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falque ou trophée funèbre, qui était placé au milieu de la nef, était si élevé que les cierges disposés au sommet mirent le feu aux solives: la voûte, le cata falque, le corps du prince, tout fut consumé. La voûte fut restaurée peu de temps après, par les soins du roi Manfred.

Les arcades qui soutiennent la voûte de la crypte ont des ogives obtuses, et sont supportées par de courtes colonnes surmontées de chapiteaux normands.

L'extrémité occidentale de l'édifice a été reconstruite. Elle est composée de rangées de blocs de marbre alternativement blancs et rouges; on y remarque le style ogival et l'ornementation minutieuse des églises italiennes du XIV. siècle.

Dans l'origine, cette église n'était point la cathédrale. Elle resta quelque temps à la disposition du clergé grec, et l'évêque catholique romain dont les ouailles étaient moins nombreuses, était obligé de se contenter de celle de St.-Nicolas. Mais en 1168, le trône épiscopal fut transporté du temple obscur où il était relégué, sous les voûtes plus imposantes de la nouvelle Ste.-Marie; et le chapitre grec se retira, non sans murmurer, dans l'église voisine de la Cattolica.

La seconde église de Messine, sous le rapport de l'antiquité, est la Nunziatella dei Catalani. Elle offre aussi plusieurs traits de ressemblance avec le style normand français ou roman. L'extérieur de son apside est orné de deux rangées d'arcades normandes de forme circulaire qui reposent sur de petites colonnes surmontées de chapiteaux à feuilles. A l'extrémité occidentale, j'ai remarqué trois portes fort curieuses. L'arcade de chacune de ces portes constitue plus qu'un demicercle et approche du fer à cheval. L'arcade extérieure de la porte centrale s'appuie sur deux petites colonnes placées dans un enfoncement, comme le sont les colonues normandes des portes et des fenêtres, mais qui diminuent de volume vers

leur sommet, et sont surmontées de chapiteaux corinthiens. L'arcade intérieure est supportée par deux pilastres qui ont des chapiteaux de la même espèce. Ces pilastres sont ornés, vers le haut, d'un dessin grec, et à la base, de caractères arabes incrustés dans le porphyre. L'arcade est unie, elle offre deux retraits ornés d'une bande de feuilles d'acanthe.

Les portes latérales diffèrent de la porte centrale: leurs arcades reposent sur des impostes décorées, supportées par des pilastres corinthiens : l'abaque de l'un est orné d'oves et de languettes; et celui de l'autre représente une chasse au sanglier. Chaque porte a une archivolte soutenue par des consoles le tout se pare d'ornements à la grecque.

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Dans l'intérieur de l'église, il y a un faisceau de quatre colonnes surmontées de mauvais chapiteaux corinthiens. Ces colonnes soutenaient évidemment un dôme central; mais la partie supérieure en entier, et l'on peut même dire tout l'intérieur de l'édifice, a été reconstruit sur un plan et suivant un style tout-à-fait différents.

L'église est presque carrée et n'a qu'une apside, se conformant en cela, comme pour le dôme central qu'elle avait jadis, aux règles de l'architecture grecque. Son plan et son style offrent toutefois les conditions de ce mélange que l'on doit s'attendre à voir résulter de la fusion des populations grecque et normande.

On n'a pas de notions bien précises sur l'époque ni sur l'auteur de la Nunziatella. On en parle toujours comme d'un monument fort antique, et on lui voue une vénération particulière. Les uns l'appellent un temple payen, les autres une mosquée sarrazine. La description que je viens de donner a dû faire assez comprendre que l'église de la Nunziatella n'a jamais été ni l'un ni l'autre, mais il est permis de conjecturer que son origine remonte à des temps reculés. On trouve son

existence mentionnée dès l'année 1169 (1), et à cette époque, on la regardait déjà comme assez ancienne (2).

Cette église était connue dans l'origine, sous le nom de la Annunciata del castello a Mare. Aujourd'hui des rues séparent la Nunziatella du quai ; mais autrefois la porte qui conduisait au rivage et la forteresse qui gardait le port étaient ses voisins. Sous les princes d'Arragon, il vint tant d'espagnols s'établir à Messine, qu'ils témoignèrent le désir d'avoir une église pour y faire leurs dévotions. On leur donna la Nunziatella; et depuis cette époque, le nom primitif de cette église fut converti en celui qu'elle porte aujourd'hui.

Les inscriptions arabes qu'on lit de chaque côté de l'entrée principale, et qui ont fait dire que le monument était une ancienne mosquée ne sont rien autre chose que des débris de quelque édifice sarrazin. Elles ont été composées en l'honneur de Messala, fils d'Haram, chef musulman, et pour perpétuer sa gloire; mais le seus est incomplet, parce qu'il en manque une partie (3).

Non loin de la Nunziatella s'élève la Cattolica: au-dessus du portail de cette dernière église, existe encore cette inscription si pompeuse : « Omnium ecclesiarum græcarum mater et caput. » Le corps de ce monument a été reconstruit à nne époque récente, mais la façade occidentale a une physionomie antique. On y voit une porte en ogive, au-dessus de laquelle est ouverte une fenêtre à pointe obtuse ornée du chevron nor

(1) Il conte fece trasportare Oddo in una barca del palazzo alla fortezza del castello a mare che, per guardia del porto, era fabbricata sotto alla chiesa antichissima prima dedicata à Nettuno, e poi alla Nunciata dei Catalani. Reina, storia di Sicil., lib. VI.

(2) Messine fut prise en 1061, peu de temps après l'époque où l'on peut supposer que l'église a été bâtie.

(3) Sampieri, Iconologia.

mand et de diverses autres moulures particulières au même style. Le seul trait que j'ai pu recueillir concernant la date de la portion antique du monument, c'est que, dans le courant de l'année 1168, le clergé grec quitta la cathédrale actuelle pour venir officier à la Cattolica (1). On peut croire que la translation eut lieu peu de temps après la mise en état du nouvel édifice.

Eu sortant de la Cattolica nous traversâmes le quadrangle situé à l'extrémité occidentale de la cathédrale, et nous montâmes dans la partie haute de Messine. Le premier monument qui attira nos regards fut l'église moderne du couvent des nonnes grégoriennes. L'intérieur est riche jusqu'à la profusion, de mosaïques et de marbres de diverses espèces. Parvenus au dernier degré du large perron qui conduit au portail occidental de l'église, nous embrassâmes un vaste tableau, la cité, le port, le détroit et la côte de Calabre.

Nous quittâmes à regret ces lieux, et après avoir traversé un assez grand nombre de rues où l'on rencontre presqu'à chaque pas des couvents, nous arrivâmes à l'église de St.-Augustin qui a été en grande partie reconstruite à une époque moderne ; cependant, au côté nord de l'édifice, on peut observer les traces de deux constructions plus anciennes. Les regards tombent sur les fenêtres unies à têtes rondes, et sur les contreforts plats d'une ancienne église normande, mêlés à des caractères de l'architecture ogivale, fruits de travaux subséquents. L'ogive d'un portail cache la partie inférieure de la fenêtre. circulaire qui le surmonte. Cette église fut rebâtie presqu'en

(1) Officiava un tempo il Clero Greco nella chiesa di santa Maria la nuova, oggi cattedrale, ma poscia, crescendo in maggiore numero il Clero Latino, si trasporto in essa nel 1168 il capitolò dei canonici di San Nicolò, inde si ritirano i Greci nel tempio dirimpetto, e poco distante. Sampieri, Iconologia.

entier dans la première moitié du XIV. siècle, grâce au riche legs fait en 1387 aux moines de St.-Augustin, par la comtesse Pasca (1). Les parties qui appartiennent au style ogival doivent être les restes des travaux qui furent entrepris alors.

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A peu de distance de l'église de St.-Augustin est la Madonna della Scala. La partie inférieure de sa façade occidentale est une œuvre rustique bien exécutée, et présente une belle porte qui date des derniers temps du style ogival. Elle a un linteau carré, lequel est décoré ainsi que les jambages, de feuilles et de figures pleines de délicatesse et de bon goût. Une des moulures représente le feuillage emblématique de la vigne. Cette église fut toujours l'objet d'une grande vénération Guillaume-le-Bon, l'impératrice Constance et Frédéric II d'Arragon, répandirent sur elle leurs bienfaits. Ce dernier prince, qui fut couronné en 1295 et mourut en 1335, fit les frais de l'entière reconstruction de l'église, et son œuvre était considérée comme un modèle d'architecture (2). L'édifice actuel appartient donc au XIV. siècle, mais il ne ressemble en rien aux monuments anglais et français de cette époque. Il n'a pas une seule moulure profonde ; son ornementation et ses accessoires trahissent les idées et le mode d'exécution des architectes grecs.

Au-delà de la Madonna della Scala, mais à peu de distance. de ce monument, existe un autre édifice qui reproduit tous les caractères de l'architecture ogivale du nord: l'église de San Francesco, si elle était en Angleterre, serait considérée, grâce à ses lancettes unies, comme remontant au règne de Jean. Mais telle n'est pas sa date: trois pieuses comtesses de Messine firent les frais de son érection dans la dernière partie

(1) Sampieri.

(2) Frederico d'Aragona, re di Sicilia, edificò qual tempio con bellissima architettura. Sampieri.

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