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mitié par les persécutions qu'il avait fait subir à Thomas Becket, archevêque de Cantorbery (1). En même temps qu'il négociait pour le mariage de sa fille, Henri cherchait à tourner, à son profit l'influence qu'il connaissait au roi de Sicile sur le pontife romain,et pour y parvenir, il gagna l'évêque de Syracuse, qui était anglais (2) comme Walter, en lui promettant le siége épiscopal de Lincoln. On ne pouvait donc rien conclure à cette époque. Mais toutes les autres propositions de mariage qui furent faites à Guillaume dans la suite restèrent sans effet, et les désirs d'Henri finirent par être accomplis.

Le plus grand éloge qu'on puisse faire des vertus de Guillaume II et des principes qui guidèrent son gouvernement, c'est de dire que la tâche de l'historien, qui prend pour point de départ son avènement au trône pour arriver jusqu'à la fin de son règne, est légère. Plus de ces guerres civiles, de ces révoltes, de ces conjurations ténébreuses qui ont varié le cours du règne précédent. La paix et le bonheur du peuple, tels furent les grands objets des soins de Guillaume II. Mais, comme la surface d'un lac sans orage, son règne ne fut pas le moins brillant, parce qu'il fut toujours paisible.

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Le roi de Sicile conclut un traité avec les Pisans en 1169 (3),

et avec les Génois en 1175 (4).

(1) On peut trouver une garantie de ce fait dans les propres paroles de Becket: «Richard, évêque de Syracuse, séduit par l'expectative du siége de Lincoln, vient en aide à mes persécuteurs par tous les moyens qui sont en son pouvoir; ils ont été jusqu'à promettre au roi de Sicile, la main de la fille du roi d'Angleterre. »

(2) Pierre de Blois, qui vint en Sicile à la suite d'Etienne, comte de Perche, dit, dans une lettre adressée, après son départ de l'île, à Richard, évêque de Syracuse: «Foveat Anglia me senem quæ vos fovit infantem. Velitis apponi patribus vestris et Anglia cineres vestros, quos produxit, excipiat. » Petri Blesensis epistola 46.

(3) Caruso.

(4) Ibid.

La seule chose que Guillaume préféra toujours à la paix, ce fut la fidélité à remplir ses engagements. Dans la longue lutte entre Alexandre III et Barberousse, il n'abandonna jamais la cause du pape, et pour garder la foi promise, il n'hésita pas à tirer le glaive du fourreau. A la bataille des Celle dans les Abruzzes (1) les troupes siciliennes remportèrent un avantage tellement décisif, que l'empereur qui avait toujours cherché à détacher Guillaume d'Alexandre, voulut porter un dernier coup à sa constance en lui offrant la main de sa fille (2). Guillaume refusa cette alliance, mais le pape, qui ne pouvait envisager sans effroi la possibilité d'une telle union, s'empressa de conseiller au roi de Sicile la conclusion de son mariage avec la fille d'Henri II (3).

L'année suivante, Guillaume se retrouva dans son élément: il fut appelé à coopérer à l'important traité qui mit fin aux guerres dont les effets avaient été si désastreux pour l'Italie. Lors de la réunion préparatoire des alliés à Ferrare, quand Alexandre parla du concours de Guillaume, tous les membres présents témoignèrent une joie bien vive d'avoir pour collaborateur un prince si connu par son amour de la paix, par son respect pour la justice (4).

En 1181, Guillaume conclut un traité définitif avec l'em

(1) Anon. Cass. Chron.

(2) Intereà prædictus cancellarius, ex mandato imperatoris nuncios ad Gulielmum regem Siciliæ transmisit,suadens et postulans ut ipse, imperatoris filiâ in uxorem receptâ, cum eo pacem perpetuam faceret. Romualdi Salernitani chronicon.

(3) Intereà rex Gulielmus, consilio papæ Alexandri, nuncios ad regem Henricum in Angliam misit ut ei Joannam minorem filiam suam in uxorem daret. Romualdi Salernitani chronicon.

(4) «Quod autem illustrem regem Siciliæ ad consortium nostræ pacis adciscitis, gratum nobis residet, plurimum et acceptum, quia eum amatorem pacis, et cultorem justitiæ, recognoscimus. » Ibid.

pereur de Morocco (1). Il s'occupait dans le même temps de sa plus grande création architectonique, la construction de la cathédrale de Monreale. Ce beau monument nous offre encore aujourd'hui une preuve de la supériorité de l'art sicilien, et l'un des plus magnifiques exemples de l'architecture byzantine.

En 1183, la reine mère, Marguerite, mourut (2). Depuis la majorité de son fils, elle n'avait pas une seule fois cherché à entraver l'action de son gouvernement. Nous l'avons vue d'abord opposée à l'élévation de Walter; mais elle dut sans doute dans la suite applandir à ses succès, puisqu'il se dévoua à l'accomplissement des améliorations qu'elle avait elle-même désirées, mais dont l'exécution lui avait été impossible.

En 1185, Guillaume, animé toujours de la même sollicitude pour le repos de son peuple, consentit à cette union fatale dont les suites furent si différentes de celles qu'il avait voulu préparer. Il avait alors perdu tout espoir de postérité légitime, et dans l'idée qu'un bras puissant ponrrait seul étouffer l'esprit turbulent des barons, il crut donner à son peuple une garantie du maintien de la paix, en unissant la sœur de son père, Constantia, au fils de Frédéric Barberousse, et en exigeant en même temps de ses vassaux, le serment de reconnaître cette princesse comme légitime souveraine de la Sicile, dans le cas où lui-même ne laisserait pas de descendant mâle (3). Malheureusement, toutes ses précautions furent inutiles.

(1) Caruso.

(2) Inveges.

(3) Erat ipsi regi amita quædam in palatio Panormitano, quam idem rex, de consilio jàm dicti archiepiscopi, Henrico Alamannorum regi, filio Friderici Romanorum imperatoris, in conjugem tradidit. Quo etiam procurante factum est, ut ad regis ipsius mandatum, om

Le mariage fut célébré, avec grande pompe, à Milan, au commencement de l'année suivante (1). Le fils de Barberousse était dans la fleur de l'âge ses traits nobles prévinrent le peuple.en sa faveur, et parmi ceux qui assistaient à la cérémonie, il n'y eut qu'une voix pour tirer de cette union des pronostics favorables.

Dans le courant de la même année, on vit arriver en Sicile Alexis Comnène, le neveu de l'empereur Emmanuel. Il venait signaler à la justice du roi Guillaume, le tyran Andronicus, l'usurpateur du trône de Byzance, le meurtrier de son héritier légitime (2). Indigné de ce crime odieux, ému des touchautes prières d'Alexis, Guillaume fit partir avec lui une puissante flotte dont il donna le commandement à Tancrède, comte de Lecce (3). Les Siciliens s'emparèrent de Durazzo, de Thessalonique et d'Amphipolis. Sur ces entrefaites, les Grecs de Constantinople avaient massacré l'usurpateur, et donné la couronne à Angelus. Les hostilités auraient eu un prompt dénouement si un des généraux siciliens, en négligeant de se porter sur Constantinople, n'eût exposé les forces de

nes regni comites sacramentum præstiterint, quod si regem ipsum absque liberis mori contingeret, tanquàm fideles ipsi amitæ suæ tenerentur, et dicto regi Alemanniæ viro ejus. Richardi de S. Germano Chronicon.

(1) Costanza, scrive Sigonio con gran commitiva essendo stata condotta, Federico, imperatore, suo socero, la riceve in Milano, et al 27 di Gennaio, negli orti di S. Ambrogio, con splendidissima apparato le nozze celebrò con Arrigo, re di Germania. Era Arrigo, scrive Gottifredo Viterbiense, giovane di bellissimo aspetto, haveva lodevole militia, audacia, liberalita, benevolenza, pietà, justitia, e di tutte quelle regie virtuti era dotato che in giovenil età desiderar si passòno. Inveges, vol. I, pag. 454.

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terre à une attaque imprévue où elles reçurent un grave échec. Tancrède qui était entré avec la flotte dans la mer de Marmara, y attendit vainement ses compagnons : il retourna alors à Thessalonique, recueillit les restes de l'armée et fit voile pour la Sicile. L'année suivante, le grand amiral Mergharitone, un des plus illustres marins de l'époque, vengea l'honneur des armes sicilienues, par la victoire qu'il remporta sur la flotte grecque, dans les parages de l'île de Chypre (1).

1187. Une nouvelle foudroyante, celle de la prise de Jérusalem par Saladin, ébranla l'Europe. Une nouvelle croisade fut résolue. Guillaume fit la paix avec l'empereur grec, prit la croix, comme l'empereur d'Allemagne, les rois de France et d'Angleterre et plusieurs autres princes, et envoya Mergharitone à la tête de nombreux vaisseaux, porter secours à Tripoli. L'amiral s'acquitta de sa mission, et dispersa ou coula à fond la flotte ottomane (2).

Guillaume venait de recevoir le bulletin de ce glorieux fait d'armes, quand il fut attaqué d'une maladie qui le conduisit au tombeau, dans la trente-sixième année de son âge. Sa voix mourante appela au trône qu'il quittait, Constantia, sa tante, et recommanda aux barons d'être fidèles au serment qu'ils avaient prêté (3).

Si sa sollicitude pour le bonheur du peuple est la plus grande gloire d'un roi, la réalisation de ces intentions qui l'honorent, le rétablissement, dans des temps difficiles, de l'ordre et de la paix au sein d'un royaume déchiré par la turbulence des factions, témoignent sans doute du génie élevé du monarque qui en est l'auteur. Il n'y a qu'une main habile qui puisse dompter le cheval fougueux. Ce n'était pas chose

(1) Caruso.

(2) Maurolycus.

(3) Caruso, lib. IV, parg. 206.

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