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DE LA SOCIÉTÉ

ARCHÉOLOGIQUE

-

ET HISTORIQUE

DU LIMOUSIN

TOME XXI

LIMOGES

CHAPOULAUD FRÈRES, IMPRIMEURS DE LA SOCIÉTÉ

Rue Montant-Manigne, 7

PARIS, 4, RUE HONORÉ-CHEVALIER

:

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M. ALLOU.

Je veux vous parler d'un Limousin qui nous a quittés presque au lendemain de sa naissance, et qui ne songe guère à son pays. Mais il est à nous, et il faut le lui dire, pour qu'il n'oublie pas la province où il est né. Molière, qui se moquait de tout avec privilége du roi, a ri du Limousin comme tant d'autres. Ses railleries n'enlèveront rien de ses grands souvenirs à cette terre farte et féconde qu'Arthur Young appelait la plus belle contrée de la France. On peut aujourd'hui, sans craindre les comédies de Molière, avouer qu'on est du pays de d'Aguesseau et de Vergniaud, surtout quand on est avocat.

Ce n'est pas d'un vieil avocat que je vais parler : il est au milieu du chemin de la vie. Nous fouillons assez souvent le passé pour qu'on me permette de regarder au soleil un homme vivant. Notre société troublée est trop libre, trop impatiente et trop curieuse pour ne s'en prendre qu'à des ombres et ne s'occuper que des générations ensevelies. Si on ne parle pas des avocats pendant leur vie, quand pourra-t-on en parler? Le bruit de leur voix, qui nous a émus et charmés, ne nous laisse bien des

fois qu'un confus et lointain souvenir. Hâtons-nous de les prendre au passage, d'écouter leur parole retentissante, et de leur donner quelques louanges qui ne sont pas la gloire, mais qui la font espérer.

Le règne des avocats n'est pas d'ailleurs près de finir. Les rancunes qu'ils ont soulevées n'ont pu prévaloir contre les traditions et la fortune de leur ordre. Depuis saint Bernard jusqu'à Michel Menot, et de Plaute à Voltaire, les sermons ou les satires ne leur ont pas été épargnés; il semblait que les anciennes sociétés eussent le pressentiment qu'elles seraient un jour détruites et renouvelées par cette légion plébéienne, qui remuait les âmes en secouant des plis de sa robe les merveilleuses promesses de l'égalité, de la tolérance et de la liberté. La Révolution française les avait abolis: ils ne tardèrent pas à renaître plus nombreux et plus forts que jamais, et il y aura toujours des avocats, parce que nous aurons toujours des misères, des passions, des froissements et des crimes. Le moment n'est pas venu où, selon le vœu de Napoléon, on pourra couper la langue aux avocats qui s'en serviraient contre le gouvernement. Les avocats d'ailleurs sauraient bien se défendre, et montrer à ceux qui les attaquent que, depuis qu'il y a une tribune en France, tous les gouvernements en médisent et s'en servent, sans pouvoir s'en passer.

Limoges se souvient encore d'un homme qui écrivit pour elle, en 1821, la « Description des monuments des dif férents ages dans le département de la Haute-Vienne ». En partant, M. Allou vous laissa son livre, mais il vous prit son fils, qui devait être, à quarante années de distance, un des bâtonniers du barreau de Paris. Avant d'arriver à cette royauté du barreau, il a traversé bien

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