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christiana, est relatif au décès et aux obsèques de Dalmace, archevêque de Narbonne, mort à Rieux en MXCVI, ad castrum rivis, dit Catel; ad locum rivis, d'après le Gallia christiana.

Ses obsèques eurent lieu dans l'église Ste-Marie dudit lieu, le XVI des calendes de février; et les habitants de Rieux voulurent retenir le corps de l'archevêque qui avait une très-grande réputation de sainteté, ajoute le Gallia christiana. On le transporta cependant le IV des ides de mars, à Narbonne, où il fut inhumé. Le corps de l'archevêque resta donc à Rieux du 17 janvier au 12 mars 1096. Or, avant de mourir, l'archevêque Dalmace avait réuni l'église Ste-Marie à la manse capitulaire de St-Just. Cette donation fut confirmée par plusieurs successeurs de l'archevêque, et, en 1448, une bulle du pape Nicolas V l'autorise encore.

Le monument actuel existait donc à la fin du XIe siècle. Ste-Marie était une prévôté ou prieuré-cure à la collation du chapitre cathédral de Narbonne. C'était bien l'église paroissiale du bourg, car, dans l'intérieur des murailles, aucun édifice de ce genre n'a laissé de traces, et la tradition, bien loin d'attribuer au monument une date plus récente, exagère son antiquité.

Mais alors, comment expliquer le nom de Notre-Damede-Radens, donné à l'église de Rieux dans le testament d'Antoine de Noailles ou Nouailles, retenu par Barthélemy de Vabre, notaire de Peyriac, en 1522? (1) Par une amplification de ce document. Le traducteur ou l'annotateur s'est mépris, en voulant être trop complet. Il y avait, en effet, dans l'église Ste-Marie, une statue de la Vierge dite de Radens dont l'étymologie nous paraît venir de Rodensis ou Radensis (pagus; car les métropolitains de Narbonne

(1) Cartulaire de Carcassonne.

s'intitulaient archevêques de Narbonne et du Razès (1). On aura confondu le nom de cette vierge, qui se voit encore au musée de Narbonne, avec celui de Ste-Marie (ordinairement usité au moyen-âge), vocable sous lequel l'église avait été consacrée à Dieu.

Certains passages du testament d'Antoine de Nouailles prouvent que son église paroissiale est bien la nôtre. Il y est fait mention de la chapelle Ste-Colombe qui, d'après les anciens plans, était une des principales de l'église Ste-Marie de Rieux.

Ces premiers points établis, on nous permettra d'en tirer quelques conséquences.

Ne serait-il pas possible que Dalmace lui-même eût contribué à la fondation de l'église de Rieux? Il était abbé bénédictin de Ste-Marie d'Orbieu (2) avant de devenir archevêque de Narbonne. Il jouit même des revenus de l'abbaye pendant les premières années de son épiscopat traversées par des compétitions injustes.

La nature qui parle toujours de Dieu aux cœurs vraiment chrétiens; la paix de la vallée, cette paix respirée, pour ainsi dire, avec de pures émanations dans un beau paysage ; la solitude, si chère à certaines âmes et qu'invoquait en ces termes : « O beata solitudo, o sola beatitudo ! » un

(1) Malte-Brun: Depuis qu'un archevêque de Narbonne chassé de sa ville par les Sarrasins y avait transporté son siége épiscopal.- Il procura dès lors à ce petit pays les honneurs du titre féodal de comté.

(2) Quand les Sarrasins s'emparèrent de Carcassonne, plusieurs carcassonnais, voulant échapper au joug des infidèles, s'étaient retirés dans une forêt qui couvrait les rives de l'Orbiel, et y avaient dédié une chapelle à la Vierge. Ce fut l'origine de l'importante abbaye de La Grasse. Charlemagne fit tant de bien à ce monastère qu'il en a été considéré comme le fondateur.

moine contemporain de Dalmace (1), n'auraient-elles pas arrêté quelquefois cet éminent prélat sur les bords de l'Argent-Double?

Nous le voyons mourir à Rieux, presque dans son église, dont certains détails d'architecture romane nous rappellent le porche de St-Benoît-sur-Loire, et de plusieurs autres édifices bénédictins. Il donne, avant de mourir, cette église aux chanoines de sa cathédrale. Or, les faits de ce genre se produisent ordinairement à la suite d'une fondation ou d'une réédification.

Cet argument est capital, si ce n'est décisif, dans notre thèse.

Dalmace est resté quinze ans archevêque de Narbonne; et si l'église de Rieux n'a pas été terminée, suivant toute apparence, d'après le plan primitif, il a bien eu le temps d'en voir édifier la partie principale. Qui donc, si ce n'est un archevêque de Narbonne, aurait pu prendre à Rieux l'initiative d'une œuvre aussi importante?

Jetons un coup d'œil sur l'organisation sociale de cette époque; et, pour mieux en embrasser l'ensemble, nous remonterons plus haut: jusqu'à Constantin, si l'on veut bien nous le permettre. Les études ethnographiques et historiques ne devraient jamais se séparer de l'archéologie.

Le premier empereur chrétien comprit sans peine que l'Église a une mission sociale à remplir, et lui donna les moyens d'agir plus efficacement sur le monde, en l'admettant à la vie publique.

Les lois romaines des codes de Justinien et de Théodose, les lois wisigothes du breviarium, les capitulaires de Charlemagne et de ses successeurs avaient assuré aux évêques, dont l'influence religieuse et sociale était un bienfait indis

(1) Le grand saint Bernard, né cinq ans avant la mort de Dalmace.

pensable à la civilisation, une prépondérance marquée dans les affaires. L'administration, la justice, une certaine autorité dans le jeu des institutions, relevaient de leur magistrature sacrée. Le grand empereur choisissait parmi eux les missi Dominici qui, par leur science et leurs vertus, étaient les personnages les plus distingués de son empire.

Daniel, archevêque de Narbonne, s'honorait de l'amitié toute particulière de Charlemagne, et il reçut de lui, en propriété bénéficiaire, la moitié de sa ville épiscopale.

Les successeurs de l'ancien proconsul de l'île de Chypre, Sergius Paulus, devenu l'apôtre et le premier évêque de Narbonne, prenaient le titre d'archevêques métropolitains, primats de toutes les Gaules, d'après Malte-Brun; d'archevêques métropolitains et de primats du premier siége, suivant d'autres écrivains, ou de primats des Gaules, d'après une foule de documents. Nous ne savons si, canoniquement, ils en ont eu jamais le droit, mais ils croyaient l'avoir, sans doute; et l'abbé de La Porte prétend qu'ils avaient, de son temps, au XVIIIe siècle, à bon droit conservé le titre de primat (1).

(1) La formation de la province de Narbonne date de l'an 121 avant Jésus-Christ. Elle s'appela d'abord Provincia romana ou Gallia bra

cata.

Après la victoire de Fabius Maximus, le consul Quintus Martius conduisit dans les murs de Narbonne une colonie romaine (124 ans avant Jésus-Christ), de là le nom de Narbo Martius, que dès lors porta la ville. Soixante-quatre ans avant l'ère chrétienne, ce pays était la province par excellence. Aussi le nom de Provence est-il resté à l'une de ses parties.

Auguste lui donna le nom de province Narbonnaise, l'an 27 avant Jésus-Christ.

Constantin la divisa en cinq provinces: 1o La Narbonnaise première, formée de la partie occidentale de la Gaule narbonnaise avec Narbonne pour capitale. Elle comprenait presque tout le Languedoc, le Rous

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Leur juridiction métropolitaine demeura très-étendue jusqu'en 1316. Et quoique au XIe siècle des temps mal

sillon, le pays de Foix, et répondait en grande partie à nos départements de la Haute-Garonne, de l'Ariége, de l'Aude, des PyrénéesOrientales, de l'Hérault et du Gard.

2o La Narbonnaise seconde, qui correspondait à la Provence, au sud du Dauphiné et à une partie de nos départements du Var, des Hautes-Alpes et des Basses-Alpes. Elle avait pour capitale Aquæ sextiæ (Aix).

3o Les Alpes-Maritimes, dont Eburodunum (Embrun) était la capitale.

4° Le pays dont Vienne était la ville principale: provincia Viennensis.

5o Les Alpes Pennines et Grecques : Alpæ graiœ (la Savoie), dont la capitale était Darantasia (Moutiers-en-Tarantaise).

Narbonne était, sous Constantin, un centre administratif très-important et, en 396, son préfet en avait sept autres sous ses ordres. Cette ville possédait, comme Rome, son capitole, des forums, des théâtres, des arcs de triomphe : c'était le miroir de Rome.

Après la subdivision de la Gaule en dix-sept provinces, et quand ces délimitations n'étaient déjà plus qu'un souvenir, tant les invasions barbares bouleversaient rapidement le pays, les évêques de Narbonne devenus archevêques (419) s'intitulèrent: archevêques métropolitains et primats des Gaules; primats du premier siège.

Voulaient-ils dire primats des Gaules narbonnaises ? C'est possible; mais nous n'oserions l'affirmer.

Quoi qu'il en soit, les deux Aquitaines, les quatre Lyonnaises, la Gaule Belgique ne dépendaient pas de leur siége. Plus tard, l'archevêque de Lyon reçut de Grégoire VII, en 1079, le titre de primat des Gaules, avec juridiction sur les provinces de Lyon, de Sens, de Tours et de Rouen.

Nous devons à l'obligeante communication de M. Mouynès, archiviste du département de l'Aude, l'analyse suivante de trois documents relatifs au titre primatial de l'église de Narbonne.

Lettres du pape Urbain II, en 1097, et du pape Pascal II, en « 1099, adressées à l'archevêque Bertrand (de Montredon sans doute), par lesquelles les évêques de Toulouse, Carcassonne, Elne, Béziers,

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