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été envoyée par MM. Bongard et Ruprecht; — sir William Hooker lui a fait cadeau d'environ cinq milles phanérogames des Indes-Orientales; -- le R. Pius Titius l'a fait participer à ses récoltes d'algues de l'Adriatique; les plantes des deux Carolines lui ont été expédiées par le R. Curtis;-celles des environs de St-Louis, par M. Engelman; — MM. Riédel et Benjamin Délessert ont partagé avec lui des plantes du Brésil; - MM. Boissier et Gaillardot lui ont procuré les espèces de diverses contrées de l'Asie-Mineure ;-M. Hobenacker, celles de Surinam, de l'Égypte, de la Nubie, de la Perse, etc.;M. Cuming, celles des îles Philippines;-M. Thwaites, celles de l'Arabie et de l'Abyssinie; M. Drège, celles du cap de Bonne-Espérance; - M. Mandon, celles des Andes de la Bolivie; - M. de Limminghe, de nombreuses fougères exotiques et des phanérogames du Pérou ; — le Dr Ferd. Mueller lui a envoyé deux grandes caisses pleines d'algues australiennes; M. Cosson, tout un herbier de l'Algérie et une collection d'espèces recueillies sur les points. les plus curieux de l'immense empire de Russie. Enfin, MM. Vieillard et Deplanche, chirurgiens de marine, qui ont si bien exploré, pendant quatorze années, le sol de la Nouvelle-Calédonie, avant que ses côtes ne fussent attristées par les épaves de nos discordes civiles, lui faisaient fréquemment des envois considérables, qui ont permis d'apprécier, mieux qu'on ne l'avait fait avant ces intrépides naturalistes, la belle végétation de cette colonie française, qui est une émule de l'Australie.

J'ai cru devoir entrer dans cette énumération, un

peu longue peut-être, afin de faire mieux apprécier toute l'importance de l'herbier Lenormand, qui était, en quelque sorte, un centre d'attraction pour les richesses végétales de toutes les contrées du globe.

Combien de naturalistes ont fait le pèlerinage de Lénaudières; combien de savants, français ou étrangers, sont venus puiser dans l'immense herbier qui s'y trouvait les documents dont ils avaient besoin pour confirmer les opinions qu'ils avaient émises ou pour exécuter de nouveaux travaux? Après y être venus une première fois pour une recherche scientifique, ils y étaient attirés de nouveau par l'accueil si sympathique dont ils avaient été l'objet. Parmi les naturalistes qui ont consulté l'herbier ou qui ont rendu visite au savant aimable qui l'avait formé, qu'il me soit permis de citer quelques noms : et d'abord, M. Alphonse de Brébisson, que René Lenormand appelait son meilleur, son plus cher ami, et qui devait le rejoindre si tôt ! puis, MM. Alph. de Candolle, Chauvin, Desmazières, Enleinstein, Th. Fries, Grenier, comte Jaubert, Ed. Jardin, Ate Le Jolis, Dr Lebel, Dr Monin, Dr Mougeot, Pelvet, Ralfs, Sanson, Suringer, Vieillard et Deplanche, Areschoug, Beautemps-Beaupré, Doyère, Dr Godey, Irat, l'abbé Tabard, Roussel, Husnot, Goulard, Duquesne, etc. Au retour d'un de ses voyages autour du monde, Dumont-d'Urville vint rendre visite à Lenormand, et il lui apporta, comme souvenir, un précieux bouquet de plantes récoltées dans les îles de la Grèce, sur les côtes de la mer et aux îles Malouines. Non-seulement Dumont-d'Urville et René Lenormand étaient nés dans la même ville,

mais ils avaient eu le même parrain et leurs deux familles étaient très-liées. << J'ai besoin, disait « Dumont-d'Urville à un de leurs amis communs, « d'aller oublier pendant quelques jours, à Vire, les <<< ennuis que me causent trop souvent mes publi« cations scientifiques et les déceptions qui ne me << sont pas épargnées. Annoncez mon arrivée! » Et, le lendemain, eut lieu l'épouvantable catastrophe dont il fut la principale victime avec sa femme et son fils!

Bien qu'il se fût retranché dans la retraite pour consacrer tout son temps et toutes ses facultés à l'étude des plantes, René Lenormand ne put toutefois se soustraire complètement à la vie publique. Lorsqu'éclata la Révolution de 1848, ses concitoyens, qui avaient éprouvé son patriotisme dans les luttes électorales, se souvinrent de l'homme de bien dont ils connaissaient la droiture et l'honnêteté, et le poursuivirent de leur estime au point de l'arracher à sa chère retraite dans des temps troublés où, plus égoïste, il en eût mieux goûté tout le charme.

En 1848, la sous-préfecture de Vire, occupée d'abord par M. Besnard, comme sous-commissaire, resta vacante par suite de l'élection de ce dernier à l'Assemblée constituante. Sollicité, ou plutôt acclamé par toute la population viroise, René Lenormand consentit à faire le sacrifice de ses goûts les plus chers, et il accepta des fonctions que, dans de semblables circonstances, ceux qui ne sont qu'ambitieux ne recherchent guère. On retrouve dans les journaux du temps et dans la mémoire de ses contemporains le récit de l'ovation dont il fut l'objet.

Après l'avoir installé à la sous-préfecture, la garde nationale, tous les corps constitués et un grand nombre de ses concitoyens l'escortèrent jusqu'à la limite de la commune de Tallevende, sur laquelle est situé l'ermitage de Lénaudières. Touché jusqu'au fond du cœur de cette ovation spontanée, il put, malgré sa vive émotion, adresser à ceux qui l'entouraient quelques paroles empreintes du patriotisme le plus loyal. Sa présence à la tête de l'arrondissement, dans les graves circonstances où l'on se trouvait, furent pour tout le monde une garantie, et ses actes justifièrent les espérances de ses administrés. Aussi, le virent-ils avec un profond regret résilier ses fonctions le lendemain du jour où échoua la candidature du général Cavaignac. Il avait obéi à sa conscience.

Le 15 février, il exprimait ainsi au docteur Roussel sa résolution de rentrer dans la retraite :

« Ce n'est qu'après avoir adressé trois fois ma « démission, et lorsque la nomination du président actuel de la République ne me permettait plus de « rester au poste où m'avait appelé la précédente « administration, que j'ai pu obtenir la permission « de rentrer dans ma solitude. J'ai répondu à la << confiance de mes concitoyens, puisque l'ordre et « la tranquillité n'ont pas été troublés un seul instant « dans notre pays; mais je n'aurais ni la volonté, ni « le courage, ni la force, de m'imposer désormais un pareil sacrifice. Mon cabinet est encombré de « paquets que je n'ai pas encore pu classer. »

Ce fut le 10 janvier 1849 que René Lenormand rejoignit ses chères plantes, à l'étude, à la prépa

ration et à l'échange desquelles il consacra sans réserve tous les moments de sa vie studieuse.

René Lenormand était membre de plusieurs Académies nationales et étrangères; mais il a peu écrit pour ces Sociétés et pour la Presse. On connaît de lui, toutefois, ses premières études sur la flore des environs de Vire, faites en collaboration avec Dubourg-d'Isigny; ses éloges de Chauvin et de Turpin, qui peuvent être cités comme des modèles du genre; sa notice biographique sur Adel Durand, ancien président du Tribunal de commerce de Vire; le discours qu'il a prononcé à la séance publique tenue par la Société Linnéenne en cette ville, le 8 juillet 1866; l'allocution qu'il fit lors de l'inauguration de la statue de Castel. On lui doit aussi plusieurs Mémoires sur des sujets spéciaux, et ces publications sont, pour la plupart; non-seulement précieuses au point de vue de la science, mais elles révèlent chez leur auteur un commerce fréquent avec les bons auteurs de notre langue et de l'antiquité.

Le talent d'écrire de René Lenormand s'est plus particulièrement donné carrière dans la volumineuse correspondance qu'il a entretenue, pendant près d'un demi-siècle, avec les savants des deux hémisphères; son dépouillement, que nous espérons faire un jour, fera connaître des renseignements trèsprécieux sur les naturalistes de cette époque et sur leurs œuvres.

Dès quatre heures du matin, René commençait sa correspondance, qu'il continuait. pendant l'été, jusqu'à six heures, et, pendant l'hiver, jusqu'à ce que le jour parût; - alors il s'occupait de préparations

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