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à Limoges le 30 octobre 1798, chanoine de cette église, où il fut sacré le 21 septembre 1842 : d'azur à deux bras d'argent gantés de même, jetant un filet de même dans une mer de sinople. En chef, un soleil d'or lançant des rayons du même, et portant à son foyer un z de sable. Devise In verbo autem tuo laxabo rete.

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A. LECLER,

Curé de Saint-Symphorien.

Mai 1872.

M. AMÉDÉE ALLUAUD.

MESSIEURS,

Le 9 février dernier, la Société Archéologique perdait un de ses membres, M. Amédée Alluaud. Nous avions été heureux de recevoir dans nos rangs, le 1er mai 1863, le fils du grand industriel, du savant archéologue qui a laissé dans notre Société une mémoire si justement vénérée. Si M. Amédée Alluaud ne se présentait pas à nous comme le continuateur des études et des travaux scientifiques de son père, il apportait, comme ami des arts, un concours précieux à la Société qui avait sous sa direction le musée de tableaux, et allait bientôt devenir la première organisatrice du musée céramique.

C'est par ce côté de son esprit que M. Amédée Alluaud nous appartient, c'est par là qu'il a marqué sa place dans nos réunions, et aujourd'hui encore c'est l'art qui nous commande de ne pas laisser la mort faire son œuvre sans que cette tombe à peine fermée reçoive de nous un dernier hommage.

Je n'ai pas à parler de la jeunesse de M. Amédée Alluaud. Après avoir achevé à Paris les études qu'il avait commencées au lycée de Limoges, il était revenu dans

sa ville natale. A ce moment la Muse des arts ne l'avait

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pas encore touché de son aile c'était un intrépide et infatigable chasseur, usant sans réserve de la santé robuste que la nature lui avait donnée, et ne s'occupant que de chevreuils ou de loups au milieu de ces bois et de ces coteaux du Limousin qu'il aimait tant, plus tard, à voir reproduits par la main des Corot, des André et des Dupré.

La chasse cependant ne pouvait suffire à une aussi vigoureuse et aussi vive intelligence ennemie de ce repos, de cette oisiveté, qui sont trop souvent les écueils de la vie de province, avide de sensations et d'émotions nouvelles, elle cherchait d'autres excitations et des horizons plus vastes. C'est alors que M. Amédée Alluaud partit pour la Crimée en 1854. Au désir de voyager et de parcourir des contrées qui lui étaient inconnues se mêlait ce sentiment patriotique qu'il a conservé jusqu'à la mort. Il voulait voir cette armée qui, reprenant les traditions guerrières du commencement du siècle, étonnait l'Europe non-seulement par sa valeur, mais aussi par sa fermeté et sa constance. Il resta trois mois dans les tranchées de Sébastopol, supportant vaillamment les privations et les fatigues, et, sans chercher le danger, l'acceptant, quand il le fallait, avec autant de sang-froid que de bonne humeur.

Ainsi trempé et aguerri, il partit pour l'Algérie, et la parcourut jusqu'au désert, s'enivrant de cette vie aventureuse, au sein de laquelle se développait et s'agrandissait son esprit. A ce moment, l'amour de l'art s'est emparé de lui. Ce n'est pas en vain que ses yeux ont contemplé cette nature orientale si chaude, si colorée, si puissante il la comprend, il l'admire, et, à peine revenu

à Limoges, le voilà tourmenté du désir d'aller achever
en Italie l'éducation commencée dans les montagnes de la
Kabylie. Ce nouveau voyage est pour lui une sorte de
pèlerinage; il court à l'Italie comme à une « Terre-
à un
Campo Santo»: c'est là qu'il veut

Sainte »>,
recevoir, pour ainsi dire, son baptême artistique.

Des mains amies nous ont confié les lettres qu'il écrivait de Rome, de Florence, de Venise, à sa famille. Ce sont de véritables volumes. Nous avons lu avec soin, avec respect, ces pages où notre ami racontait, tous les soirs, au courant de la plume, ses impressions de la journée. L'entrain et la verve y abondent, en même temps qu'on y retrouve à chaque pas cette netteté et cette méthode qui étaient, comme dirait M. Taine, « les facultés maîtresses » de cet esprit. Telles lettres sont de véritables catalogues, où chaque tableau est noté, classé par numéro, avec quelques lignes d'éloge ou de critique.

Il nous semble qu'il goûta peu Michel-Ange. Les conceptions gigantesques et le dessin parfois tourmenté du grand Florentin lui plaisaient moins que « la peinture douce et tranquille » de Kaphaël, « où l'on ne trouve pas un sentiment exagéré, sans cependant qu'aucune expression y manque ».

« Après Michel-Ange, dit-il encore, ma vue se repose avec plaisir sur ces figures candides de Raphaël, sur cette peinture calme, douce, qui est tellement belle que du premier coup on ne peut l'admirer, tant elle est naturelle. Si elle manque d'aspect saisissant, elle répand une majesté harmonieuse qui vous invite à la regarder davantage, et vous inspire de bons sentiments c'est comme la lecture d'un bon livre. »

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Cette opinion qui ne ne s'appliquait alors qu'à la pein

ture de Raphaël, M. Amédée Alluaud la généralisa plus tard, et l'appliqua à toute la peinture. Que de fois je l'ai entendu me dire « Toute peinture doit exprimer une idée, une idée bonne et salutaire à l'âme. Quand elle n'est qu'un assemblage de couleurs, elle peut certainement avoir de l'éclat et même du charme; mais, dans ce cas, elle n'atteint pas pour moi son véritable but : elle doit avant tout élever et moraliser l'esprit. » Théorie rigoureuse sans doute, et qu'il poussait à l'excès, mais à laquelle, du moins, on ne reprochera ni vulgarité, ni bassesse.

Après Rome, Venise. Ici l'enthousiasme éclate on dirait que cette magie de la couleur contre laquelle il se mettait sans cesse en garde l'a, en dépit de tous ses efforts, ébloui et vaincu ! « Pour n'avoir pas l'idée de voir Venise, à trente-six lieues de Paris, avec tout ce qu'elle renferme d'étrange et de merveilleux, il faut, s'écrie-t-il, avoir banni toute élévation de cœur, tout sentiment de reconnaissance pour le beau ! » Et plus loin encore : « J'aimais bien la peinture avant de venir en Italie, je la voyais avec plaisir; mais je n'aurais jamais cru qu'elle dût me causer de pareilles émotions. C'est une nouvelle atmosphère de jouissance qui s'est ouverte à moi. Laissezmoi être heureux quelques instants! les souffrances, hélas ! ne viendront que trop tôt ! »

Hélas! en effet, les souffrances sont venues, et avec quelle rapidité pour lui, pour sa famille et pour ses amis !

C'est ainsi qu'il quitta l'Italie, « lui vouant une éternelle reconnaissance pour le bonheur qu'elle lui avait donné ». Les derniers mots de sa dernière lettre sont ceux-ci : « Voyez Venise, je vous en supplie, voyez Venise ! »

A son retour d'Italie, M. Amédée Alluaud entre de

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