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matériaux qui ne se prêtaient nullement à la découpe ogivale,› pendant les XIV. et XV. siècles, elle a des voûtes d'un élancement médiocre, des piliers prismatiques sans précision, por-tant un très-petit chapiteau à la naissance des nervures, des arcades ogivales sans style des croisées sans développement. Tout son mérite est dans les peintures qui la recouvrent en totalité ; l'architecte s'y est entièrement subordonné au décorateur et au peintre, leur a ménagé toutes les surfaces plates, tous les plans horizontaux. Dans aucun autre édifice en France on ne trouvait les arts accessoires occuper une place aussi exclusive. La plupart de nos monuments gothiques privés de leurs décorations sont restés comme les monuments antiques des chefs-d'œuvre ôtez à St-Cécile ses peintures, et vous n'aurez qu'un édifice ignoble. Actuellement outre le charme des détails, elle produit un grand effet d'ensemble. Mais cet effet auquel l'architecture a prêté seulement un grand vaisseau à lignes verticales est dû tout entier aux peintures qui le couvrent et aux sculptures de son jubé.

Sa construction était achevée, le cœur et le jubé finis en 1476, année de sa consécration; mais les peintures des murs ne furent faites qu'au commencement du XVI. siècle, sous l'évêque Louis d'Amboise qui fit venir des artistes d'Italie pour les exécuter. On a avancé que Jean d'Udine, le peintre des arabesques des loges, et d'autres peintres venus avec lui pour travailler à Fontainebleau par ordre de François 1"., peignirent à Toulouse le sanctuaire de St.-Cernin et à Alby les fresques de Ste.-Cécile. C'est une pure allégation. Rien dans la vie de Jean d'Udine n'indique qu'il soit venu en France, et les fresques de Ste.-Cécile sont autérieures à celles de Fontainebleau et d'un goût et d'un style complètement différent. En les examinant attentivement, j'y ai retrouvé plusieurs dates, toutes du commencement du XVI. siècle, et

deux noms dont l'un est celui d'une femme. Dans la seconde et dans la troisième chapelle à droite on lit: 10A FRACISCVS DONELA pictor italus DE CARPA fecit 1513 et dans le 26o. compartiment à droite : LVCRECIA CANTORA BOLOGNESA.

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On n'attend pas sans doute ici une description minutieuse de ces trente-huit chapelles et travées toutes couvertes d'arabesques variées de dessin et de couleur, or gris ou rouge sur fond d'azur, bleu ou rouge sur fond d'or, décorées de tous les personnages et de tous les symboles habituels de la mythologie et de l'histoire chrétiennes. Comment parler aussi en quelques mots de ce jubé et de ce chœur tout entouré de sculptures de bois et de pierre travaillées avec une délicatesse infinie, chargés d'un peuple de statues peintes remarquables en même temps par la hardiesse du faire et la naïveté de l'expression? Elles mériteraient toutes une description individuelle. Au milieu de cet olympe chrétien, l'on doit s'attendre à rencontrer la composition reproduite tant de fois par les artistes chrétiens, le paradis et l'enfer. Elle occupe en effet tout le mur intérieur de la façade. La scène principale du ciel a malheureusement disparu pour faire place. à l'orgue, mais l'enfer s'y voit encore dans tout son développement: les orgueilleux et orgueilleuses, les avaricieux et avaricieuses, les glatons et glotes; les luxurieux et luxurieuses, y figurent dans des compartiments divers, traités avec la verve et la naïveté habituelles à ces peintres primitifs, et accompagnés de légendes explicatives. Je n'en citerai qu'une comme specimen : Les luxurieux et luxurieuses sont en une champaigne pleine de puys S fonds pleins de feu et de souffre, gectans fumées horribles et puantes esquielles les 1. et l. sont logés pour eschauffer du tount leur puante luxure.

Sur quelques tombeaux antiques en brique, découverts à Montaigu, près d'Auch;

PAR M. LE B. DE CRAZANNES,

Membre correspondant de l'Institut, Inspecteur divisionnaire des Monuments historiques.

Il y a quelque temps qu'en défrichant une espèce de lande ou champ de bruyères inculte jusqu'à ce moment, on découvrit à Montaigu (Mons-aculus) (1), près d'Auch, dans un donaine appartenant à M. Barada, député du Gers, plusieurs tombeaux construits en briques romaines, sans mortier ni ciment. Ayant été informés de cette découverte, nous nous rendîmes sur les lieux pour la reconnaître et la constater. Deux de ses tombeaux étaient encore presqu'entiers, soit qu'ils eussent été fouillés avec plus de soin et de précaution que les autres, soit plutôt qu'ils aient été trouvés et déblayés les derniers, et en présence du propriétaire, qui fut averti à temps

(1) Le château de Montaigu est une ancienne baronnie connue dės le moyen åge dans l'histoire des provinces de Guienne et de Gascogne, sous le nom de Castrum de Monte-Acuto. Ses constructions gothiques subsistent à peu près dans leur entier. Dès le Bas-Empire ou Je commencement de la monarchie, il pouvait exister quelqu'établissement dans ce lieu remplacé plus tard par le château qu'on y voit encore et auquel sont joints un hameau et une église. La voie romaine d'Auscius à Tholosa, décrite dans l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, passait au pied du côteau de Mons-Acutus, placé entre la première de ces villes et la position ad Sextum (lapidem).

pour les protéger contre la destruction dont il n'avait pu préserver les premiers.

L'un des deux les mieux conservés, nous parut contenir les restes d'une femme, et l'autre ceux d'un enfant. Chacun de ces cadavres était couché sur un lit de cendres et de charbons. La tête du premier était placée au midi et celle du second au nord, en sorte qu'à l'extrémité opposée ces tombeaux se touchaient de manière à décrire un angle de 45 degrés et à en offrir la figure. Les ossements étaient encore entiers et intacts au moment de la découverte, mais extrêmement friables ; ils furent bientôt réduits en poussière par l'effet de l'action de l'air, et après avoir été déplacés et maniés par les ouvriers et par les curieux de la ville accourus en foule à ce spectacle. Ces cercueils ne contenaient ni médailles, ni pièces de monnaies. On n'y trouva également ni vases, ni lampes, ni bijoux quelconques. Les briques dont ils étaient construits, ne présentaient non plus nulle inscription, nulle marque, sigue, symbole ou ornement particulier, indiquant la date de ces monuments, la nation et les personnes auxquelles ils avaient appartenu. Celles du recouvrement et employées à former le couvercle de ces tombes, figuraient un toit aigu représentant deux côtés d'un prisme triangulaire. Toutes ces briques avaient 43 centimètres de longueur, 24 centimètres de largeur et 33 millimètres d'épaisseur. Elles avaient une face brute et l'autre polie; sur celles-ci régnaient dans la longueur deux rebords de deux centimètres d'élévation; elles étaient coupées des deux côtés en chanfrein de la longueur de 5 centimètres (1).

Cette découverte n'est pas la première en ce genre connue des antiquaires. Au commencement de ce siècle, M. Pellieux

(1) Ce chanfrein était destiné à faciliter l'engencement de ces briques et leur engrainage, les unes par rapport aux autres.

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l'aîné, juge de paix à Beaugency (Loiret), procéda à l'extraction, sur le territoire de cette commune, de tombeaux en briques parcilles à celles des sépultures de Montaigu, à quelques légères différences près dans les dimensions. On trouve de même des ossements dans ces tombeaux, mais sans lits de cendres et de charbons; les corps étaient placés dans la même direction que ceux de Montaigu, les pieds tournés vers l'orient, ou la tête en regard de cette partie de l'horison. M. Pellieux, correspondant de l'académie celtique, devenue plus tard société royale des antiquaires de France, rendit compte de cette découverte dans le XII. cahier des mémoires de cette société savante qui, sous ses deux dénominations et plus particulièrement sous la dernière, a st bien mérité des archéologues français.

Nous voyons dans les mémoires de l'Académie royale des. inscriptions et belles-lettres (1), que des briques semblables à celles que nous venons de décrire et destinées au même usage, furent découvertes à Strasbourg, en 1663 et 1731. Le célèbre Schoefflin fit connaître l'existence de ces dernières à cette illustre compagnie. Elles recouvraient une urne contenant des cendres, des ossements brûlés et des lampes sépulcrales. Ces lampes et ces urnes n'étaient point renfermées dans des sarcophages; mais elles étaient couvertes de huit briques partagées en deux rangs, formant un toit, et offrant les deux côtés d'un prisme, comme celles du recouvrement des tombeaux de Montaigu.

Du reste dans une contrée voisine d'Auch, à Agen (l'ancien Aginnum des Nitiobriges), on a retrouvé l'usage fréquent des briques de même forme que celles que nous venons d'in

(1) Mém. de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, tome xii. Histoire.

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