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Visite des bâtiments dépendant de l'ancienne abbaye de La Trinité.

En sortant de l'église de La Trinité, nous nous trouvons en face du grand bâtiment encore debout, renfermant autrefois les celliers et greniers de l'abbaye.

Ce bâtiment, long de 120m sur 8m,30 de large et 8m de hauteur, formait jadis la séparation entre la ville et l'abbaye. Un porche couvert, en face de la porte de l'église, où se trouve l'entrée de la rue actuelle, donnait accès dans le couvent. Le rez-de-chaussée était divisé, dans sa largeur, par de gros piliers cylindriques supportant le plancher du premier étage, dont plusieurs subsis

tent encore.

Construit en partie à l'époque de la fondation de l'abbaye, ce bâtiment offre des spécimens très-variés de portes et de fenêtres romanes, les unes très-simples aux arrêtes en chanfrein, les autres dont les pieds droits et les archivoltes sont ornés de moulures à dents de scie, d'étoiles, de zig-zags, et divisées en deux baies pleincintre séparées par une colonnette (1). Ces fenêtres, qui s'ouvraient des deux côtés du bâtiment, sont maintenant bouchées, du côté de la ville, par les maisons, qu'à une époque déjà fort éloignée, on laissa construire le long de ce bâtiment.

Après l'inspection de ce vieil édifice si dénaturé aujourd'hui, le Congrès est entré dans l'ancien couvent des Bénédictins devenu quartier de cavalerie et approprié tout naturellement à sa destination.

Déjà, au commencement du XVIIIe siècle, l'ancien bâti(1) Voir le dessin ci-joint.

ment principal, figurant sur les dessins de l'abbaye dondés par Mabillon en 1683, avait fait place à celui que nous voyons maintenant. Avec ce bâtiment, encore debout au XVIIe siècle, a disparu la curieuse cuisine circulaire du XIe au XIIe siècle, aux nombreuses cheminées, décrite par M. Viollet-le-Duc, t. IV, p. 465 du Dictionnaire d'architecture.

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Un couloir traversant le grand bâtiment actuel, donne entrée dans la cour des cloîtres existant encore et transformés généralement en cantines ou en écuries.

L'une de ces dernières surtout, occupe l'ancienne salle capitulaire communiquant, d'un côté, avec les cloîtres, et de l'autre avec la sacristie dont nous avons parlé plus haut.

Cette salle du xve siècle mesurant 12m de long sur 8m de large est divisée, dans sa longueur, en trois travées et en deux dans sa largeur, par deux élégants et minces piliers recevant la retombée des nervures prismatiques des voûtes. Le mur, aux deux extrémités, est orné de gracieuses arcatures en relief qui devaient faire de cet intérieur un ensemble des plus complets, déshonoré aujourd'hui par la destination qu'on lui a donnée.

Le côté sud de l'église, vu de la cour des cloîtres, offre un aspect, à la fois, de grandeur et de pittoresque différant de celui du nord, en raison de sa double rangée de contreforts et d'arcs-boutants nécessités par la saillie des cloîtres adossés au bas-côté sud.

Il nous reste encore à visiter quelques vestiges des anciennes constructions de l'abbaye. Nous voulons parler de la première chapelle élevée à l'époque de la fondation du monastère, en attendant l'érection d'un monument plus vaste et plus digne de l'importance de la future abbaye cardinale de La Trinité. Cette modeste chapelle rectangulaire de 12m de long sur 7m de large, aux étroites fenêtres romanes et aux contreforts demi-cylindriques reçut, au XIII° siècle l'addition d'un choeur et d'un sanctuaire à trois pans avec voûte en pierre appareillées sur nervures toriques et colonnettes à chapiteaux variés. Elle devint alors le sacrarium de la grande église.

Un plancher la divise aujourd'hui en deux étages dont le rez-de-chaussée est occupé par l'armurier du régiment et le premier par une cantine où les chants sacrés d'autrefois sont loin de se faire entendre.

Terminons enfin par une visite à la demeure des derniers abbés de cet important monastère, demeure devenue le presbytère actuel. Cette intéressante construction du xvie siècle qui a conservé, extérieurement du moins, son an

cienne physionomie, se compose d'un pavillon percé de fenêtres et lucarnes à croisillons au milieu duquel est adossée une élégante tourelle octogone contenant l'escalier, auquel on parvient par une porte surmontée d'une accolade ornée de choux délicatement sculptés.

Un cours d'eau traversant encore le jardin en face, faisait autrefois tourner un moulin à l'usage du couvent.

Quelques pans de murailles, restes des anciennes fortifications de l'abbaye, subsistent encore le long de la rivière, au fond du jardin.

En sortant de cette demeure abbatiale, on passe devant une construction du xvre siècle qui devait être l'habitation d'un important dignitaire du couvent, et non loin de la chapelle Notre-Dame-de-Pitié bâtie assez récemment sur l'emplacement d'une ancienne chapelle du xre siècle, élevée par les vassaux de l'abbaye, et visitée aux xro et xiie siècles par les papes Urbain II et Calixte II, qui y consacrèrent deux autels.

Un point de cette description donne lieu à une intéressante discussion entre MM. Launay, de Cougny, de Salies, l'abbé Auber, etc.

Les piliers du transept sont fort reconnaissables comme étant de la construction primitive, ils se composaient d'un massif en croix, cantonné de quatre colonnes engagées dont il ne reste intactes que celles au-dessous de l'arc s'ouvrant sur chacun des bras de la croix. Ces arcs sont maintenant en ogive surhaussée ayant remplacé les arcs plein-cintre primitifs. Au-dessus des chapiteaux, contre les parties droites de l'arc surhaussé se dressent quatre statues, dont une d'évêque.

M. de Cougny voit dans ces statues un des caractères

des églises de style plantagenêt contemporaines des voûtes dominicales des transepts.

M. de Salies soutient qu'elles sont du XIe siècle et de l'église primitive, et qu'on les a respectées lors de la construction des voûtes à la fin du XIIe siècle.

M. de Cougny admet que les piliers sont du xre siècle, mais pour les statues, il les croit du xire.

M. de Salies insiste. Le xre siècle est si avancé en Vendômois qu'il est très-facile à confondre avec le xiie.

M. de Cougny soutient qu'il est impossible que ces statues dont M. Bouet a fait un excellent dessin soient du XIe siècle, pendant lequel les personnages représentés sont collés contre la pierre et comme dans une gaine. Ce n'est qu'au XIIe qu'ils se dégagent peu à peu et finissent par prendre une apparence de vie et de mouvement.

M. l'abbé Auber appuie cette opinion par l'exemple de la statuaire de Saint-Hilaire de Poitiers et d'un grand nombre d'autres églises; mais M. de Salies, s'appuyant sur certaines particularités de construction, persiste dans son premier sentiment.

M. Martelière trouve ces statues trop courtes pour le XIIe siècle.

Un autre point attire l'attention du Congrès; c'est celui relatif à la déviation de l'axe de l'église.

M. l'abbé Auber connaît plus de cent églises où cette déviation a lieu, même jusqu'au xive siècle.

M. de Salies cite l'église de Lavardin, construite d'un seul jet et dont l'axe est pourtant dévié.

M. Launay proteste contre l'explication donnée pour expliquer ce fait que les architectes du moyen âge ne savaient pas planter leurs églises. Il signale ensuite les contreforts cylindriques de la chapelle primitive du xie siècle qui précéda l'église de La Trinité et attire l'attention

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