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heureux pour l'Église eussent commencé, la chrétienté était encore assez forte pour se défendre et propager au loin la civilisation chrétienne.

Il ne faut pas oublier que ce fut le siècle de saint Grégoire VII; de saint Bernard, de Suger, du Cid et de Godefroy de Bouillon.

« Agde, Maguelonne, Nîmes, Uzès et Lodève, comme aussi le primat « d'Aix, qui est le second métropolitain narbonnais, sont déclarés ⚫ soumis à l'église de Narbonne. ▾

— « 1403 (kal. de septembre). Lettres du pape Benoît XIII, dans « lesquelles il est dit: Sa Sainteté avoir apprins comme aulcuns des • Papes précédents avoient soubzmis obligé et subjugué certaines pro« vinces, du nombre desquelles estoit la province de Narbonne, au a droit de primace de l'église de Vienne, partant pour esviter aux « différentz que pour ce regard pouvoient advenir entre l'arche• vesque de Vienne et l'archevesque de Narbonne, Sa Sainteté révoque « les lettres que le dit archevesque de Vienne en avait obtenues, et ce a faisant, tira et osta totalement le dit archevesque de Narbonne, << ensemble tous les évesques suffragantz de la soubmission et sub<jection aud droit de primace de l'église de Vienne, à la juridiction « de laquelle les papes ses prédécesseurs les avoient soubmis et obligés.

« L'exécution de ces lettres fut confiée aux abbés des monastères de « St-Sernin de Toulouse et de St-André-lès-Avignon.

< Lettres du mesme pape Benoît XIII, dressantes aux mesmes « abbés, datées du mesme jour, dans lesquelles il est dict comme « l'archevesque de Bourges se disant primat et patriarche de la « Guyenne prétendoit avoir mesme droit sur la province de Narbonne • tellement que le dit pape Benoist, considérant combien l'archevesque ⚫ de Narbonne avoit esté grevé par le pape Jean XXII en l'érection du • métropolitain de Toulouse, et autres raisons à ce mouvant, déclaira « le dit archevesque de Narbonne exempt du droit de primace en • l'archevesché de Bourges avec inhibition de deffenses, audit archevesque de Bourges, d'exercer aulcun acte de juridiction sur ledit << archevesque de Narbonne. »

(Archives de Narbonne.)

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Si l'Église eut à déplorer certains relâchements, elle eut aussi la consolation d'admirer de grandes vertus.

Le clergé bâtissait partout des églises, et, de tout temps, la presque totalité des édifices religieux de France a été l'œuvre du clergé.

Les revenus considérables des archevêques de Narbonne, des décimateurs ecclésiastiques de Rieux, unis aux ressources des fondations paroissiales, durent pourvoir aux frais du monument qui nous intéresse.

« L'architecture religieuse, écrit M. Viollet-Leduc, se « développe dans les provinces de France en raison de l'im<< portance politique des évêques ou des établissements reli<< gieux. >>

« L'impulsion artistique, dit M. Félix de Verneilh, est << toujours venue des cathédrales, où les ressources et les << lumières se centralisaient. »>

• Dans des villages mêmes, ajoute ailleurs M. Daniel « Ramée, on construisit des chapelles, des églises, et l'édi<fication de tous ces monuments était dirigée par des « évêques. »

La seigneurie de Rieux-Minervois fut, d'ailleurs, à cette époque, possédée par les vicomtes de Minerve, qui résidaient assez loin de la localité. Si quelque seigneur avait fondé l'église, il en aurait consacré le souvenir (ad perpetuam rei memoriam) par un signe extérieur. Il n'aurait pas manqué d'y faire creuser une crypte pour son tombeau. selon Car, dès le VIIIe siècle, d'après les uns, dès le XII*, les autres, après avoir placé les tombes des grands le long des murs, sous la gouttière, sub stillicidio, on adopta l'usage d'inhumer dans les églises les personnes d'un rang élevé.

Les seigneurs n'auraient pas attendu la fin du XIVe siècle pour faire la crypte de l'église de Rieux, s'ils avaient bâti le

monument. Nous lisons, en effet, dans une chronique consignée au Cartulaire déjà cité, que Guillaume de La JugiePuydeval, baron de Rieux, Alzonne, La Livinière, seigneur de Ferrals, Saint-Julien, Leuc, Alader, Puech, La Jugie, Puydeval, etc., etc., fonda une chapelle souterraine, sous l'invocation de sainte Magdeleine, dans l'église paroissiale de Rieux, où on l'inhuma devant le maître-autel, en 1397, avec sa femme Catherine de Mornay, morte l'année précédente; et depuis lors, ce fut le tombeau de la famille (1).

Est-ce à dire maintenant que les seigneurs de Rieux n'ont pas pu contribuer à la fondation de cette église ? Non, certes; ils l'ont fait, sans doute, comme paroissiens, et cela est d'autant plus probable, que dans les oratoires disposés au milieu des forteresses du moyen-âge, on ne célébrait jamais les offices divins. « Ce ne fut guère qu'au XIV' siècle, <«dit M. Viollet-Leduc, que les oratoires des châteaux de« vinrent parfois de véritables petites chapelles, où l'on < pouvait dire la messe. »

Les seigneurs étaient donc obligés au XIe siècle, quand

(1) Guillaume de la Jugie obtint de Charles V, par la protection du frère de ce roi, Louis, duc d'Anjou, gouverneur et lieutenant-général en Languedoc, une décharge considérable des impôts qui frappaient les habitants de Peyriac.

Sa femme, Catherine de Mornay, était fille de Pierre de Mornay, seigneur de la Ferté-Norbert, au diocèse d'Amiens, sénéchal de Carcassonne et de Béziers.

En l'an 1387, Guillaume fit hommage des baronnies de Rieux, Alzonne, la Livinière, etc., etc., au roi Charles VI, qui lui permit, par lettres patentes de la même année, de faire tenir trois foires à Rieux, savoir à la St-Jean, le 6 mai; à la St-Roch, le 16 août, et à la St-Thomas, le 22 décembre. Cette dernière foire est la seule qui se tienne encore aujourd'hui. — ( Histoire généalogique de la maison de Rieux; Cartulaire de Carcassonne).

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ils se trouvaient à Rieux, d'aller aux cérémonies religieuses de l'église du bourg. Ils devaient alors d'autant plus volontiers participer aux frais du culte paroissial.

Mais voici que de savants archéologues déclarent le monument de la fin du XIIe siècle, et pensent qu'il été bâti par les Templiers.

Nous ne saurions trop respecter les opinions de maîtres; elles nous condamnent cependant à un étrange embarras quand elles se contredisent. Le doute est alors comme un pénible tâtonnement dans la nuit complète. Aussi, voudra-t-on bien nous permettre d'en sortir par le côté le moins obscur. M. Viollet-Leduc n'a guère fait qu'une phrase sur la rotonde de Rieux-Minervois; mais elle pourrait servir de base à nos hypothèses.

« A Rieux-Minervois, dit-il, est un monument circulaire, << avec cercle de colonnes intérieures et absidiole, dont la « construction remonte à la fin du XI° siècle. »

Nous ne connaissons pas, à ce sujet, les raisons du célèbre architecte, et notre insuffisance est, sans doute, loin de les découvrir. Mais cette affirmation est exclusive de celles qui font de notre église une chapelle de Templiers.

Si nos motifs archéologico-historiques de sont pas vains, nous ne saurions non plus l'admettre.

L'Ordre des Templiers fut fondé en 1118 seulement, par Hugues de Payens ou de Pains, de la maison des comtes de Champagne, et par huit autres gentilshommes, pour la défense de la Terre-Sainte.

Ces premiers chevaliers du Temple étaient d'abord soumis à la règle de saint Augustin; mais ils ne furent définitivement constitués, par Honorius II, qu'après le Concile de Troyes (1128), où saint Bernard fut chargé de leur donner une règle, adoptée définitivement en 1135.

« Les plus anciennes chapelles de Templiers, selon

« M. Viollet-Leduc, ne remontent qu'au milieu du XII << siècle environ; et elles furent presque toutes bâties à a cette époque. >>

Qu'on nous permette là-dessus quelques réflexions.

Et d'abord, Rieux n'a jamais été membre d'une commanderie. Les localités les plus voisines n'en faisaient pas non plus partie

Trois communautés de Bénédictins entouraient Rieux de leurs domaines. Ceux de Caunes avaient des propriétés à St-Frichoux et à Tolomiers. Les Bénédictins de La Grasse (de crassa, fertile) en avaient encore à Tolomiers, en vertu des pieuses largesses d'Adalaïs, vicomtesse de Narbonne qui par son testament, daté de 977, partagea l'alleu de Tolomiano (Tolomiers) entre les moines de St-Marie d'Orbieu ou de La Grasse et de St-Pierre de Caunes.

Les Bénédictins de St-Pons de Thomières, après différents dons faits, en 1079, par Raymond Béranger, comte de Barcelone; en 1085, par Raymond, vicomte de Minerve, etc., possédaient ou avaient possédé divers alleux à Peyriac, situé à trois kilomètres de Rieux. Et quand le domaine de Peyriac, qui avait été, dit-on, concédé, au XIII° siècle, au sire de Carmaing, fut donné en échange par celui-ci aux commandeurs de Douzens, en 1331, les Templiers n'existaient plus déjà depuis 19 ans (1). Les chevaliers de St-Jean leur avaient succédé.

Il est vrai que l'archevêque de Narbonne fit plusieurs libéralités au précepteur des Templiers d'Homps, et que, par conséquent, des chevaliers résidèrent dans cette localité, mais elle n'est pas limitrophe de Rieux, et les Templiers n'y ont jamais construit d'édifice circulaire. Ils n'en ont

(1) Ils furent arrêtés en France, par ordre de Philippe le Bel, en 1307; et le pape Clément V abolit l'Ordre en 1312.

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