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autres sermons qui figurent dans ce recueil, sur la fête de saint Austriclinien, sur la dédicace de Saint-Pierre-duSepulcre, sur la dédicace de la cathédrale de Saint-Étienne, sont écrits dans le même style, expriment les mêmes idées, respirent le même enthousiasme pour la gloire de saint Martial, en sorte que le savant Nadaud ne fait pas de difficulté de les attribuer tous au moine Adémar (1). Le titre Ademari Sermones, qui se lit au dos du manuscrit 2469, les lui attribue tous sans distinction; et même nous serions porté à croire que les Actes du Concile de Limoges, transcrits à la suite des sermons d'Adémar, ont été également rédigés par cet écrivain.

Notons quelques particularités qu'on remarque dans les sermons de la translation, qui sont au nombre de seize, d'après le P. Bonaventure (T. I, p. 569).

Dans le deuxième sermon, Adémar dit que la prison où saint Martial fut renfermé, après avoir été flagellé par les prêtres des idoles, se trouvait près des anciennes murailles du temple de Jupiter Capitolin, là où l'on voit aujourd'hui, ajoute-t-il, l'église de Notre-Dame de la Règle (2). Il rappelle souvent cette tradition que la cathédrale de Limoges était autrefois un temple païen que saint Martial avait changé en église, et qu'ainsi temple de Jupiter était devenu le temple du Rédempteur (3) ».

(1) « Le style de ces sermons est le même : on sera fondé, par ceux que nous avons d'imprimés, à attribuer les manuscrits à Adémar.» (NADAUD, Dissertat. ms. sur saint Martial, ch. V.)

(2) P. BONAVENT., T. II, p. 186, 237.

(3) Sermo 2, ap. BONAVENT., T. II, p. 216. - In urbe Lemovica de templo Jovis factum est templum Redemptoris. (Sermo 8, ap. BONAV., T. II, p. 216, 222.) — (Sermon sur la chaire de saint Martial. ap. BONAV., T. II, p. 217.)

Dans le sermon cinquième, Adémar parle d'une colonne qu'on voyait dans la bourgade d'Ahun, et où l'on disait. que saint Martial avait été attaché et flagellé par les païens (1). Cette colonne est dans une borne milliaire qui porte une inscription fort mutilée, où M. P. de Cessac a lu le nom de l'empereur Gordien, consul pour la troisième. fois (en 240). Quelques savants ont cru trouver là un argument contre l'apostolat de saint Martial au premier siècle (2). Mais, en supposant que cette borne milliaire net soit pas celle qui fut placée là du temps d'Auguste (3), et sur laquelle on écrivit plus tard le nom de Gordien, cette tradition locale est sans importance. En effet la légende d'Aurélien rapporte bien que saint Martial fut flagellé à Ahun, mais ne dit pas un mot de cette colonne. C'est sans doute en similitude de la flagellation de Notre Seigneur à la colonne que le vulgaire aura rattaché à cette borne le souvenir de la flagellation de saint Martial à Ahun. Ce n'est donc là qu'une tradition relativement récente, dont la fausseté ne peut infirmer en rien la tradition immémoriale de la mission de saint Martial au temps de saint Pierre, tradition écrite avant Grégoire de Tours dans des documents sincères et dignes de foi.

Le sixième sermon renferme d'intéressants détails sur la translation des reliques de saint Martial, qui fut faite,

(1) Ap. BONAVENT., T. II, p. 173, 253, 631.

(2) P. DE CESSAC, Bulletin de la Société Archéologique du Limousin, T. XIX, p. 41. — M. QUICHERAT, Société des Antiquaires de France, séance du 6 juillet 1871.

(3) D'après Strabon (Lib. IV, p. 208), Agrippa, gendre d'Auguste, fit construire quatre grandes voies, à partir de Lyon : l'une allait dans l'Aquitaine et à Saintes; elle passait nécessairement par Clermont, Ahun et Limoges.

en présence de Louis le Pieux, dans l'église de SaintSauveur, lorsqu'on dédia cette basilique, que ce prince avait bâtie depuis les fondements (1). On y lit encore que, pour soustraire ces précieuses reliques à l'invasion normande, on les transporta dans le château inexpugnable de Turenne, et plus tard à Solignac, où elles séjournèrent près de deux ans (2).

Dans le sermon septième, Adémar dit que saint Martial, en se rendant à Mortagne, s'arrêta à Angoulême, qu'il convertit au Christ avec les villes et bourgades voisines, ainsi que l'attestent les écrits des anciens; il ajoute que, en dehors des murs de cette cité, on voit, du côté de l'orient, une très-ancienne église, que les premiers chrétiens bâtirent en son honneur après sa mort (3).

Il est dit, dans le sermon quinzième, que la colline où furent transportées les reliques de saint Martial, à l'occasion de la peste des Ardents, fut appelée Mont-Joie, MontJauvy (Mons-Gaudii), à cause de la joie immense que causa dans toute l'Aquitaine la cessation du fléau; et que, en mémoire de ce miracle, on bâtit une église sur cette colline (4). Voilà qui condamne absolument ces édiles de Limoges et ces écrivains d'annuaire qui s'obstinent, en dépit de l'histoire, à écrire Mont-Jovis, mont de Jupiter, à cause d'un prétendu temple païen qui n'a jamais existé que dans leur imagination.

(1) P. BOTAVENT., T. I, p. 569; T. II, p. 637.

(2) P. BONAVENT., T. II, p. 638, 639.

(3) P. BONAVENT., T. II, p. 289, 632. Voir encore le sermon 2, ap. BONAV., T. II, p. 289, 622. Cette église a été reconstruite en 1853, sous l'épiscopat de Mgr Cousseau.

(4) Et hac de causa gaudii, loco nomen impositum est MonsGaudii; et ecclesia nova ibi facta est, ut nulla oblivio illam obliteraret translationem. (P. BONAV., T. II, p. 643.)

Le premier sermon publié par Baluze, que le P. Bonaventure appelle le quatorzième de la translation (1), renferme un éloquent discours prononcé par Gombaud, archevêque de Bordeaux, devant le tombeau de saint Martial, à l'occasion de la peste des Ardents, en 994 : « O pasteur de l'Aquitaine, vous qui l'avez éclairée des lumières de la foi, levez-vous pour secourir votre peuple!... Ne permettez pas que ces tortures infernales règnent auprès de votre corps sacré! O Martial, miroir des vertus, ô prince des pontifes, où est donc ce que nous lisons de vous, que vous avez été le disciple de celui qui guérissait toute langueur et toute infirmité?... O gloire des évêques, honneur des églises, où est donc ce que nous lisons de vous, que vous avez été dans la Cène le ministre du Sauveur quand il lavait les pieds à ses disciples?... Certainement la tradition de nos anciens pères nous a transmis que vous aviez reçu le don des grâces avec les autres apôtres..... Ne croyons-nous pas que notre ville épiscopale, la cité de Bordeaux, a été par vous acquise à Jésus-Christ, et qu'une femme que vous aviez baptisée, imposant votre bâton pastoral sur le prince de la cité, l'a guéri d'une horrible maladie ?... Montrez-vous donc le disciple de celui qui est la source de la miséricorde! Oui, j'en prends à témoin tous ceux qui m'écoutent, si, avant que je m'éloigne de cette ville, vous n'éteignez pas cette flamme dévorante dans le corps de ceux qui sont ici; si je ne vous vois pas guérir cette multitude, je ne croirai plus rien des choses admirables qu'on dit de vous! Jamais plus je

-

Le

(1) P. BONAVENT., T. I, p. 569; T. II, p. 92, 297, 303. second sermon publié par Baluze est appelé par le P. Bonaventure le seizième (et dernier) sermon de la translation (T. I, 625; T. II, p. 643).

ne reviendrai dans cette cité pour implorer votre patronage! C'est en vain qu'on me dira que vous avez été le disciple du Seigneur! c'est en vain qu'on me dira que vous avez été envoyé comme apôtre aux nations de l'Occident! c'est en vain qu'on me dira que vous avez baptisé le peuple de Bordeaux, dont je suis l'évêque je ne le croirai plus si je n'obtiens pas la faveur que j'implore pour le salut de cette multitude affligée! Et votre bâton pastoral, que l'on conservait jusqu'à présent dans ma ville épiscopale comme un précieux trésor, cette relique sera vile à mes yeux si vous ne réjouissez pas mon cœur par la guérison de tous ces pauvres malades (1). >>

A la fin de ce sermon, on voit que les décrets du concile tenu à Limoges en 994 furent envoyés au Saint-Siége.de Rome; le Souverain-Pontife, les accueillant avec bienveillance, les confirma par son autorité apostolique (2).

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Nous n'indiquerons qu'en passant quelques particularités qu'on remarque dans les sermons sur la fête de saint Austriclinien, d'abord le témoignage des Grecs en faveur de l'apostolat de saint Martial (3), ensuite la mention d'une église bâtie en l'honneur de l'apôtre de l'Aquitaine, à Else, en Italie (4), c'est-à-dire à Colle di

(1) BALUZE, Hist. Tutel., append., p. 386. — Patrolog., T. CXLI, col. 115. Nous avons trouvé ce sermon d'Adémar dans un autre manuscrit de la Bibliothèque nationale, no 5347, fol. 180: in octav. translat. (S. Martialis).

(2) Cujus Concilii decreta antistiti Romanæ sanctæ et apostolicæ sedis miserunt; quæ idem Romanus papa gratanter suscipiens, auctoritate apostolica roboravit. (Patrolog., T. CXLI, col. 117.)

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