Page images
PDF
EPUB

faites à cette doctrine par Lallemand, Perrin et Duroy. Puis il continue ainsi : « L'alcool n'est pas un « aliment, parce que s'il en était un, l'organisme, « par son pouvoir d'oxydation, parviendrait à le ré<< duire en acide carbonique et en eau, et il retire«rait de cette opération une certaine quantité de « chaleur. Pendant qu'il accomplirait cet acte, rien « ne viendrait troubler le cours régulier de ses fonctions; la composition chimique de ses éléments « histologiques serait maintenue; l'alcool, en un « mot, subirait la loi de l'organisme sans pouvoir « faire dévier ce dernier de la voie qui lui est tracée << par la nature. »

"

C'est possible; mais, jusqu'à ces derniers temps, il était admis sans objection que l'alcool introduit dans le sang y subit une oxydation progressive dont l'acide carbonique et l'eau sont les termes ultimes. On avait même précisé les transformations intermédiaires par lesquelles il devait passer avant d'arriver à ce dernier degré de combustion. L'aldehyde, l'acide acétique et l'acide oxalique, étaient, disait-on, autant de phases d'oxydation successives qu'il subissait avant sa destruction finale. Une faible partie seulement de l'alcool ingéré était considérée comme échappant à l'action réductive de l'économie pour s'éliminer en nature par les poumons, et comme l'analyse chimique n'avait jusqu'alors retrouvé d'alcool qu'en proportion insignifiante dans le sang et les produits d'exécrétion, on était autorisé à induire de là que cet agent est complètement et rapidement détruit par l'organisme.

MM. Lallemand, Perrin et Duroy prouvèrent,

est vrai, que l'alcool est éliminé par d'autres voies que le poumon; que, de plus, on le retrouvait en nature dans le sang et les viscères; qu'il était impossible de saisir les produits intermédiaires ou ultimes de sa destruction, et en conclurent qu'il ne se transformait pas dans l'organisme, qu'il y restait inaltérable pendant son séjour et ne faisait que traverser le corps sans s'y modifier. Soit! mais l'auteur aurait bien dû nous dire pourquoi ces Messieurs n'avaient abouti, en somme, malgré leurs minutieuses recherches, qu'à retirer du sang et des viscères une fraction très-minime de l'alcool ingéré. Or, qu'était devenue la portion considérable qu'ils n'avaient pas retrouvée ? Ne leur avait-elle pas échappé précisément par cette raison qu'elle s'était transformée et détruite dans l'économie ? si bien que les résultats mêmes d'expériences dont se prévalait la nouvelle doctrine furent retournés contre elle, et invoqués comme une confirmation des idées qu'elle combattait.

Eh bien ! il me semble que tout cela rentrait dans le domaine du rôle physiologique de l'alcool et conduisait naturellement au rôle de l'alcool dans la nutrition, c'est-à-dire à l'objet même de la première division de l'auteur. Et alors, au lieu de cette phrase ambiguë du Mémoire que nous avons citée, nous aurions su, puisque l'auteur ne veut pas que l'alcool soit un aliment, pourquoi il lui refuse ce titre : c'est-à-dire parce que le propre d'un aliment livré aux forces actives de la chimie vivante, c'est de perdre très-vivement son identité, et qu'une fois soumis à l'absorption il cesse d'être lui-même pour

faire partie constituante du sang, parce que, en l'état de santé, l'aliment n'apparaît ni en petite ni en grande quantité dans les divers produits d'excrétion. Contenu dans le liquide sanguin, circulant partout avec lui, il n'exerce aucun effet appréciable sur le fonctionnement des divers organes ou appareils ; son action s'épuise dans le silence de la vie végétative au fur et à mesure des besoins; puis après une durée variable, à la suite de catalyses dédoublantes, provoquées dans le mouvement de désassimilation, il est rejeté de l'organisme sons la forme de combinaisons secondaires.

Alors, comparant l'alcool à cet aliment, il aurait pu nous dire que, contrairement aux aliments, il séjourne dans le sang en nature, comme une substance étrangère, qu'il est rejeté en nature hors de l'économie par les diverses voies d'élimination; qu'il s'accumule dans certains organes, lesquels en contiennent constamment plus que le sang; qu'il trahit enfin sa présence dans l'économie par des effets tout spéciaux, effets toxiques et pouvant devenir mortels. Devant ces preuves, nous aurions peut-être dit avec lui qu'à tous ces titres l'alcool proteste contre le rôle alimentaire qu'on veut lui prêter, que s'il paraît nourrir et apaiser la faim, son action n'est pas réellement réparatrice, que ses propriétés réconfortantes ne sont dues qu'à la stimulation momentanée qu'il exerce sur le système nerveux. Et faisant remarquer que l'inappétence des buveurs ne résulte le plus souvent que d'une irritation chronique des voies digestives et non des qualités nutritives des boissons spiritueuses, nous aurions ajouté, entre bien d'autres

faits, que si les peuples du nord consomment beaucoup d'alcool, c'est pour monter leur système nerveux au ton d'une excitation capable de contrebalancer l'influence dépressive du froid, et non pour fournir des matériaux à la combustion respiratoire.

Tout cela rentrait évidemment dans la question posée, et je me demande si ce simple aperçu de doctrines adverses ne valait pas mieux, quoique tiré de l'ouvrage de Lallemand, que cette conclusion originale de notre auteur:

[ocr errors]

<< Il s'ensuit que l'alcool résistant aux forces de l'organisme et le contraignant à dévier de sa voie physiologique, entre avec lui dans des rapports « dont les effets physiologiques sont le résultat; or, << produisant des effets physiologiques, il est médica« ment, dût-il même, à travers l'organisme, subir << des décompositions comme les autres corps hydro« carbonnés. »>

Je le crois, mais cela aurait dérangé notre auteur dans le développement de son idée, que je ne saurais mieux résumer qu'en citant les conclusions qui terminent la première partie de son travail. Les voici :

<< 1° Par rapport aux organes pour lesquels l'alcool «a de l'affinité, il est un médicament vasculaire « direct; 2o son action sur la circulation est centri«fuge; 3° par rapport aux qualités chimiques qu'il <«<manifeste dans le milieu intérieur, il est, selon « les conditions dans lesquelles on l'administre, ou << un agent d'oxydation indirecte ou un agent d'hy<< dratation indirecte de l'organisme; en d'autres << termes, l'alcool est, selon les conditions dans lesquelles il est administré, ou un médicament vas

[ocr errors]

«culaire artéral et capillaire ou un médicament << vasculaire veineux à direction centrifuge. >>

Tout pivote, en effet, dans le Mémoire, autour de ces mots: médicament vasculaire, médicament vasculaire à direction centrifuge, qu'il opposera bientôt aux maladies à direction centripète. Avant de les discuter, voyons rapidement, et ce sera facile, sur quelles bases l'auteur s'appuie.

Il commence, dans son § 2, par l'étude de l'action de l'alcool administré à faibles doses sur le système artériel et capillaire, et relatant ou plutôt commentant à sa façon les expériences de Morvault et de Zimmerberg sur la pression sanguine dans les artères, que modifie l'absorption de l'alcool, et appliquant à leur interprétation une loi formulée par Luton dans son article CIRCULATION, du Dictionnaire de médecine, il en conclut que l'alcool, dans ses rapports avec l'organisme, produit le relâchement du système vasculaire, artériel et capillaire.

Le paragraphe suivant a pour titre Action de l'alcool à hautes doses sur le système vasculaire veineux. Tout à l'heure, il l'étudiait à petites doses sur le système artériel, maintenant il l'étudie à hautes doses sur le système veineux. On a lieu de se demander si c'est un procédé rationnel pour arriver à un résultat concluant. Mais l'auteur n'y prend garde, et s'appuyant sur les expériences de Claude Bernard, relatives aux anesthésiques (il est vrai, qu'entre parenthèse, il nous dit que M. Morvault a établi que l'alcool produit des effets identiques), il en conclut que l'alcool produit le relâchement du système vasculaire veineux. Ainsi, il est établi que les effets de l'alcool

« PreviousContinue »