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de lance, une dague ou un couteau; l'autre, long de 8 cent. et recourbé, était un fort hameçon ou peut-être une partie de bracelet.

Les deux silex, portion de couteau ou grattoir et pointe de flèche, non polis, n'offrent par eux-mêmes aucun intérêt; mais leur présence permet d'assigner une date relative à ce tumulus. En effet, nous trouvons ensemble le silex, c'est-à-dire l'outil primordial; le bronze, premier métal connu après l'or et l'argent, et enfin le fer, dont la découverte a été bien postérieure à celle du bronze. Les trois âges de la pierre, du bronze et du fer ont déposé leurs marques dans cette sépulture, et la font ainsi remonter à une époque de transition où les métaux usuels étaient déjà connus, mais pas assez répandus pour supprimer absolument l'usage économique du silex.

Ne pourrait-on dire aussi et dès à-présent que ces quelques vestiges de nos pères nous permettent de conjecturer, sans trop d'invraisemblance, de ce qu'étaient alors les arts et l'industrie, et - allons plus loin de présumer des sentiments et des croyances qui animaient et émouvaient nos rudes ancêtres ?

Si la chimie, science moderne, n'existait point encore parmi des peuplades de nomades chasseurs et pasteurs, ils possédaient au moins certains procédés industriels qui leur donnaient moyen de découper, de tailler, et, un peu plus tard, de polir les silex transportés des lieux d'origine, notamment du Quercy et du Périgord. Ils savaient déjà creuser des mines pour en extraire le cuivre et l'étain ainsi que les oxydes et sels de fer. Ils avaient inventé des méthodes pratiques pour fondre ces métaux, opérations compliquées, surtout quant au fer; pour les mettre en œuvre, les tremper même, afin de rendre le bronze plus

malléable, et le fer au contraire beaucoup plus dur. Leurs potiers, s'ils ne se servaient pas encore du tour, étaient doués d'une précision, d'une habileté de main qui en auraient fait d'excellents ouvriers, même dans nos ateliers actuels. Ils savaient donner à leurs produits une couverte décorative; et faut-il ajouter que, chose bizarre! ils ont pu fixer sur l'un des deux vases dont j'ai parlé des dessins très-probablement à base d'alumine, alors qu'aujourd'hui même cette fixation solide de l'alumine est l'un des desiderata de notre céramique.

Armes et parures, tels sont les premiers besoins matériels de toute société naissante: aussi rencontrons-nous dans ce tumulus l'épée ou la lance à côté du bracelet. Mais, si les armes, métal et caillou, ont été portées par un 'homme, l'ornement d'airain ne peut, vu ses dimensions, avoir paré qu'un bras d'enfant ou mieux de femme. Or la position respective où ils nous sont apparus ensemble ne pourrait-elle pas indiquer que, aux côtés de l'époux, enseveli avec ses armes, s'est couchée, vivante peut-être, ou sacrifiée aux mânes du défunt, l'épouse préférée, qui vient avec lui dormir le dernier sommeil, afin que leurs mânes, réunis pour toujours, chassent ensemble ou guerroient éternellement dans le monde des esprits; car, il n'y a pas à s'y tromper, ceux qui ont dressé ces tombeaux croyaient à la vie future, et par conséquent à l'immortalité de l'âme. En est-il besoin d'autres preuves que ce respect pour les morts dont témoignent les immenses tumuli qu'on élevait; les armes ainsi que les ustensiles que l'on y déposait, et dont quelques-uns, notamment les vases dont je donne la reproduction, ne pouvaient être destinés qu'à contenir des aliments, et étaient placés dans la couche définitive avec la nourriture con

sacrée au grand voyage? A quoi bon ces préparatifs coùteux et caractéristiques, si rien n'avait dû survivre au dernier souffle?

A une époque si reculée qu'aucune chronologie profane ne peut lui assigner une date, nous nous trouvons donc déjà en présence d'une certaine civilisation, en face de croyances respectables au plus haut point, et dont la persistance, éclairée et sanctifiée par la vraie religion, est le soutien en même temps que l'honneur de l'humanité.

J'ai parlé du respect pour les morts: certes il est grand encore chez les modernes; mais quel spectacle grandiose c'était de voir une peuplade entière rendre à un des siens les derniers honneurs! Le chef, car pour les chefs seuls ou les personnages importants on peut admettre un tel luxe de funérailles, le chef vient de mourir sur son lit de peaux et de mousse, ou plutôt frappé dans le combat corps à corps soutenu contre un clan ennemi; et, avant de quitter pour toujours le théâtre de cet évènement funeste, pour chercher, avec des pâturages plus féconds, des voisins moins redoutables, la tribu, selon l'usage de ses pères, tient à laisser un monument qui atteste aux âges futurs son passage sur cette contrée et l'hommage rendu au guerrier défunt. Aussi, les efforts de tous étant nécessaires, les voici sans exception, hommes et femmes, grands et petits, qui, avec leurs outils impuissants, s'acharnent à accumuler les terres, à amonceler des pierres, afin d'élever le terme sacré sous lequel sont étendus, armés et munis d'objets précieux et de provisions, les vaillants en l'honneur de qui on travaille. Et, pendant ce temps, d'autres, des soldats éprouvés ceux-ci, car ils vont au loin, et tout pays inconnu est un danger, s'en iront, avec les chars attelés de buffles, de chevaux, de rennes,

chercher les lourds blocs qui manquent ici, et qui doivent former la charpente osseuse de cette tombe, dans laquelle nous viendrons, après des siècles, puiser et lire les témoignages irrécusables de l'antiquité et de la noblesse de notre race.

PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.

SÉANCE DU 28 JANVIER 1873.

Présidence de M. DUBÉDAT, Président.

Sont présents: MM. Dubédat, Astaix, Le Sage, Sengensse, Chapoulaud, Charles Henry, Debord, A. Blanc, Tandeau de Marsac, Vergnes, Godefroy, Faure, Ducourtieux, de Resbecq, Henri Ardant, Lemas, Mougenc de Saint-Avid, C. Jouhanneaud, Nivet-Fontaubert, Grange, Lansade, Goursolle, Hervy, Decoux-Lagoutte et Guibert, ce dernier remplissant, sur l'invitation de M. le Président, les fonctions de secrétaire, en l'absence de M. GarrigouLagrange, secrétaire général, et de M. Guillemot, secrétaire archiviste.

M. Tournois, sous-intendant militaire, est élu membre de la Société à l'unanimité des voix, ainsi que M. FizotLavergne, membre rentrant.

M. le Président donne communication d'une circulaire du Ministre de l'instruction publique, relative à une réunion des délégués des Sociétés savantes qui aura lieu, à la Sorbonne, au mois d'avril prochain. Il donne lecture de deux lettres, l'une de M. Clément Simon, avocat général à Pau, ayant trait au congrès scientifique qui se

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