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SÉANCE PUBLIQUE

DU 20 NOVEMBRE 187 2.

PROGRAMME.

DISCOURS D'OUVERTURE, par M. FERRAND, préfet du Calvados, président de l'Académie.

RAPPORT GÉNÉRAL, par M. Julien TRAVERS.

RAPPORT de M. DE ROBILLARD DE BEAUREPAIRE Sur le concours ouvert pour un Essai sur la vie et les œuvres de Moisant de Brieux, fondateur de l'Académie, 1652.

en

JUGEMENT SUR LE CONCOURS, extrait du registre des procès-verbaux, et Remise du prix de mille francs (legs P.-A. Lair) au lauréat.

SUR LES GRÈVES, par M. Paul LEROY-BEAULIEU, professeur à l'École libre des sciences politiques.

UNE SOIRÉE A SÈVRES PENDANT LA COMMUNE, par M. Albert SOREL, professeur à l'École libre des sciences politiques.

BIOGRAPHIE DE M. RENÉ LENORMAND, par M. MORIÈRE, professeur à la Faculté des Sciences.

POÉSIES, par MM. MICHAUX (Clovis), juge honoraire au Tribunal civil de la Seine; THERY, ancien recteur de l'Académie de Caen; BLIER, professeur au Lycée de Coutances, et COLLAS, conseiller à la Cour d'appel de Caen.

ENTRE

NOS INSTITUTIONS POLITIQUES

ET

NOTRE ÉTAT INTELLECTUEL ET MORAL,

PAR M. JH. FERRAND,

Président de l'Académie, préfet du Calvados.

MESSIEURS,

Permettez-moi d'abord d'applaudir tout particulièrement aux vues qui ont inspiré cette réunion. Se rapprocher les uns des autres pour vouloir et pour agir en commun, n'est-ce pas, en ce moment, donner l'exemple et rendre le service dont nous avons le plus besoin? De telles manifestations ne peuvent-elles contribuer, au moins dans notre circonscription académique, à remettre en honneur les choses de l'esprit, à élever les pensées et peut-être ainsi à attirer l'attention sur l'état intellectuel et moral?

Je suis de ceux qui croient, plusieurs d'entre vous le savent déjà, que cet état devrait être aujourd'hui presque notre unique préoccupation. Lorsqu'on réfléchit, sans parti pris, sur nos révolutions et nos

épreuves, on arrive à ne pas douter qu'elles n'aient eu pour principale cause l'écart existant, depuis 1789, entre l'état intellectuel et moral et les institutions venues au jour, à cette époque. Le milieu indispensable à ces institutions a manqué et manque encore. On nous a dotés tout à coup de mécanismes nouveaux, sans songer à nous doter, en même temps, de la force qui devait les animer et les mouvoir.

Avant 1789, le pouvoir royal et ses délégués pourvoyaient à peu près seuls à la gestion des affaires publiques. Les masses, n'y prenant aucune part, pouvaient impunément demeurer inconscientes et incultes; une portion très-notable de la classe moyenne et de la classe élevée pouvait, sans inconvénient aussi, borner son activité aux intérêts privés. L'idée religieuse, alors vivante, le principe incontesté d'autorité, enfin, s'il y avait lieu, la force., maintenaient la paix sociale et politique, et, grâce même aux corporations d'états, ceux que leur sort rend le plus accessibles à l'erreur, les ouvriers des villes, ne restaient pas dépourvus de conseils et de guides.

La Révolution substitua à cet état de choses la souveraineté nationale, ainsi que les institutions et les libertés qui s'y rattachent. Que ne vit-elle qu'il fallait aussitôt ajouter à cette œuvre législative une œuvre d'éducation et de direction, agir puissamment sur les esprits et sur les mœurs, concilier, instruire, moraliser, en un mot, accommoder peu à peu le pays à ses nouveaux devoirs et à ses nouveaux droits? C'est

la voie opposée qu'elle suivit. Elle aveugla, divisa, versa le sang, et, par un enchaînement inévitable, elle fonda, au lieu de la liberté, la dictature. L'Empire rétablit l'ordre et nous donna les conquêtes et la gloire; mais il n'était pas de son principe de créer le milieu propre aux institutions libres. Les régimes qui suivirent, ou gouvernèrent de nouveau avec la partie la plus éclairée de la population, et purent, dès lors, moins s'alarmer de l'état intellectuel et moral; ou, absorbés par les difficultés et les luttes de chaque jour, n'eurent pas la faculté d'y consacrer leurs soins.

C'est ainsi qu'aujourd'hui, avec les institutions d'un peuple éminemment sage et mûr, le suffrage universel et la république, nous n'avons ni éducation morale, ni éducation politique, ni éducation administrative.

L'éducation morale ? Où donc les jeunes générations la puiseraient-elles? L'idée religieuse, que les législateurs de tous les temps ont considérée comme l'un des fondements et l'auxiliaire le plus utile des gouvernements libres, n'est, pour la plupart, qu'un sujet de défiance ou qu'une pure abstraction. L'école primaire, qui, après l'idée religieuse, est le foyer où le grand nombre pourrait le mieux se policer, se moraliser et acquérir quelque aptitude à l'exercice des droits politiques, n'a pas, parmi nous, à remplir cette fonction, et elle achève, en général, son œuvre dès que l'enfant est parvenu à sa douzième année. L'enfant, à cet

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