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du XIII. siècle. La première pierre fut bénie à Naples, par le pape Alexandre III, en 1254.

La revue des édifices, dont nous venous de donner une description abrégée, nous prit toute la matinée. Dans l'après-midi, nous louâmes une de ces voitures découvertes qui stationneut toujours dans les environs de la cathédrale, et qui portent les élégants de Messine dans leurs pélerinages habituels à la Grotta. La route qu'elles parcourentlonge le rivage de la mer, au pied des collines qui s'étendent jusque dans le voisinage du phare. Le penchant de ces collines se pare d'oliviers, de figuiers, de vignes, de haies nombreuses de maronniers et d'aloès. A gauche, la route est bordée de délicieux vergers dont les oranges et les limons out quelque chose de fort séduisant, de jardins fleuris, de villas gracieuses. A droite, les regards s'étendent sur une vaste mer bleue, et entrevoient, dans le lointain, la côte de Calabre et ses majestueuses montagnes. La brise du soir ne manque jamais d'apporter à ce site favorisé une poétique fraîcheur. Aussi les Messinois trouvent un bonheur indicible dans leurs prome. nades au Corso. Au coucher du soleil, les brillants équipages, les élégants cavaliers, les piétons plus humbles se rassemblent en foule sur la route de la Grotta. Sur le rivage, des pêcheurs qui préparent leurs filets, des femmes qui filent leurs quenouilles au seuil de leurs chaumières, viennent compléter le caractère méridional du tableau. La Grotta, but de la promenade, est une partie du péristyle d'une église circulaire ; les voitures en font le tour, et reviennent à la route qu'elles ont déjà parcourue (1). Auprès de la mer, le portique est découvert, et il y a là une colonnade circulaire suspendue au-dessus des vagues qui figure dans les portefeuilles de tous les artistes qui sont venus à la Grotta.

(1) La Madonna della Grotta fut bâtie, en 1622, par Emmanuel Philibert, grand amiral et vice-roi de Sicile. Sampieri, Iconologia.

Comme nous revenions sur nos pas, le même tableau nous apparut sous des couleurs tout différentes et plus intéressantes encore. Il faisait, ce soir là, clair de lune, le ciel était pur: tous les objets prenaient une teinte douce, à l'exception des bateaux pêcheurs, et des voiles latines des grands vaisseaux, qui planaient fièrement sur les molles vagues de la Méditerranée. Sur le rivage on faisait de la musique et on dansait: à voir ces jeunes filles en mantille noire, au pas léger, à la danse expressive et agaçante, on se serait cru transporté sur les bords du Tage.

Nous entrâmes dans un café sur le quai, et là nous savourâmes, en nombreuse compagnie, la meilleure glace du monde à quatre sous le verre.

CHAPITRE III.

25 Août. -A onze heures du matin, nous remontâmes à bord du bateau à vapeur, et nous voguâmes lentement sans trop nous écarter du rivage. La côte est partout montagneuse. Le sommet des éminences est rocailleux et entrecoupé de torrents; la partie inférieure est semée d'oliviers, de vignes, d'amandiers et de mûriers. Des hameaux épars, de petites villes animent la rive: des villages suspendus sur des hauteurs en apparence inaccessibles, donnent la vie à des lieux qui sembleraient devoir rester déserts; et puis, derrière ce rideau de collines, l'Etna, une des gloires de ce rivage, commence à montrer, dans le lointain, son front desséché. A mesure que nous avancions, la masse du volcan se déployait peu à peu à nos regards. Son étendue est telle que sa hauteur se perd, pour ainsi dire, dans l'immense développement de sa base. Ce n'est pas une montagne, c'est une vaste contrée qui s'élève et

plane dans l'isolement, et qui descend jusque sur le bord de la mer. Nue et stérile au sommet, ses flancs déroulent aux yeux tous les trésors d'une végétation abondante, de n‹ mbreuses forêts, de riches vignobles. Une large bande noirâtre environne sa base: c'est la lave que l'Etna a vomie dans ses éruptions successives.

En poursuivant notre voyage, nous découvrîmes bientôt la ville si pittoresque d'Aci Réale assise sur une éminence, et nous passâmes auprès des rocs de basalte qui sortent des flots au-dessous d'elle. Nous doublâmes ensuite une sorte de promontoire, et nous nous trouvâmes face à face avec la blanche ville de Catane. Elle est debout sur les sombres masses de lave qui ont servi de tombeau à plus d'une ville avant elle. Les belles coupoles de quelques-unes de ses églises, l'air de richesse des collines auxquelles elle est adossće, et son vieil ennemi. le volcan, qui semble la menacer encore, des tableaux les plus intéressants que j'aie jamais vus.

tout cela

compose un

Ce fut plutôt pour le profit des hôteliers siciliens que pour notre propre satisfaction, que nous débarquâines à Catane pour y passer la nuit. Cependant cette station nous procura le plaisir d'assister à l'une de ces fêtes nocturnes qui ne sout pas un des moindres charmes des climats méridionaux. A Catane, deux fois par semaine, pendant l'été, le quai est le théâtre d'une fête appelée la Passagiata. On suspend des lampions au feuillage des arbres, et un bon orchestre élevé sur une estrade qui fait face aux promenades, exécute des symphonies pleines de goût. Vers neuf heures, tous les habitants, nobles et peuple, viennent jouir de la fraîcheur de la nuit et des délices de la musique : les uns se promènent, les autres prennent place sur des chaises rassemblées là en grand nombre. Toute la ville s'y amuse, et la Passagiata se prolonge souvent jusqu'à minuit. Pour bien connaître les habitants du midi, c'est durant l'été qu'il faut aller les visiter.

26 Août. Le lendemain, à une heure de l'après-midi, nous mîmes à la voile pour Syracuse. La rive que nous cctoyious était plate, et à l'exception de la ville d'Augusta, nous n'y rencontrâmes rien qui méritât d'arrêter nos regards. L'Etna se montrait toujours dans le lointain. Après une course de quatre heures, au moins, nous doublâmes un autre promontoire, et notre paquebot toucha le port de Syracuse. L'entrée en est étroite et les vaisseaux sont obligés d'approcher si près du côté où s'élève la ville, qu'ils passent sous les murailles de la forteresse qui la protège. Mais, en avançant, on découvre bientôt un port naturel où les navires d'Europe ont un champ libre pour la manœuvre. C'est ici que nous primes congé du Neptune, enchantés de la rapidité avec laquelle il nous avait amenés au terme d'un aussi long voyage. En débarquant, nous fumes agréablement surpris de rencontrer une auberge excellente dans un endroit peu fréquenté.

Il nous restait encore assez de temps pour pouvoir visiter avant la nuit la cathédrale de Syracuse, qui était autrefois un temple consacré à Minerve (1). Le monument, dans les vicissitudes qu'il a traversées, a perdu toute sa magnificence. On voit encore sur un de ses côtés onze colonnes doriques, avec une portion de l'architrave et ses triglyphes. Le temple resta intact jusqu'après la conquête normande; mais l'an 1100, pendant la célébration de la messe, la voûte en pierre s'écroula, et les fidèles réunis daus le lieu saint furent tous misérablement écrasés; les murailles demeurèrent debout, et l'on accommoda plus tard l'édifice au rit du culte chrétien (2).

(1) C'est le temple dont parle Cicéron, dans son 6o. discours contre Verrès: << In ea sunt ædes sacræ complures, sed duæ quæ longè cœteris antecellunt; Dianæ una, et altera, quæ fuit antè istius adventum, ornatissima, Minervæ. »

(2) 1100. In questo anno cadde in Siracusa l'antico tempio di Mi

En sortant de la cathédrale, nous nous rendîmes à la fontaine d'Arét huse qui en est voisine; elle peut avoir été fameuse autrefois, mais aujourd'hui elle n'est plus qu'un simple lavoir.

CHAPITRE IV.

27 Août. De toutes les scènes dont le monde m'a offert jusqu'ici le spectacle, aucune ne m'a jamais témoigné d'une manière aussi frappante de la nature passagère des choses terrestres, que la moderne Syracuse. L'histoire nous a représenté l'immensité et le grandiôse de la ville antique : il en reste assez de traces pour que l'on soit forcé de reconnaître la vérité de ses descriptions. Ce port qui fit de Syracuse le centre du commerce du monde, existe encore; mais on n'y voit plus que quelques barques de pêcheurs. La Syracuse d'aujourd'hui n'est qu'une mauvaise parodie de la grande cité d'autrefois.

Les regards se portent avidement sur les hauteurs qui dominent l'extrémité supérieure du port. Où est Neapolis? Où est Tyche ? Où est Achradina? C'est bien là qu'elles étaient : qu'y découvre-t-on aujourd'hui ? Rien, absolument rien.

De l'autre côté de la baie, ou distingue les colonnes doriques du temple de Jupiter Olympien, de ce même temple qui vit Denis l'Ancien enlever à la statue de son dieu son riche manteau d'or. Dans quel passé lointain ces souvenirs reportent nos pensées!

nerva, consecrato in cattedrale, al tempo che si celebravano le messe, salvi il celebrante, et gli assistenti, tutti gli altri sotterrò e uccise. Inveges, vol. III, pag. 154.

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