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voyait au ciel pour y régner avec saint Louis, votre aïeul, jetez les yeux sur notre France qui fut votre royaume, et priez pour sa prospérité !

A ces réflexions, qu'il nous soit permis d'ajouter un passage de Fel. de la Mennais : Vingt-un janvier ! un roi, un échafaud, l'enfer dans ses joies sanglantes, la terre dans le silence et dans la terreur, le ciel qui s'ouvre pour recevoir un juste et se referme soudain, voilà le vingt-un janvier.

<< Princes, peuples, vous qui tenez encore à l'humanité par quelque lien, pleurez le roi Martyr; il a été grand dans sa mort, et le chrétien à ce moment lugubre a trouvé assez de force pour porter une double couronne!

« Voilà le lieu d'où son âme pure monta an ciel. Les passants le foulent au pieds, car qu'y a-t-il maintenant de sacré pour nous? Il n'y a aucun monument qui rappelle le crime des bourreaux, le triomphe du martyr; mais malgré l'insouciance des hommes il reste quelque chose de lui. »

Et Marie Antoinette d'Autriche, reine de France, pourquoi l'attaquer aujourd'hui, quand ses plus cruels ennemis de l'époque où elle mourut se firent ses apologistes et la vengèrent des calomnies par lesquelles on voulut la noircir, afin de trouver un prétexte à cette mort qui sera pour ses bourreaux le sujet d'un opprobre, d'une ignominie dont jamais ils ne réussiront à se laver?

Quoi quand cette femme aurait eu quelques torts, ce que nous n'accordons pas s'i! s'agit de crimes, ne serait-elle pas pour ainsi dire excusée par l'âge et la position dans lesquels elle s'est trouvée? Jeune, l'idole d'une cour dont elle fut toujours le plus bel ornement, Marie Antoinette fut aimée, et respectée, et jamais on ne luí a reproché une faute dont pût rougir la femme et l'épouse la plus modeste.

Que dirons-nous du courage avec lequel elle supporta toutes les tortures que peut endurer une femme, une reine, une mère. Séparée d'un roi, son époux, qu'elle adorait et qu'elle voit traîner à l'échafaud; éloignée de ses chers enfants dont elle connait toutes les souffrances sans qu'il soit possible de les soulager, elle subit devant les tribunaux les plus atroces calomnies que l'on veut baser sur les déclarations de son jeune enfant dont l'on a surpris l'ingénuité sans expérience. Et encore, comment sort-elle de cette cruelle épreuve?

Apprenons-le de l'histoire contemporaine; elle nous apprendra qu'Hébert pour satisfaire sa soif insatiable de cynisme et de barbarie, se fit le persécuteur acharné de cette princesse dont la haute vertu faisait tout le crime.

Ce révolutionnaire, dont la spécialité était l'immoralité dans la cruauté, l'extrême abjection dans l'outrage à tout sentiment humain, voulut perdre une créature qui avait mérité toute sa haine par son élévation; pour donner cours libre à sa nature féroce, impudique, il osa imputer à sa victime des forfaits qui révoltaient la nature. Elu membre de la commission municipale qui devait interroger dans la prison du Temple les enfants du roi, il déploya dans cette mission toute sa bassesse et adressa au jeune Louis des questions infâmes, et il lui fit signer une pièce ignoble que le vertueux enfant ne comprenait pas. Le tribunal révolutionnaire lui-même ayant été saisi de cette pièce, ne voulut pas en supporter la lecture; le président Fouquier-Thinville se contenta d'en rendre compte dans son accusation contre la reine: et Hébert, appelé comme témoin, en fit la base d'une déposition abominable qui souleva jusqu'à l'âme basse de Robespierre. Ce dernier était à table quand on lui parla de ce témoignage. Sa froideur astucieuse n'y tint pas; il s'indigna, et, brisant une assiette, il dit, en parlant d'Hébert: « Ce n'était pas assez pour ce scélérat d'en avoir fait une Messaline, il fallait qu'il en fit une Agrippine. » Obligée de répondre à l'accusateur public sur ces odieuses suppositions, l'auguste mère, se tournant vers les femmes réunies dans la salle, s'écria pour toute réponse : « J'en appelle à vous toutes, mères, qui vous trouvez en cette enceinte. » A cette parole il fut répondu par un frémissement qui gagna tous les cœurs à l'infortunée, qui obtint une parfaite justification de la part de quiconque sentait en lui une fibre d'honneur et d'amour maternel. Une foi vive, un attachement inviolable aux lois de l'Eglise catholique soutinrent la reine dans ses cruelles angoisses et lui firent refuser, dans ses derniers et critiques moments, le ministère que lui offrait un prêtre assermenté, et resté sans aucun pouvoir à son jugement. Arrivée au pied de l'échafaud, comme quelqu'un lui disait : « Voici le moment où il faut du courage. Du courage! répondit-elle, il y a si longtemps que j'en fais apprentissage qu'il n'est pas à craindre que j'en manque à ce moment. » Elle monta les degrés de l'échafaud d'un pas ferme, elle jeta les yeux sur les Tuileries et elle dit : « Seigneur, éclairez et touchez mes bourreaux. Adieu pour toujours, mes enfants, je vais rejoindre votre père... » Quelques instants après elle périssait, laissant ses chers enfants aux mains des plus féroces eunemis !

Comme si ce n'était pas assez pour l'écrivain, que nous avons en vue, de dénigrer ce que la France a de plus sublime, il s'attache à justifier et presque à glorifier ceux deses malheureux enfants que l'histoire impartiale a flétris comme des monstres qui fourmillèrent à cette époque de frénétique fureur, pour se dévorer eux-mêmes pendant qu'ils envoyaient à la mort des milliers de victimes prises dans tous les rangs de la société, et surtout dans les rangs du clergé, et parmi ceux qui possédaient quelques biens qui devenient la proie de leur rapacité!

O homme imprudent ! ignorez-vous les appétits dévorants d'un trop grand nombre de Français qui ne rêvent que révolution, que pillage? Vous avez vu depuis une révolution que le bon génie de la France a pu encore maîtriser, et que peut-être vous avez aidé à retenir dans de certaines bornes; mais craignez de provoquer des passions qui grouillent dans les bas-fonds de notre société, et qu'il serait impossible de maintenir si jamais elles venaient à se déchaîner.

Un autre historien de notre époque, partisan des doctrines protestantes dont il connaft la fausseté, ne craint pas d'égarer l'esprit des jeunes gens, ses lecteurs, incapables de discerner le vrai du faux, et que, sciemment, il engage dans les voies de l'erreur d'où il sera presque impossible de les retirer.

Nous ne parlons pas de certains professeurs d'histoire qui, venus de nous ne savons où, se sont rués dans nos plus célèbres maisons d'éducation, d'où ils ont été chassés par leurs propres élèves, révoltés de leur impudence... Outre les écrivains qui ont traité les grands sujets de notre patrie, combien d'historiens qui ont rendu d'éminents services en s'occupant de sujets moins connus, mais qui ont une réelle utilité? Sur les traces de Monsieur de Caumont, une multitude d'auteurs laïques et ecclésiastiques ont étudié nos monuments de peinture et d'architecture auxquels ils ont assigné une époque certaine d'après des règles qu'ils connaissaient et qu'ils ont rendues vulgaires par d'excellents traités d'archéologie, Ils ont fait plus, et, au moyen de règles sûres, ils nous ont appris à connaître les carac tères architectoniques des monuments que, comme eux, nous nous sommes habitués à connaître au point de leur assigner l'époque où ils ont dû être faits, et l'ordre d'architecLure auxquels ils appartiennent,

Combien de savants ont consacré leurs veilles à déchiffrer l'histoire de leurs villes natales, et à faire jaillir de cette étude une lumière immensément profitable à leurs lecteurs.

Un seul sujet, et l'un des plus importants, des plus curieux, a échappé aux investigations de nos savants : les corporations des arts et métiers et les confréries religieuses qui ont rendu, et qui rendent encore mille services à la société.

Pour combler cette lacune, M. l'abbé Migne, qui à fondé et qui dirige avec une rare intelligence des ateliers catholiques pour la propagation des bons livres, a cherché un homme qui se chargeât de cette tâche qui offre beaucoup de fatigue, mais qui doit aussi procurer de douces consolations,

Pour répondre au désir du pieux et savant ecclésiastique, nous nous sommes chargé de réunir en un seul corps d'ouvrage, ce qui se trouve épars dans des volumes considérables, devenus rares et cachés au fond des bibliothèques, dont on a bien voulu nous livrer l'ens Irée, et qui ont été mises à notre disposition,

Puissions-nous nous être élevé à la hauteur de notre sujet, et remplir les vues de la divino providence en montrant ce que peut la religion sur les hommes qu'elle réunit en corps d'association, pour qu'ils vivent sous sa bienfaisante égide !

Puissions-nous mettre une pierre à l'édifice de régénération qui se construit d'une manière visible, impossible à méconnaître pour tout homme qui réfléchit et qui étudie ce siècle si ardent à réparer les ruines du passé! Nous serons par là dédommagé des peines et des labeurs que nous a procurés l'ouvrage que nous livrons au public et que nous recommandons à la grâce de Dieu, sans lequel rien ne peut réussir. Puisse-t-il obtenir les bénédictions de l'auguste Marie, dont plus d'une fois nous aurons le bonheur et la consolation de parler en célébrant les merveilles de sa clémente puissance.

Les statuts des corporations d'arts et métiers présentent au lecteur un spécimen du style de chaque époque, depuis Louis VIII jusqu'à nos jours, et lui procure le doux plaisir de prendre notre langue à son berceau pour la suivre jusqu'à l'époque de sa plus haute perfection; ils présentent en outre, sous un fort beau jour, notre religion catholique, éminemment civilisatrice unissant entre eux les ouvriers qu'elle maintient dans l'exercice de ses saintes lois, qui sont toutes des lois d'amour, et par conséquent de biens

faisance.

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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

Le publiciste, de Montesquieu, que Voltaire appelait Arlequin-Grotius, a écrit un livre intitulé l'Esprit des lois, et que Linguet dit l'ouvrage d'un petit maître qui lisait fort légèrement; vers la même époque, Jean-Jacques Rousseau publiait un livre qu'il intitulait Contrat social et que M. Arouet de Voltaire nommait le Contrat insocial de l'insociable Rousseau, et tout cela vers la première moitié du siècle dernier.

Dans ces ouvrages qui ont valu à leurs auteurs bien des critiques assurément fort justes, nous voyons ces moralistes exalter la bonté native de l'homme et vanter cet état qu'ils appellent de pure nature, antérieur à toute société, et qu'ils prétendent meilleur que la société. L'homme est né bon, dit Rousseau, et la société le déprave. Tout ce qui n'est pas dans la nature a des inconvénients, et la société civile plus que tout le reste. « Dans 'stat de pure nature, dit Montesquieu, les hommes ne chercheraient plus à s'attaquer et la paix serait leur première loi naturelle. » (L'auteur aurait dû mettre leur état naturel). Sur cette belle donnée, nos publicistes nous préconisent la position de ces sauvages qui, disputant aux animaux le gland de la forêt, vivaient heureux parce qu'ils vivaient sans règle aucune, sans frein quelconque, habitués à suivre dans le commerce ordinaire de la vie une sorte d'instinct qui les rendait heureux de la félicité de la brute qui n'a pour se conduire qu'un appétit purement matériel.

Oh! hommes, ennemis de toute société! 6 misanthropes qui affectez tant de préférence pour l'état sauvage, ignorez-vous donc que l'homme laissé à ses penchants devient le plus féroce des animaux, comme le prouve la dégradation de ces êtres qui, sans lois qui les ré gissent, en sont venus à se nourrir de la chair et du sang de leurs semblables, comme l'attestent les missionnaires et les navigateurs qui ont reconnu des peuples entiers d'anthropophages!

Oh! qu'il avait bien raison de vous adresser cent ans à l'avance ces vers pleins du fiel de l'indignation, le prince de nos poëtes lyriques, Jean-Baptiste Rousseau.

Qu'à bon droit, libertins, vous êtes méprisables

Quand au fond des forêts vous cherchez vos semblables.

La vue des peuplades réduites à l'état de pure nature ne nous a-t-elle pas révélé des êtres humains sans langage formé, sans lien religieux, sans vêtement, n'ayant pas même pu se procurer les choses nécessaires pour se couvrir et s'apprêter un aliment autre que celui qu'ils arrachent aux plus vils animaux? Gardez pour vous vos pensées, vos goûts, et sachez, pour votre plus douce satisfaction que, cent ans après vous la France et l'univers entier ont pu voir renaître de vos cendres une sorte de secte ayant pour fondateur un je ne sais quel Fourier, et pour propagateurs du fouriérisme un Considérant et autres illuminés qui, vomissant mille anathèmes contre la civilisation et les civilisés, veulent fonder parmi nous des établissements nommés phalanstères, dans lesquels ils feraient revivre un état qui n'aurait imposé aucune contrainte et qui aurait procuré des jouissances que fort heureusement personne n'a osé chercher, tant elles ont paru peu réalisables. Que l'état de pure nature ait souri à Jean-Jacques Rousseau, nous n'en sommes pas surpris quand nous savons la conduite qu'il a tenue à l'égard des nombreux enfants qu'il a jetés dans le monde sans s'occuper de leur présent et encore bien moins de leur avenir. Etre vil et sans entrailles, père indigne de ce glorieux nom! ah! vraiment que nos moralistes modernes prennent pour patron et pour modèle un homme tel, voilà ce qui nous étonne, ce qui nous confond et nous humilie; car mieux que mille autres aberrations. celle-là nous prouve que l'homme sans cœur est le plus abject des êtres animés, puisque ces brutes qui manquent d'intellect, ont encore un cœur qui les force presque toutes à prendre un soin quelconque de leur progéniture.

Une larme de pitié jetée sur la cendre de ces hommes, disons : l'homme est né sociable, et est fait pour vivre en société.

Que l'on réfléchisse, dit le baron Samuel Pufendorf, à la triste condition où l'on conçoit que serait réduit l'homme fait comme il est, s'il était abandonné à lui-même en naissant, destitué de tout secours de ses semblables, incapable de se suffire à lui-même, seul, isolé, et il sera facile de s'assurer qu'il est le plus mal pourvu de la part de la nature qui procure à tous les êtres animés mille moyens d'existence refusés à celui-ci.

Pour nous rendre palpable ce que nous avançons sur la sociabilité de l'homme, posons les principes constitutifs de la société, et la conclusion sera facile, démonstrative.

«La société prise dans son sens général et métaphysique,» dit le pieux et savant de Bonald (Législation primitive), » est la réunion d'êtres semblables pour la fin de leur reproduction et de leur conservation. Prise dans un sens moins général, la société est

l'ordre des rapports naturels entre des personnes sociales entre elles, cest-à-dire les rapports du pouvoir et du ministre pour le bien des sujets. »

Cette définition est vraie de la société domestique où l'union du père et de la mère se rapporte à la reproduction des enfants et à leur conservation. Cette définition est vraie dans la société religieuse où les rapports de la Divinité et de ses ministres ont pour objet la perfection et le salut des hommes. Cette définition est vraie de la société politique où le service public que les officiers civils et militaires doivent au chef de l'Etat, a pour unique objet l'ordre public, fondement du bonheur des peuples et de la prospérité des empires.

Il y a donc trois personnes dans toute société, le chef ou le pouvoir, les officiers ou le ministère, et les sujets ou le peuple; la réunion de ces trois personnes s'appelle société, et ces personnes sont domestiques ou publiques, religieuses ou politiques, comme la société elle-même.

Ces trois personnes seront inamovibles dans une société bien établie. Dans la famille, par l'indissolubilité du lien conjugal; dans la religion, par la consécration qui attache irrévocablement le ministre à la Divinité et aux fidèles, et par conséquent les lie entre eux; dans l'Etat par la fixité et l'hérédité du ministère politique. Si le pouvoir est abandonné à l'arbitraire, si les ministres gouvernent, tout est désordre et la chute de la société est imminente. C'est cette doctrine divine que développe le célèbre Bacon quand il dit que le pouvoir que l'homme exerce n'est fondé que sur ce qu'il est fait à l'image de Dieu ! Faisons l'homme à notre image et ressemblance, dit Dieu dans la Génèse, qu'il commande. C'est là le titre et la charte primordiale de la donation de tout pouvoir, et le pouvoir cesse si l'image s'efface, c'est-à-dire, si le pouvoir n'agit pas conformément à la loi divine. C'est ce que dit, parlant de Dieu, le prophète Osée : Ils ont régné, mais je ne les ai point envoyés, ils ont établi des princes et je ne les ai point envoyés.

(En expliquant ces paroles de Bacon, si l'image's'efface, le pouvoir cesse, Monsieur de Bousid ajoute avec raison que cette proposition est vraie en ce sens, que si le pouvoir comwande des choses manifestement contraires aux lois divines, il ne doit pas être obéi, contrairement aux erreurs de Wiclef qui les a entendues dans un sens absolu). Ces principes posés et admis, il nous reste à en faire l'application à la famille, à la société publique soit politique, soit religieuse. La famille ou société domestique est composée nécessairement de trois personnes présentes ou supposées, actuelles ou éventuelles, le père, la mère et les enfants, unies par les rapports généraux ou sociaux, de pouvoir, de ministres, de sujets.

Le pouvoir est un, indépendant, immuable.

Le père a le pouvoir de manifester sa volonté par des lois ou des ordres, et de les faire éxécuter; mais comme il n'est que le ministre immédiat de la Divinité, il ne peut porter que des lois relatives à la conservation de la famille et à son éducation privée.

Le père de famille sera honoré, c'est-à-dire aimé et respecté, et ses volontés obéies comme celle de Dieu dont son pouvoir émane, lorsqu'elles ne seront pas contraires évidemment à des lois supérieures à celles d'un ordre purement domestique.

La mère participe du pouvoir domestique dont elle est l'agent nécessaire et le moyen naturel. Son autorité est non égale à celle de son époux, mais semblable, et lui est subor donnée; elle est inamovible, parce que le lien du mariage est indissoluble. La mère de famille sera honorée comme le père, et ses ordres respectés comme ceux de son époux.

Les enfants n'ont dans la famille que des devoirs à remplir et ils sont mineurs ou sujets de la famille, quoique majeurs dans l'Etat.

Les devoirs des enfants sont d'honorer leurs parents ou ceux qui les représentent, et de leur obéir en tout ce qui n'est pas contraire aux lois d'un ordre supérieur.

Cette vie domestique fut celle de l'homme au premier âge du monde, à cette époque où sortant des mains du créateur l'être intelligent, le roi de la création vivait en intimitó avec son épouse et ses enfants issus de leur union que Dieu rendit ind issoluble en établissant pour eux la loi sacrée du mariage.

Fait à l'image et à la ressemblance de son Créateur, l'homme ne put méconnaître son origine, aussi tourna-t-il ses regards vers son auteur par le sentiment du cœur pour lui offrir ses hominages, ses sacrifices intérieurs en reconnaissance de la souveraine puissancede Dieu sur lui, et en témoignage de sa propre dépendance. Il ne s'en tint pas là. Comme il est composé d'âme et de corps, deux substances, l'une toute spirituelle, l'autre organique et matérielle, il reconnut et proclama une religion, un culte extérieur solennel qu'il fit consister spécialement dans l'offrande de sacrifices qu'il savait plaire à la majesté souveraine de son auteur. Par ce culte, l'homme se relie à celui de qui il tient l'existence et tous les biens qui l'accompagnent. Le chef de la famille fut aussi le chef de la religion; comme nous le voyons pratiquer par Caïn et Abel, qui assurément y avaient été formés par Adam leur père. A l'effet d'en perpétuer la pratique, le patriarche Enos en fit l'objet d'une solennité qui se perpétua d'âge en âge sans aucune interruption. A l'exemple de ses ancêtres, Noé au sortir de l'arche offrit à Dieu un holocauste qui lui plut et qui valut à la terre une alliance dont la suite a été la promesse qu'un déluge, ne viendrait plus jamais pour perdre les hommes.

Les hommes s'étant multipliés, devenus nombreux, au lieu d'errer à l'aventure, au lieu de vivre isolément dans les forêts, ils suivent les lois de la sociabilité, et dès les premières générations, ils se bâtissent une ville sous la direction du patriarche Caïn qui lui donna le nom d'Enoch que portait l'un de ses fils.

A peine la terre s'est-elle remise de la secousse affreuse qui causa le déluge universel, que nous voyons Assur fonder la ville de Ninive, élever des places publiques, construire une cité qui fut grande. Bientôt ces hommes réunis en grands centres de population volent surgir parmi eux des hommes puissants qui exercent sur leurs semblables une autorité, une puissance que la sainte Ecriture appelle regnum, autorité, règne: témoin Nemrod, le chasseur robuste dont le règne commença à se faire sentir sur Babylone, Arach, Achad et Chalan, villes puissantes au territoire de Sennaar.

A la société domestique succéde ainsi la société publique, qui, pour être régie, gonVernée, reçoit ou se donne un chef sous un nom qui a varié suivant les lieux et les peuples; mais le titre le plus souvent donné par les historiens est celui de roi que nous rencontrons souvent dans la Genèse, le plus ancien livre, le livre le plus respectable qui ait paru dans le monde, en y joignant les quatre autres écrits par Moïse.

Ce que fut le père dans la famille, le roi dut l'être dans la société publique, et le même Dieu qui a commandé à l'enfant d'honorer son père et sa mère, ordonne au sujet d'honorer son prince, de lui obéir et de lui être soumis, non pas précisément parce qu'il est homme placé au-dessus des autres hommes; mais parce qu'il exerce une puissance qui lui vient de Dieu lui-même : Omnis potestas a Deo. (Rom. xiii, 1.)`

Que les rois le sachent bien, c'est par le Seigneur tont-puissant qu'ils règnent, comme il le déclare lui-même au livre des Proverbes : C'est par moi que règnent les rois et que les législateurs établissent des lois justes et équitables; c'est moi qui les élève, c'est par mon secours que leur direction sera avantageuse à eux-mêmes, salutaire aux peuples. Après avoir marqué du sceau, du caractère de la Divinité le gouverneur des nations, Dieu promet de le bénir s'il se conforme aux injonctions de son éternelle justice. En même temps qu'il est le représentant de Dieu près de la société, le prince doit se rap peler qu'il est le ministre de Dieu pour le bien, comme dit l'apôtre saint Paul. Et avant saint Paul, le trône royal était considéré commele trône de Dieu même. Dieu a choist mon fils Salomon, disait David, pour le placer sur le trône où règne le Seigneur sur Israël ! et encore: Salomon s'assit sur le trône du Seigneur. Bossuet, qui nous fournit ces interprétations, ajoute: « Et afin qu'on ne croie pas que cela soit particulier aux Israélites d'avoir des rois établis de Dieu, voici ce que dit l'Eccclésiastique: Dieu donne à chaque peuple son gouverneur, et Israël lui est réservé. Il gouverne donc tous les peuples et leur donne à tous leurs rois, quoiqu'il gouverne Israël d'une manière plus particulière et plus déclarée. » Frappé de cette vérité Henri IV, l'un de nos rois, disait avec le sentiment d'une religieuse conviction: « Mon royaume est incontestablement le royaume de Dieu, il lui appartient en propre; il n'a fait que me le confier. Je dois donc faire tous mes efforts pour que Dieu y règne, pour que mes commandements soient subordonnés aux siens, pour que mes lois fassent respecter ses lois. »

Quelle que soit la forme du gouvernement, traditionnelle ou accidentelle, il y a donc, de nécessité une autorité qui est de Dieu et à laquelle la raison individuelle doit obéir sous peine de crime contre la raison générale et contre la société

C'est pour avoir méconnu ces grands principes, ces pricipes de toute équité, que mille princes et avec eux mille nations ont péri, et péri pour ne se rétablir jamais. Puissent ces terribles leçons du passé ne pas êire inutiles pour notre siècle et pour les siècles à venir.

La propagation toujours croissante de l'espèce humaine ut subir au pouvoir sacerdotal, d'abord exercé par le père, une sorte de transformation, en passant à des hommes choisis parmi les hommes, pour offrir des dons et des sacrifices au Seigneur. D'abord les anciens, comme l'exprime le mot grec peo6utspot, en latin seniores que nous traduisons par prê tres. Plus tard il fut confié, ou il échut à de certains hommes, pris accidentellement, ou remis par un choix spécial de Dieu à de certains hommes qui l'exerçaient par euxuêmes, et quelquefois avec transmission dans leur famille, comme nous le voyons en Lévi, l'un des fils de Jacob, et dans sa famille dont les membres appliqués au service de l'autel furent nommés lévites. Le sacerdoce, dans plusieurs nations, et surtout chez les Juifs, après la promulgation de la loi, forma une hiérarchie admirable, dont chaque membre avait un emploi, une fonction particulière qui ne pouvait être exercé par un autre sous les peines les plus terribles. Chez les Juifs, la dignité sacerdotale tenait le premier rang, et le pouvoir du prêtre était le plus étendu; sou jugement était réclamé dans les grandes affaires et il devait être respecté, comme il le fut toujours. Chez les païens, quelle que fût du reste leur ignorance sur les dogmes les plus importants de la religion, il y eut un sacerdoce, c'est-à-dire un culte rendu à la Divinité par un homme qui en était regardé comme le ministre, et souvent le chef de l'Etat était aussi le chef du culte, ce qui rebaussait immensément, son ascendant sur ses semblables.

Mais tous ces prêtres, tous ces pontifes n'étaient qu'une ombre du pontife véritable, du pontife éternel selou l'ordre de Melchisédec, qui était en même temps prêtre du Très

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