrale de Châlons a subi tant de vicissitudes, qu'il est bien difficile au premier abord de ne pas tomber à son sujet dans d'étranges erreurs.

Je n'entreprendrai pas l'histoire de ce monument, puisque je l'ai déjà faite dans les Beautés de l'histoire de la Champagne. Je ne toucherai que les points contestés.

Félix ler du nom, dix-neuvième évêque de Châlons, eut la satisfaction de finir, en 627, la cathédrale, commencée par saint Alpin, continuée par sairt Elaphe et saint Lumier. Il creusa, en l'honneur de la sainte Vierge, la crypte qu'on appelle les catacombes, pour lui servir de sépulture, ainsi qu'à un grand nombre de ses successeurs.

On ne se contentait pas d'y déposer les dépouilles mortelles des évêques défunts; on y rendait à la Vierge immaculée un culte pur, noble, utile et glorieux.

On y avait élevé trois autels, un à saint Memmie, un à l'auguste Mère de Dieu, et un à saint Étienne, patron de la cathédrale.

de protester contre le prétendu extrait du compte-rendu de la séance du 25 août, publié dans le numéro du 15 septembre 1875, du Journal de la Marne. S'il n'a pas relevé plus tôt les étrangetés que l'on met dans sa bouche, c'est qu'il a pensé que justice serait facilement faite, même par le plus ignorant des lecteurs.

La crypte avait deux entrées, l'une au nord, l'autre au sud.

La cathédrale n'avait pas la même longueur que maintenant. Aucun collatéral ne régnait autour de l'adside, qui se terminait au second pilier, par le mur de l'église. On voit encore accolé à ce pilier un contre-fort qui était à l'extérieur.

Chaque dimanche on faisait la procession avant la grand'messe. Comme on ne pouvait pas circuler autour du sanctuaire, le chapitre descendait du côté nord dans la crypte, par un bel escalier en pierres dures, faisait une station à chaque autel, chantait l'antienne qui y convenait, remontait par un escalier semblable du côté sud, et continuait la procession. Il y a encore un œil de bœuf à la place de chaque escalier.

Cette crypte ou croupte servait encore à un autre usage fort important.

Le chapitre se composait de soixante chanoines et de soixante chapelains, qu'on appelait aussi chanoines mi

neurs.

Il y avait deux chœurs, le chœur supérieur pour les chanoines et le choeur inférieur, qui était au-dessous, dans la crypte, pour les chapelains. Les uns et les autres célébraient dans leurs choeurs respectifs, l'office divin, tant du jour que de la nuit.

Mais ils furent singulièrement troublés dans leurs offices en 1137.

La cathédrale de Châlons passait alors pour un fort beau monument.

Il régnait, à cette époque et dans tout le moyen âge, un genre de dévotion qu'on ne connaît plus. On fondait un chanoine, un chapelain.

XLII SESSION.

11

De là vient le grand nombre des chanoines et des chapelains.

Nous arrivons à la question qui suscita les plus grands débats.

On n'est pas d'accord sur l'époque de la construction des chapelles des Sibylles. Les uns prétendent que ce fut Archemraus, trente-troisième évêque de Châlons (856), qui bâtit, derrière l'abside de la cathédrale, sur l'emplacement de l'ancien temple des Sibylles, dans un jardin qui appartenait encore au chapitre en 1792, et qui porte le nom des Sibylles, trois chapelles. Celle du milieu était consacrée à la sainte Vierge, celle de gauche à saint Memmie, et celle de droite à saint Étienne. Ces chapelles ne communiquaient pas avec l'intérieur de la cathédrale; leur entrée était à l'extérieur. On les nommait chapelles des Sibylles (1).

D'autres auteurs soutiennent que c'est Mancion, trenteseptième évêque de Châlons (894), qui les construisit. Comme il avait une grande dévotion à la sainte Vierge, il fit bâtir en sou honneur une petite église derrière et joignant la cathédrale au lieu appelé des Sibylles. C'est là qu'il voulut être inhumé en 908, après quinze ans d'un glorieux épiscopat (2).

Ces deux témoignages se confirment l'un et l'autre. On peut croire que la crypte de Félix Ier, se trouvant envahie par les corps des évêques défunts et d'autres personnages notables, les évêques furent comme forcés de choisir un autre lieu plus convenable pour leur dernière demeure.

Dans le cours des âges, nous avons découvert et noté au

(1) Beautés de l'histoire de la Champagne, t. I, p. 494. (2) Ibid, t. II, p. 44.

moins vingt évêques qui voulurent avoir leur lieu de repos dans les chapelles des Sibylles.

Donnons maintenant le témoignage le plus récent et le plus irrécusable.

Les anciens chanoines d'avant 1792 ont attesté que le véritable puits des Sibylles est non loin du pilier extérieur est de la chapelle de saint Étienne, et se trouve maintenant dans le jardin de l'évêché.

En effet, il y a dix ans, quand on fit de nouvelles constructions dans la cour de la réserve, on découvrit des fondations fort anciennes et de plus de deux mètres d'épaisseur. Tout porte à croire qu'elles étaient celles du temple et du palais des Sibylles.

Les anciens chanoines de 1792 ont assuré que les trois chapelles qu'on avait construites sur ce terrain des Sibylles, furent démolies et 1668, et remplacées par les trois chapelles actuelles de l'abside de la cathédrale (1).

Tout démontre donc que les chapelles dites des Sibylles n'ont jamais fait partie de la cathédrale, et existaient en dehors de son enceinte avant l'incendie de 1668.

Racontons maintenant, en peu de mots, les différents incendies qui dévorèrent la cathédrale de Châlons.

Châlons et sa cathédrale furent brûlés, en 963, par Herbert et Robert, enfants d'Herbert de Vermandois. Gibuin, quarantième évêque de Châlons (947), surnommé le Bon, employa toute sa fortune à réparer les désastres de sa ville et réédifier sa cathédrale.

En 1137, ce ne fut plus la main de l'homme qui incendia cet édifice majestueux, mais le feu du ciel.

Geoffroy Ier, cinquante et unième évêque, mit dix années à reconstruire sa cathédrale. On ne peut concevoir tous

(1) Beautés de l'histoire de la Champagne, t. II,

p. 52.

les soins, tous les sacrifices qu'il s'imposa. Encore n'eut-il pas la consolation de voir la fin des travaux.

Geoffroy mourut en 1142, après douze ans de pontificat.

Une tempête effroyable fond alors sur la Champagne, qui est ravagée par le roi Louis VII. La reconstruction de la cathédrale n'en continue pas moins sans interruption et avec une ardeur incroyable.

Sa consécration fut accomplie avec une pompe sans pareille par le pape Eugène III, en 1147, sous le pontificat de Barthélemy de Senlis, cinquantième - troisième évêque de Châlons (1).

Dans cette restauration de la cathédrale, il n'est fait aucune mention des chapelles des Sibylles, parce qu'elles n'en faisaient point partie.

La cathédrale de Châlons a une singulière destinée. A peine est-elle en quelque sorte relevée d'un désastre, qu'elle en subit un autre plus grand.

Philippe II, de Nemours, soixantième évêque de Châlons (1225), mettait sa gloire et sa joie dans sa magnifique cathédrale. Mais par là, il éprouva une douleur d'autant plus poignante.

Le feu du ciel visita son insigne église en 1230. L'évêque de Châlons sacrifia son patrimoine pour réparer les ravages de l'incendie.

Mais une grande difficulté se présente. Cette restauration a-t-elle été tellement considérable qu'on doive considérer l'église Saint-Étienne comme un édifice nouveau?

On pense généralement, au contraire, qu'elle ne perdit rien de son plan primitif, qu'une partie notable fut conservée intacte, qu'on n'y fit que des reconstructions par

(4) Beautés de l'histoire de la Champagne, t. II, p. 178.

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