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appartiennent à l'architecture normande. L'extrémité orientale se compose de trois apsides, et l'on a fait usage pour sa construction, comme pour celle des transepts, d'énormes blos de pierre. A l'intérieur de cette partie de l'église, on ne voit rien de remarquable; mais à l'extérieur, les transepts et les apsides sont ornés, dans leur partie supérieure, d'une série d'arcades ogivales, légèrement creusées dans les murs. Quelques écrivains considèrent le comte Roger comme l'auteur de cette portion de l'édifice; ce qu'il faut tenir pour certain, c'est que la première cathédrale fut l'oeuvre de ce prince et qu'elle fut élevée en 1092 dans les mêmes lieux où se voit la cathédrale actuelle. Mais, dans le courant de l'année 1169, ce monument fut détruit presque de fond en comble par un tremblement de terre, et l'on enterra sous ses ruines, l'évêque, plusieurs prêtres, et les corps des nombreuses personnes qui avaient péri dans le désastre (1). Il est alors probable que la partie ancienne de la cathédrale appartient à la reconstruction faite à la suite du tremblement de terre. Les transepts, quoique courts, revêtent un caractère d'évidence prononcée, bien différents en cela de ceux de la cathédrale de Messine qui sont pour ainsi dire nuls, du moins à l'extérieur. On peut remarquer encore une différence entre la construction des parties supérieures et celle des parties inférieures de l'apside; la disposition et la dimension des pierres ne sont pas les mêmes dans les deux cas; et l'on pourrait en conclure, peut-être avec raison, que la muraille n'a pas été bâtie d'un seul jet. A ceux qui assignent à l'extrémité orientale de la cathédrale de Ca

(1) 1169. Ita terribilis facta terræ concussio, ut populi multitudine quæ ad solemnitatem D. Agathæ venerat, adhuc in æde ipsius Agathæ existente, tectum corruisse fertur, et maxima pars illius populi et abbas cum 14 monachis, diem clausit extremum. Ancienne chronique citée dans la Catania illustrata d'Amicus

tane une date antérieure au tremblement de terre, nous ferons observer que, si l'évêque et les prêtres périrent en même temps que les autres fidèles assemblés dans le lieu saint, c'est que dans ces temps-là, l'apside de l'est était leur poste accoutumé, et qu'ils devaient occuper cette partie du monument à l'heure de la catastrophe. Tout bien considéré, il est donc probable que l'extrémité Est de la cathédrale actuelle fut construite après le tremblement de terre de 1169.

Après la cathédrale, nous allâmes visiter une autre église située dans un quartier reculé de Catane. Elle fut bâtie sur le donjon où a langui Ste.-Agathe, patronne de la cité, et cette circonstance lui a valu le nom de Santo Carcere. L'intérieur du monument n'offre rien de curieux, parce qu'il a été reconstruit en entier à une époque moderne; mais le portail est ancien et fort intéressant.

Il est tout entier de marbre blanc. Son arcade est de forme circulaire et se compose d'une série de moulures ornées, supportées par des colonnes en retrait et un pilastre. Elles se décorent du chevron normand et d'un travail de marqueterie et, sur la face interne, on distingue un certain nombre de patères romaines. Toutes ces moulures reposent sur des animaux et d'autres petites figures appuyées sur l'imposte. Les colonnes sont aussi ornées, de la base au sommet, de chevrons et de marqueterie; leurs chapiteaux imitent le chapiteau corinthien. Sur les pilastres on remarque un feuillage de la plus grande richesse, surmonté de figures d'animaux.

Il est facile de s'apercevoir que, pour l'exécution de ces divers ornements, on a beaucoup fait usage de la fraise et c'est une raison pour les croire l'œuvre d'artistes grecs. Immédiatement au-dessus de l'arcade, de l'un et de l'autre côté, existent des panneaux enfoncés figurant, chacun à part, uu cercle circonscrit dans un carré; ils sont ornès d'étoiles, de dragons et d'autres dessins en bas-relief.

L'histoire du portail de la Santo Carcere est singulière. Il faisait autrefois partie de la cathédrale; mais on le lui enleva, en 1734, quand sa façade occidentale fut modernisée, pour en doter le Palazzo publico. En 1750, quand on modifia la construction du Palazzo publico, le portail fut transporté à l'église, tel qu'on le voit aujourd'hui (1). Ce portail est encore un exemple frappant du mélange des styles grec et normand. On ne peut assurer qu'il ait été construit au temps du comte Roger, mais la forme circulaire de son arcade porte à croire qu'il existait avant le tremblement de terre de 1169.

De la Santo Carcere nous nous dirigeâmes vers une autre partie éloignée de Catane, où s'élève le Castel d'Ursino qui autrefois était environné de tous côtés par la mer, et qui se trouve aujourd'hui uni à la terre ferme. Cette forteresse fut bâtie sur un rocher isolé, par l'empereur Frédéric II, à la suite d'une révolte, pour tenir les rebelles de Catane en respect; mais dans l'éruption volcanique de 1699, les torrents de lave que fit pleuvoir l'Etna comblèrent l'intervalle qui séparait le rocher du rivage, et privèrent le château de son fossé naturel. L'édifice ne présente point de caractères architectoniques qui puissent révéler le style du siècle qui le vit

s'élever.

Tout près de là est une carrière : la lave qui s'y est amon⚫ celée, durcie par le temps, sert ordinairement de matériaux de construction. Le lit a dix-huit pieds d'épaisseur.

Quand nous eûmes parcouru toute la ville, nous entrâmes dans la bibliothèque publique, et nous recueillimes auprès

(1) Il Vescove Galletti non volle più l'antica porta e ve ne pose una nuova, facendo il prospetto nel 1734 e fu essa porta nella entrata della Loggia (Palazzo publico) ma anchi ne venna tolta allorché si migliorò quell edificio nel 1750, e fu data alla chiesa del Santo Carcere. Ferrara storia di Catania, pag. 526.

des fonctionnaires commis au soin de cet établissement des renseignements dont nous prîmes note; mais nous ne pûmes y rester autant que nous l'eussions désiré. Le voyageur se plaint avec raison de l'usage qui existe en Italie et en Sicile de fermer les églises et les bibliothèques à midi.

Comme le soleil n'avait rempli que la moitié de sa course, nous nous résolûmes à poursuivre notre voyage. Notre intention était de retourner à Catane, en suivant la route qui passe à Aderno, à Bronte et à Randazzo. L'établissement d'une nouvelle route qui joint Palerme à Messine et à Ca ane, nous permit de faire dans une voiture à roues cette partie de notre

excursion.

A peine étions-nous sortis de Catane, que nous commençâmes à monter ; notre ascension dura plusieurs milles. Elle nous eût sans doute bien plus ennuyé si nous n'avions eu toujours en vue l'Etna qui se dressait, dans toute sa majestueuse beauté, à notre droite. A moitié de la pente du mont, nous distinguâmes les deux pics noirâtres connus sous le nom de Monti Rossi ; c'est de leur sein, et non pas du cratère, que s'échappèrent les flots de lave qui engloutirent Catane dans la dernière éruption. Au sommet de la montagne, un reste de neige témoigne de sa hauteur et augmente encore sa majesté.

Nous étions arrivés presqu'au terme de notre ascension, quand nous aperçumes à notre gauche les tours féodales de Motta, qui de leur position élevée commandent les contrées d'alentour.

Enfin nous atteignîmes le haut du mont; alors nous commençâmes à descendre, et, après avoir traversé des champs de lave assez pulvérisée pour nourrir le poirier à épines, nous arrivâmes à la petite ville de Paterno où nous devions passer la nuit.

Paterno est bâtie autour d'une éminence, au sommet de

laquelle le comte Roger éleva une forteresse, dans le temps. qu'il tournait ses armes contre les Sarrazins de Catane (1). Un vaste donjon couronne encore la hauteur. Nous gravîmes cette éminence dont l'escarpement est si favorable à l'établisseinent d'un château fort, et du haut de laquelle les regards s'arrêtent, d'un côté, sur la montagne que nous venions de franchir; de l'autre, sur une vallée profonde à travers laquelle le Sinapus poursuit sa route vers la plaine, en se rendant à l'océan. Vous vous trouvez sur un large plateau, qui est aujourd'hui occupé en partie par des églises et des couvents. Le donjon, penché sur le bord du précipice, est tout ce qui reste de la citadelle normande. C'est un grand édifice de forme oblongue, parfaitement conservé. Les murailles d'une épaisseur considérable sont construites en moellon avec des pierres de taille aux angles. Au second étage, existe une porte étroite qui donnait autrefois entrée dans le donjon, et à laquelle on montait probablement au moyen d'un escalier mobile. A l'étage supérieur, on voit une rangée de petites fenêtres doubles à tête ronde divisées par des colonnes simples. Le quatrième étage, qui est considérablement élevé au-dessus du sol, présente une arcade à quatre cintres, dans laquelle sont formées deux arcades en ogive partagées par une colonne. On retrouve sur le côté opposé de l'édifice, des fenêtres semblablement disposées.

Nous pénétrâmes dans le donjon, et nous montâmes un escalier étroit. La rangée inférieure de petites fenêtres éclaire une longue salle, surmontée d'une voûte ogivale en pierre. Le long des murs, sont placés des bancs de pierre. De petits retraits sont pratiqués entre les fenêtres, et au haut de la salle

(1) In edito Colle Paternionis arce constructâ, copias in Catanam comes reduxit. 1073. Amicus. Catania illustrata.

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