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Après ce chef-d'œuvre nous devrions nous arrêter et cependant nous ne voulons pas entièrement passer sous silence une belle toile de Vanloo non plus qu'un remarquable tableau du Dominiquin. Comment ne serions-nous pas captivés par la grâce coquette de cette adorable marquise, perdue dans un immense peignoir de satin blanc ? Comment ne nous élèverions-nous pas à de hautes pensées devant ce portrait de sainte Cécile qui semble prêt à murmurer quelque nouveau cantique en l'honneur de son Dieu ? L'une et l'autre peinture méritent d'attirer votre attention bien que chacune d'elles accuse un maître bien différent.

Nous avons terminé notre tâche et, que chacun veuille bien le croire ici, ce n'est pas sans quelque appréhension que nous nous sommes livré devant un public d'élite, à des critiques et à des appréciations dont la justesse éveillera peut-être quelque incrédulité. Toutefois, nul ne pourra contester l'impartialité dont nous avons fait preuve, ce qui, du reste, nous a été rendu bien facile par notre qualité d'étranger au pays. Si nous avons laissé de côté un grand nombre d'œuvres remarquables, c'est que nous ne pouvions tout nommer et qu'il fallait nous contenter de planter quelques jalons, destinés à servir de guide à ceux qui voudront, après nous, visiter la remarquable et brillante exposition, qui fait honneur, tout à la fois, à la ville de Vendôme et aux habiles organisateurs de cette fête des yeux.

Note sur les collections des Musées.

A Messieurs les Membres de la Société française d'archéologie, réunis en Congrès à Vendôme, en juin 1872.

MESSIEURS,

Je viens vous soumettre une pensée, celle d'aviser à empêcher de faire sortir des lieux pour lesquels ils ont été créés, des objets que l'on accapare induement pour augmenter les pièces des collections archéologiques de certains musées.

Depuis plusieurs années, non-seulement les grandes villes, mais aussi d'autres moins importantes, ont eu l'heureuse idée de fonder des musées, soit de peintures, soit lapidaires, soit de collections contenant des armes, des meubles, des instruments, des vaisselles, soit des objets religieux ou non.

Malgré un certain ordre synchronique ou méthodique, ces collections présentent parfois les restes du paganisme à côté des restes vénérés du christianisme. S'il s'agit de faciliter les études archéologiques par ces expositions perpétuelles, il y a cependant quelques mesures à prendre pour ne pas confondre le sacré avec le profane, les objets pouvant être utiles encore avec ceux qui, à bon droit, trouvent leur place naturelle dans les musées.

A ces utiles établissements appartiennent sans conteste toutes les pièces et tous les débris venant d'églises, de châteaux, de maisons ruinées ou rasées, les statues et pierres tombales sans destination actuelle, les meubles de la vie civile, ceux même de la vie religieuse dont le couvent,

l'église ou la chapelle n'existent plus. Et pourtant, comme nous l'écrivait (le 27 novembre 1871) l'un de nos plus respectables fondateurs : « Rien n'est triste comme la vue <de tous ces objets de provenances et d'origines diverses << séparés de leur destination et des localités pour lesquelles << on les avait faites! Les musées ne devraient leur donner << asile que dans le cas où ces choses seraient en état de << périr. >>

Vous voyez, Messieurs, avec quelles sages précautions l'on devrait ouvrir les portes des musées à tels ou tels objets!

J'ajouterai, comme observation transitoire, qu'il y a des meubles qui ne devraient jamais trouver place dans un musée, par respect pour l'usage auquel ils ont été appropriés. Ainsi, les vases sacrés, calices, saints ciboires, ostensoires, patènes, objets de la vénération des fidèles. parce qu'ils ont contenu les saintes espèces, n'ont pas, dans les musées, un asile digne d'eux, au milieu des Vénus, des Dianes et d'ornements du moyen âge d'un usage et d'une forme plus ou moins équivoque.

Les vases sacrés dont je parle ont de plus reçu une consécration qui ne permet pas aux mains des simples fidèles de les toucher. Et pourtant voilà un garçon de musée chargé de l'entretien et de la propreté qui doit nécessairement déplacer quelquefois ces objets, voilà un conservateur qui peut fort bien ne pas appartenir au culte catholique appelés également à porter leurs mains sur ces vases vénérés!

Nous nous demandons si la place de ces objets ne serait pas mieux choisie dans le trésor de la cathédrale ou dans celui de la paroisse la plus rapprochée des lieux auxquels ressortissaient l'oratoire et l'église disparus et qui avaient possédé ces vases précieux?

Par là, l'archéologue ne perdrait pas le moyen de s'instruire, et le respect des choses saintes ne pourrait qu'y gagner.

Voilà le premier point sur lequel j'ose appeler l'attention du Congrès de Vendôme!

Arrivons au second.

Je veux parler de la légèreté avec laquelle les fabriciens abandonnent des objets qui sont pour leur église un titre de gloire locale et de plus un meuble d'art précieux.

Si le titre de fondation de notre Société reconnaît chacun de nous comme le conservateur des monuments du passé dans notre localité respective, on peut se demander quelle sanction peut avoir notre titre, si, sous nos yeux, on vient dépouiller une commune d'un meuble qui était depuis de longs siècles, l'objet de la vénération publique? Un fait à l'appui.

Dans un bourg de Normandie existait un reliquaire du XIIIe siècle remanié depuis et qui vient d'être accaparé par le musée d'un chef-lieu de la province.

Voici les faits certains se rattachant à ce reliquaire vénéré.

Au viie siècle, un saint personnage de la société de Saint-Colomban, mourut au monastère qu'il avait fondé là où existe le bourg en question, lequel bourg prit sa naissance autour du tombeau du saint et se para du nom de celui-ci.

Au Ix siècle, les Normands ruinèrent le monastère, et il ne resta plus des ossements du saint qu'un radius que plus tard on enferma dans un reliquaire. Et quand quelque fléau inquiétait la contrée, l'on ne manquait pas d'invoquer l'intercession du saint et de faire des processions dans lesquelles le reliquaire était religieusement porté. Des vieillards en font encore le récit.

Mais il y a une quarantaine d'années environ, un curé ne trouvant pas d'authentique accompagnant le reliquaire, fit transporter le radius en terre sainte et laissa le reliquaire à la place qu'il occupait dans l'église du lieu.

Ce bon curé ne comprenait sans doute pas, dans leur véritable sens, les prescriptions de l'Eglise en matière de reliques. L'Eglise, en effet, ne permet pas la translation de reliques nouvelles d'un lieu dans un autre sans un témoignage certain sur l'origine de celles-ci, mais elle ne s'occupe pas, avec raison, des reliques anciennes qui n'ont pas changé de place: « Nulla etiam admittenda esse << nova miracula, nec novas reliquias recipiendas nisi « eodem recognoscente et approbante Episcopo... (1). »

Sur les lieux mêmes où était mort le saint et où avait été son tombeau, la tradition avait transmis d'âge en âge la certitude de la possession de l'un de ses ossements. Il n'était donc pas nécessaire, au XIXe siècle, de retrouver un parchemin dans le reliquaire pour attester l'authenticité de la relique.

Il y a une douzaine d'années environ, le reliquaire fut déposé dans la sacristie, et l'année dernière, le musée de la province s'en enrichit au grand désespoir du plus grand nombre des anciens habitants du bourg.

Voilà pour la question de converance! Mais la question légale ne mérite pas moins d'attention.

Une fabrique est une personne civile, mais mineure, placée sous la protection de la loi et n'administrant qu'avec des règles fixes dont elle ne peut s'écarter.

Un musée n'est point une personne civile, il est régi au

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(1) S. S. Concilii Tridentini, sess. XXV. 4 décembre 1553. Excerptum, è novissim. editione Rothomagi, ex officina Petri Leboucher. MDCCXXII, p. 61, col. sinistra.

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