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DE L'INDUCTION,

PAR M. TH. DU MONCEL,

Membre titulaire.

Les effets de l'induction électrique sont si variés dans la manière dont ils prennent naissance qu'on pourrait, à première vue, leur supposer une origine très-différente; et pourtant, quand on analyse à fond la question, on finit par reconnaître que la cause initiale est toujours la même. Ce qui peut amener souvent de la confusion dans les esprits, c'est que les principes et les lois qui ont été posés sur les effets de l'induction ne sont pas assez généraux pour embrasser tous les phénomènes dans leur ensemble et permettre de saisir le lien qui les réunit.

Autrefois, on péchait par une surabondance d'idées philosophiques qu'on émettait trop facilement sur les phénomènes généraux de la nature; aujourd'hui, on pèche par l'excès contraire et on attache trop d'importance à limiter les théories dans l'étroit sentier de l'expérience et de l'analyse.

Il en résulte que, faute de guide, les faits s'accumulent sans être coordonnés, et, comme les actions physiques sont toujours accompagnées de réactions secondaires, qui en dénaturent quelquefois l'effet,

on perd de vue les grands principes pour ne voir que des effets complexes qui ne peuvent éclairer sur la nature des phénomènes en eux-mêmes. Dans les sciences physiques, une des manies des temps actuels est l'introduction dans les formules de nombreuses constantes numériques, qui, d'expressions simples se rapportant à des lois bien définies, en font des formules empiriques, dont le moindre défaut est de masquer les lois qui leur ont donné naissance. Quand il s'agit d'appliquer numériquement ces formules, on peut comprendre encore l'introduction de ces constantes; mais, dans la discussion des phénomènes, ce système ne peut avoir pour résultat que d'égarer. Je n'en veux pour preuve que les lois de Ohm. Certainement la formule des piles, qui leur sert de base, n'est pas tout à fait exacte, en raison des effets secondaires de polarisation qui s'y produisent. Mais, si à cette formule

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qui représente plus exactement les effets produits, parce que les trois constantes c, c', c" auront été déduites de l'expérience, il aurait été impossible de découvrir les magnifiques lois que Ohm a déduites et qui, quoi qu'on fasse, se retrouvent toujours avec un plus ou moins grand degré d'exactitude. En définitive, je crois qu'aujourd'hui on se noie dans les détails et on perd trop facilement de vue l'ensemble des faits.

Je n'ai certes pas la prétention, dans le travail qui va suivre, de poser les bases d'une théorie simple comme celle dont je viens de parler; mais il me semble qu'il est possible de généraliser davantage le principe qui sert de base à l'induction. Déjà M. Lenz l'a simplifié en le rapportant à des effets de mouvement; mais on peut faire plus encore, et je crois que ce principe pourrait être résumé philosophiquement dans la définition suivante :

L'induction électro-dynamique est l'expression du mouvement qui s'accomplit dans l'état électrique d'un corps pour se mettre en état d'équilibre avec le corps électrisé qui l'influence, et l'induction électro-statique est l'action qui succède à cet état d'équilibre établi.

Comme chaque changement dans les rapports réciproques de deux corps dont l'état électrique est équilibré, entraîne de nouvelles conditions d'équilibre, qui donnent toutes naissance à un mouvement électrique, il en résulte que tout changement dans l'intensité électrique de l'inducteur, tout rapprochement ou tout éloignement de l'inducteur et de l'induit, tout changement dans la disposition moléculaire des particules électrisées doivent donner naissance à un courant d'induction, qui devra être dans un sens différent, suivant que ces changements s'effectueront de manière à constituer l'action induisante en plus ou en moins. Or, comme les lois d'équilibre entraînent toujours l'intervention de deux actions contraires, on peut établir, comme principe général, que toute action donnant lieu à un changement dans l'état d'équilibre électrique de deux corps, dont l'un est électrisé, doit provoquer, dans celui qui

en subit l'influence, une action dynamique de sens contraire, qui pourra être un courant, si le mouvement produit pour constituer l'équilibre peut se développer dans un circuit et qui donnera ensuite lieu, sous certaines conditions, à un effet de condensation ou d'électrification; mais cette action ne se produira qu'au moment même où le changement d'état électrique se manifestera, car, aussitôt après, l'équilibre entre les rapports électriques des deux corps se trouvera établi. Si cet état se trouve de nouveau rompu pour revenir à ce qu'il était primitivement, une nouvelle manifestation électrodynamique devra en être la conséquence; mais elle devra se produire, cette fois, en sens inverse de la première.

Pour qu'on puisse se rendre compte physiquement de ces principes, nous allons considérer l'action inductive dans les différents cas où elle peut se manifester: d'abord, dans celui où l'électricité développée sur l'un des deux corps conducteurs en présence a une tension suffisante pour ne pas être solidaire, dans ses effets dynamiques, d'une action électrique contraire agissant simultanément : c'est le cas de l'électricité développée par l'intermédiaire des machines; en second lieu, dans le cas où les effets dynamiques ne peuvent se produire que quand la source animant l'inducteur développe la double action dont nous venons de parler, ce qui est le cas de l'électricité voltaïque; en troisième lieu, dans le cas où, la transmission électrique ne pouvant s'effectuer par un déplacement des fluides d'une molécule à l'autre, l'action inductive est localisée et multiple, comme cela a lieu dans l'induction magnéto-électrique.

1er CAS. - Dans le premier cas, qui est le plus simple, parce qu'on peut suivre à l'œil les différentes phases du phénomène, il est nécessaire de supposer que les deux corps conducteurs en présence soient isolés et placés à une petite distance l'un de l'autre, dans un milieu parfaitement sec. Nous admettrons alors que l'un de ces corps a eu son équilibre électrique rompu de manière à se trouver chargé d'électricité négative, et nous remarquerons que, pour que cette rupture d'équilibre ait pu avoir lieu, il a fallu que l'électricité positive de ce corps lui ait été soustraite d'une manière quelconque par la source électrique excitatrice, ce qui a donné lieu à un mouvement électrique à travers le conducteur, réunissant cette source excitatrice au corps électrisé. Naturellement, le sens de ce mouvement ou de ce courant, qui n'a pu être qu'éphémère, s'est trouvé dirigé du corps électrisé à la source. Or, examinons ce qui doit résulter de cette action par rapport à l'état électrique du second corps.

Sous l'influence de la charge négative du premier corps, l'électricité positive du second va se trouver attirée et le fluide négatif repoussé, et, si une communication est établie entre ce corps et la terre, cette charge négative va s'écouler en fournissant à travers le conducteur un courant dont le sens, au galvanomètre, sera de la terre au corps influencé, courant éphémère, comme le premier dont nous avons parlé, mais qui sera précisément dans une direction inverse. Je sais qu'on appellera ce courant un courant de décharge, comme on aura appelé le premier un courant de charge; mais, par le fait, ce

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