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L'an 1003 (1), Drogon, chef normand, à son retour d'un pélerinage à Jérusalem, passa avec quarante de ses compatriotes à Salerne. Durant leur séjour dans cette ville, les Sarrazins vinrent y mettre le siége. Drogon se porta à la tête du peuple et repoussa les assiégeants. Le duc de Salerne, témoin de la bravoure de ces étrangers, les pressa de rester dans ses états. Les pélerins s'en excusèrent pour le moment, mais ils s'engagèrent à revenir. En effet, au printemps suivant, Drogon s'attacha un nombre considérable de hardis aventuriers, revint en Italie et entra au service du duc de Salerne.

Quelques années se passèrent depuis leur arrivée en Italie, durant lesquelles les Normands combattirent à la solde de différents princes (2); le duc de Salerne, le prince de Capoue, l'abbé du mont Cassin payèrent tour à tour leurs services. Mais ils ne tardèrent pas à essayer un jeu plus hardi. Raynulf (3), pour accomplir un vou, s'était rendu avec une partie de la bande à la chapelle de St.-Michel (4), sur les hauteurs du mont Gargano en Apulie. Ils y rencontrèrent Melo (5), noble lombard, sujet de l'empereur de Constantinople, qui avait été exilé de Bari pour avoir trempé dans une conjuration: il leur révéla l'opulence des Grecs et leur faiblesse, et ses récits agirent puissamment sur l'esprit des aventuriers. Les Normands se hâtèrent de rassembler leurs forces, et secondés par les troupes que leur avaient fournies les princes Lombards, qui avaient prêté aussi avidement (1) Leo Ostiensis, lib. I. c. 37.

(2)

. . plus tribuenti

Semper adhærebant. - Gulielmus Apuliensis.

(3) Gul. Ap.

(4) La dévotion normande à l'archange St.-Michel est suffisamment attestée par l'application du nom de ce saint à deux montagnes, l'une en Normandie, l'autre dans le Cornwall.

(5) Gul. Ap.

l'oreille aux perfides suggestions de Melo, ils attaquèrent et battirent le catapan Turnicius (1). L'année suivante, un autre catapan arriva de Byzance à la tête d'un corps d'armée considérable (2). On en vint aux mains à Cannes (3); les Normands tombèrent dans une embuscade et furent écrasés par le nombre. Ceux qui échappèrent ne trouvèrent leur salut que dans la fuite.

1020. A la suite de cette défaite, parmi les Normands qui avaient survécu, les uns passèrent au service du prince de Capoue, les autres se firent brigands et leurs incursions portèrent dans le pays le ravage et la désolation, Autant pour mettre un terme à ces désordres que pour augmenter la bande qui était à sa solde, le prince de Capone donna aux Normands le territoire qui s'étend entre Capoue et Naples: ils s'y rassemblèrent tous, et y fondèrent la ville d'Aversa.

1021. Peu de temps après, le prince de Capoue emmena les Normands dans une expédition qu'il allait faire contre le nouvel abbé du mont Cassin, et quand il se fut rendu maître, par leur secours (4), de la plus grande partie de l'héritage de St.-Benoît, il leur en donna une portion considérable. Plus tard, les Normands rendirent à Sergius (5) son duché de Naples dont on l'avait dépossédé, et en récompense de ce service, le prince les combla de présents, donna sa fille en mariage à Raynulf (6) que les Normands avaient choisi pour leur chef, et lui conféra le titre de comte d'Aversa (7).

(1) Turnicius sed terga dedit. Gul. Ap. lib. 1.

(2) 1019. Fecit prælium prædictus Bugianus cum Francis et vicit.— Lupus Protospata.

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1022. Quand une fois les Normands furent un peu solidement établis dans la Péninsule, ils se mirent à entretenir des relations avec leurs compatriotes de France (1) ils leur firent connaître leur heureuse position, et les invitèrent à émigrer en foule pour se joindre à leur colonie. L'invitati m fut acceptée avec ardeur; eu 1022, les Normands arrivèrent en grand nombre en Italie; on remarquait parmi eux ces trois fils de Tancrède de Hauteville (2), qui devaient cueillie une si vaste moisson de lauriers sur ce nouveau champ de la gloire normande.

1023. Les nouveaux venus se mirent d'abord à la solde du comte de Théano; ils passèrent ensuite au service de Gaimar, prince de Salerne, et lui conquirent Sorrente et Amalfi (3). Bientôt après, Maniaees, général de l'empereur d'Orient, à son arrivée à Bari, les engagea à se joindre aux troupes impériales, dans l'expédition qu'il projetait contre les Sarrazios de Sicile. Il leur offrit la moitié des villes prises et du butin qui s'y trouverait. La proposition était trop séduisante pour qu'il essuyât un refuse les Normands ayant à leur tôte Guillauine, l'aîné des fils de Tancrède de Hauteville, allèrent se ranger sous l'étendard des Grecs (4).

1025. Le petit escadron normand eut en Sicile la gloire des plus beaux faits d'armes, et plus d'une fois quand la vic

(1) Gul. Ap.

(2) Tancrede de Hauteville était un gentilhomme plutôt pauvre que riche, qui vivait sur les terres de sa seigneurie de Hauteville dans le diocèse de Coutances..

(3) Eo tempore Guaimarius,. Normannis faventibus, Surrentum cepit; Amalfim, nihilominus, dominatui suo subdidit. Leo Ost. lib. II. C. 44.

(4) Gulielmum, Draconem, et Hunifridum, Tancredi filios, qui noviter à Normanniâ venerant, cum trecentis aliis Normannis, in auxilium misit. Leo Ost. lib. 1. c. 47.

toire était sur le point de déserter les drapeaux des Grecs, lui seul sut l'y ramener. Guillaume, le vrai type de la chevalerie du moyen âge, se signala dans toutes les rencontres, et un jour que traversant de sa lance le corps du gouverneur Sarrazin de Syracuse (1), il jeta dans les rangs des ennemis une terreur panique, on lui décerna d'une voix unanime le glorieux surnom de Bras de fer. Le résultat de l'expédidition fut la conquête d'une grande partie de la Sicile. La coopération des Normands n'avait pas été inutile à Maniaces, et cependant dès qu'il n'en eut plus besoin, il oublia les promesses qu'il leur avait faites (2). On ne fit point le partage du butin; et les clefs d'aucune ville conquise ne furent remises entre les mains des Normands. Ceux-ci cachèrent leur

ressentiment pour assurer leur vengeance. Pendant que Maniaces et ses troupes étaient occupés en Sicile, ils retournèrent en Calabre (3), se jetèrent sur le territoire soumis à l'empereur de Byzance, et s'emparèrent de Melfi, de Venosa, de Lavello, et de quelques autres villes (4).

Il fut heureux pour les Normands que, dans ce moment critique, des intrigues de cour déterminèrent le rappel de Maniaces à Byzance. Docianus qui le remplaça dans le commandement, était un général d'une médiocre capacité. Il fut d'abord battu, sur les bords de l'Ofanto, par l'armée normande qui s'élevait à 700 chevaux et 500 fantassin's (5), et il éprouva bientôt après une défaite encore plus désastreuse près du mont Piloso (6). Un autre général n'arriva de Byzance

(1) Gaufridus Malaterra. lib. I. c. 7.

(2) Id. mêmes liv. et ch.

(3) Malaterra, lib. 1, c. 8.

(4) Leo Ostiensis, c. 47.

(5) Gulielm. Ap.

(6) Gaufrid. Malaterra.

avec des renforts, que pour trouver le même sort au pied du mont Pulciano. L'année suivante (1043), Maniaces rentré en faveur sous le règne d'un nouveau prince, fut envoyé en Italie pour changer la fortune de la guerre (1), mais c'est à peine s'il eut le temps de se signaler à Otrante (a) et dans la petite partie de l'Apulie qu'avaient reconquise ses armes, par les plus exécrables cruautés ; un autre changement survenu dans le gouvernement de Byzance vint de nouveau interrompre le cours de ses sanglants exploits. Maniaces, au lieu d'obéir à l'ordre qui le destituait du commandement, revêtit la pourpre impériale, et se proclama indépendant. L'empereur Monomachus, à la nouvelle de cet événement, pensa qu'il ferait bien de négocier avec les Normands (3), et de les engager par des propositions de paix et l'appât de magnifiques promesses, à lui prêter aide et assistance contre son sujet rebelle. Rien ne pouvait venir plus à propos pour seconder la fortune et les désirs des Normands. L'intérêt comme la veangeance les disposait à attaquer Maniaces, Ils le forcèrent de se renfermer dans la ville de Tarente, et il saisit la première occasion favorable pour s'embarquer et gagner l'Epire où il comptait poursuivre l'accomplissement de ses ambitieux projets. Mais il y fut rencontré par une armée impériale, et dans le premier engagement, il fut défait et tué (4).

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1043. Les Normands victorieux et qui, pour le moment n'avaient à craindre aucune opposition de la part de l'empereur de Byzance, se mirent sur-le-champ à l'œuvre. Ils se hâtèrent de provoquer une réunion générale de leurs com

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