Page images
PDF
EPUB

rien dans son architecture ne contredit cette date, et l'histoire qui peut éclairer l'archéologue semble vouloir nous faire remonter jusque-là.

Mais une pensée nous attriste en finissant. Nous avons dans ce travail de classement, de comparaison et d'assimilation, parcouru bien des ruines.

Que de monuments jonchent le sol de leurs débris ! Le temps et les barbares les avaient épargnés, les hommes du progrès et de la civilisation n'ont pas cru devoir le faire. Ils ont tourné contre eux la vérité de cet axiome: Le progrès par la religion, la barbarie par l'athéisme.

Notre église a pourtant triomphé des dévastations hérétiques, des invasions étrangères, du marteau des démolisseurs et des transformations utilitaires. Depuis les hauts barons de l'hérésie jusqu'aux positivistes de notre âge, ni la violence au service des mauvaises passions, ni la perversité greffée sur la sottise n'ont, grâce à Dieu, réussi à la détruire.

Le prince Noir qui, d'après les chroniques, se répandit dans le midi comme une lave enflammée, la respecta. Le terrorisme s'est contenté d'en profaner le sanctuaire.

La fureur bestiale de l'impiété a pu l'atteindre, sans qu'il lui ait été permis de s'assouvir. Le monument a résisté pour attendre, sans doute, les jours de la restauration.

Des temps meilleurs sont arrivés. L'édifice a même été classé au nombre des monuments historiques; mais il n'en est pas moins réduit, chenu et dépouillé, à espérer toujours! Est-ce un état vraiment désespéré? Nous ne pou

ressemblance, au point de vue de la forme, avec le baptistère rond de Ste-Constance, édifice Constantinien, près de la basilique Ste-Agnès (hors des murs), à Rome.

Cette remarque confirme nos assertions précédentes, et prouve que l'art byzantin s'est inspiré d'un grand nombre de constructions,

vons le croire. Le distique final du sonuet d'Oronte ne saurait trouver ici son application.

Des savants que nous estimons, pour l'intérêt surtout qu'ils portent à notre vieille église, ont eu l'idée de ramener le monument à son plan primitif.

Ce n'est pas seulement l'art qui le demande; la religion élève ici sa voix tout aussi haut que l'archéologie.

Le Congrès remercie M. Jouy de Veye de la communication de son savant mémoire.

Après avoir ainsi cité un certain nombre d'églises rondes observées dans diverses parties de la France, M. Pannier constate qu'il n'en existe pas dans le pays de Lisieux, ce qui ne veut pas dire qu'il n'en ait existé aucune autrefois.

L'architecture romane fleurie et de transition, continue M. Pannier, nous offrirait un charmant spécimen dans l'église St-Thomas de Touques, ainsi que l'atteste l'une des fenêtres de la façade occidentale et une petite porte latérale, ornée d'un double rang de zigzags et d'étoiles ou astéries, si les fenêtres primitives de la nef n'avaient été détruites et remplacées par de larges et ignobles ouvertures en brique.

XIIe siècle (deuxième moitié) ou époque de transition.La cathédrale de Lisieux, dédiée à saint Pierre et construite en grande partie dans la seconde moitié du XIIe siècle par l'évêque Arnoult, est un des monuments les plus complets et les plus remarquables de l'époque de transition. Je me dispense d'en parler plus longuement, car le Congrès doit en faire la visite.

XIIIe siècle. Le rond-point du chœur de l'église St

[ocr errors]

Pierre nous paraît également remarquable par sa décoration élégante et sévère.

La belle et ancienne église collégiale de St-Pierre-surDives offre plusieurs parties remarquables du XIIIe siècle, entre autres sa brillante couronne de chapelles qui rayonnent autour de l'abside et sont au nombre de cinq. Ces chapelles sont très-saillantes et d'un gracieux effet (V. la figure, p. 114).

11 Question: Quelle est la physionomie de l'architecture dans le diocèse de Lisieux.

Cette question pourrait donner lieu à un mémoire approfondi qui serait intéressant. M. Pannier fait remarquer que l'influence des matériaux a été la cause première de l'aspect monumental du pays.

Autrefois, les routes ne permettant pas de transporter des matériaux durables, on était forcé de se servir de ceux qui se trouvaient sur place ou à peu de distance. C'est ce qui est évident pour tous: de là, l'emploi des pierres de petite dimension transportables à dos de cheval, et du bois de chêne qui abonde dans le pays.

Tout porte à croire, dit à son tour M. de Caumont, que les constructions en bois ou mi-parties de bois et de mortier avec soubassement en maçonnerie de pierre furent longtemps en usage dans la région. Je suis d'autant plus fondé à le croire que j'en pourrais citer des exemples de divers siècles jusqu'au XVI, et l'église Ste-Catherine de Honfleur, aussi bien que certaines églises rurales, sont encore là pour l'at

tester.

Ce mode de construction que les Romains eux-mêmes avaient employé vient, comme le disait M. Pannier, de l'abondance des bois dans ce pays plantureux de Lisieux et de Pont-l'Évêque, de la rareté de la bonne pierre à bâtir et de la difficulté énorme des communications. On sait qu'il

[ocr errors]

y a seulement quarante ans il était très-difficile d'aller d'un point à un autre, même à cheval, et que les transports par charrette étaient absolument impossibles. Il fallut donc renoncer à se pourvoir de matériaux apportés d'une certaine distance; on ne pouvait trouver de matériaux passables ailleurs que dans les carrières littorales du pays découvert. Voilà certainement ce qui a dû prolonger si longtemps dans le diocèse de Lisieux l'emploi du bois pour les constructions religieuses et civiles et même pour les constructions militaires.

Cependant dès le XIe siècle et probablement un peu auparavant, on édifia exceptionnellement des églises en pierre. Celles de Vieux-Pont-en-Auge, de St-Martin-de-la-Lieue, d'Ouillie-le-Vicomte, de Hottot-en-Auge, que nous avons décrites, en sont la preuve.

La position a été déterminante dans cet emploi. Nous voyons quelques églises remarquables en pierre sur la lisière du Pays-d'Auge, en approchant de la plaine, ce qui est la preuve de mon assertion; telles que Ouville-la-BienTournée, Le Breuil, Dives, Putot-en-Auge, St-Clair-deBasseneville, et quelques autres dont on pourra voir l'esquisse dans ma Statistique monumentale.

L'emploi plus habituel du bois avait déterminé celui des chevets droits, quand on a fait usage de la pierre, habitué que l'on était d'éviter la forme semi-circulaire quand on se servait du bois. Si l'on excepte les grandes églises de Lisieux, St-Pierre-sur-Dives, etc., etc., et un très-petit nombre d'autres, on ne trouve guère d'absides semicirculaires.

Je renvoie, du reste, à ma Statistique monumentale pour plus amples renseignements.

M. Bouet, qui a parcouru la région de Lisieux et de Pont-l'Évêque avec beaucoup de soin, parle de la forme des

[ocr errors]

tours telle qu'elle existe dans les trois quarts des églises rurales.

Ce sont des flèches en bois qui paraissent toutes peu auciennes et qui ont succédé soit à des porte-cloches, soit à des tourillons en bois placés entre le chœur et la nef.

Aujourd'hui, MM. les Curés s'acharnent à les déplacer pour les transporter à l'extrémité occidentale.

Le goût des innovations en tous genres aura bientôt défiguré les églises rurales du pays, et, comme le disait M. R. Bordeaux, « Je visite surtout les églises sup

primées quand je cherche des choses intéressantes et « anciennes; la plupart des autres n'ont plus rien qui ne a soit maladroitement retouché ou défiguré. » A ce sujet, M. le Secrétaire général réclame contre la reconstruction de la porte de l'église de Vieux-Pont-en-Auge; il émet le vœu que Mgr l'Évêque de Bayeux et de Lisieux prenne sous sa protection les monuments remarquables de son diocèse et qu'il soit fait des réclamations près de lui. L'Assemblée s'associe à ce vœu qui sera consigné au procèsverbal.

M. de Caumont lève la séance et donne rendez-vous aux membres à huit heures du soir dans le même local.

Le Secrétaire,

Vicomte L. de Neuville.

« PreviousContinue »