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aucun document fasse mention du fait ? C'est donc là, nous pensons, une pure conjecture.

Il y aurait plus de probabilité pour Jacques d'Angoulême. La proximité de Limoges, la concordance des dates, la pierre calcaire d'Angoulême qui a servi à l'exécution du monument, seraient autant d'indices en sa faveur. Au Congrès archéologique de Limoges, en 1847, M. Jules de Verneilh exprimait cette opinion « Ce tombeau, disait-il, doit être d'un artiste trèséminent peut-être ne serait-ce pas une conjecture très-hasardée que d'attribuer ce travail à un sculpteur angoumoisin fort habile qui lutta sans trop de désavantage avec Michel-Ange、 et dont il ne reste pas d'œuvre connue (1) ».

Qu'était ce Jacques d'Angoulême ?

C'est ici le cas d'appliquer ce mot de Juste-Lipse : « Quidam merentur famam, quidam habent (2): les uns ont la réputation, les autres la méritent! » Le peu que nous savons de Jacques d'Angoulême c'est que, se trouvant à Rome en 1550, il osa concourir avec Michel-Ange, et le modèle qu'il présenta lui valut l'insigne honneur de triompher de cet illustre adversaire, au jugement de tous les maîtres, même italiens. Citons à ce sujet un écrivain du XVIe siècle, Blaise de Vigenère, qui préférait Jacques d'Angoulême à tous les sculpteurs français de son temps, sans excepter Germain Pilon lui-même : « Mais le plus excellent imagier françois, tant en marbre qu'en fonte (j'excepteray tousjours un maistre Jacques, natif d'Angoulesme, qui, l'an 4550, s'osa bien parangonner a Michel l'Ange pour le modele de l'image de saint Pierre a Rome, et de faict l'emporta lors par dessus luy au jugement de tous les maistres, mesme italiens; et de luy encore sont ces trois grandes figures de cire noire au naturel, gardees pour un tres-excellent joyau en la librairie du Vatican, dont l'une monstre l'homme vif, l'autre comme s'il estoit escorché, les muscles, nerfs, veines, arteres et fibres; et la troisiesme est un skeletos, qui n'a que les ossements avec les tendons qui les lient et accouplent ensemble; plus un Automne de marbre qu'on peult veoir en la grotte de Meudon, si au moins il y est encore, car je l'y ay veu austrefois, ayant esté faict a Rome, autant prisé que nulle autre statue moderne), le plus

(1) Bulletin de la Société Archéologique du Limousin, T. II, p. 189. (2) JUST. LIPS., Cent. 1, Epist. 1.

excellent doncques sculpteur françois, n'y autre de deça les monts, a esté maistre Germain Pilon, decedé en l'an 1590 (1) ». Quoiqu'il y ait plus de probabilité pour Jacques d'Angoulême que pour Jean Goujon, il est certain que jusqu'à ce jour on n'a que des conjectures sur le sculpteur éminent qui a enrichi la cathédrale de Limoges du tombeau de Jean de Langeac. Espérons que des recherches plus actives faites aux archives départementales, dans le fonds de l'Evêché, nous donneront le dernier mot de ce problème historique, et que des documents inexplorés, des livres de comptes par exemple, nous mettront sur la trace de ce artiste inconnu, qui mérite d'être cité avec honneur dans l'histoire des arts.

L'abbé ARBELlot.

(1) Images ou tableaux de plate peinture de Philostrate, mis en françois par Blaise de Vigenere, Paris, 1597, 2 vol. in-4o.

P. S. La gravure qui accompagne .cette Notice nous a été obligeamment prêtée par M. le gérant du Magasin pittoresque.

TESTAMENT

DE JEAN DE LANGEAC

ÉVÊQUE DE LIMOGES.

A tous ceulx qui ces presentes lettres verront, Jehan d'Estousteville (1), chevalier, seigneur de Villebon, La Gastine, Blanville, Boislandry, Fretigni et Bientes, cappitaine baylly de Rouen, conseilher du roy nostre sire, gentilhomme ordinaire de sa chambre, cappitaine de cinquante hommes d'armes des ordonnances du roy nostre dict seigneur, et garde de la prevosté de Paris, salut. Scavoir faisons que, pardevant Nycolas Chanpin et Pierre Surpin, notaires du roy nostre dict seigneur, de par luy ordonnés et establys en son Chastellet de Paris, fut present en sa personne Reverend Pere en Dieu monseigneur Jehan de Langhac, conseilher et maistre des requestes ordinaires de l'hostel du roy, evesque de Lymoges, seigneur de Bonnebault, abbé commandataire des abbayes et monastaires Nostre Dame de Pébrat, d'Eu et d'Eschaoliz, ordre Sainct Augustin et

(1) Ancienne et grande famille de Normandie.

« Jean d'Estouteville, deuxième du nom, seigneur de Villebon, Beaurepaire, La Gastinie, Blainville, Boislandri, etc., conseiller du roi, gentilhomme de la chambre, chevalier de l'ordre de Saint-Michel, bailli et capitaine de Rouen et de Thérouane, prévôt de Paris dès 1534, lieutenant pour le roi en Normandie et en Picardie, rendit de grands services aux rois François Ier et Henri II, et mourut à Rome le 18 août 1568. » (MORÉRI.)

Cyteaulx, et prévost de Brioude, ès dioceses de Sens, Rouen et Sainct Flour, gisant au lict mallade, toutesfoyes sain de pensée, mémoire et entendement, comme de prime face apparoit ausdictz notaires. Lequel. seigneur reverend a presenté et mys es mains diceulx notaires ung cayer de papier contenant huict fueillectz et partie de la premiere paige du neufviesme fueillet escriptz, signé J. de Langhac, qui nous a dict estre son seing manuel, de Moyencourt et Henoys, tesmoings, qu'il disoit estre son testament et ordonnance de derniere volunté, dont la teneur ensuyt et est tel:

<< Au nom de Dieu, du Père, du Filz et du Sainct Esperit, soit notoire à tous qui le present testament et derniere volonté verront et entendront, que nous, Jehan de Langeac, conseilher et maistre des requestes ordinaires de l'hostel du Roy, évesque de Lymoges, seigneur de Bonnebault, abbé commandataire des abbayes et monastaires Nostre Dame de Pebrat, d'Eu et d'Eschoulitz, ordre Sainct Augustin et Cisteaulx et prévost de Brioude, ez diocèses de Sens, Rouan et Sainct Flour, soubzsigné, considérant qu'il ne y a chose plus certaine que la mort ne aussi plus incertaine que l'heure d'icelle, pour éviter ez dangiers qui pourroient survenir, affin de ne deceder sans disposer et tester, et ad ce que pour l'advenir il ne y aist question et molestie entre noz parans et prochains de tous et chacuns noz biens meubles et immeubles à nous appartenens, en quel que part et lieu que ce soit, avons ordonné, testé et disposé en la manière que s'ensuyt Premierement, là où la volunté de Dieu seroit de nous appeller, nous eslizons nostre sépulture en nostre esglize de Lymoges, où illec sera faict et eslevé tombeau et sepulchre d'arain ou de marbre en plus grande honnesteté et triumphe que faire se pourra, le remectant à la discretion de notre exequteur, ledict tumbeau à l'endroict des chaises où sont les diacres, prochain du grand hostel viz-à-viz d'aultre cousté l'aultre tombeau d'Evesque. Item, volons au jour de nostre sepulture estre appellé et convoqué les prebstres, religieulx et gens d'Eglise, en tel nombre que par nostre dict executeur sera advisé, pour faire les obseques, célébrations de messes tant haultes que basses, à la discretion de nostre dict executeur; pareilhement pour les distribucions à ce necessaires; et auquel jour de sepulture voulons y assister cinq cens pouvres chacun vestuz et portans une torche allumée, pourpryer Dieu pour nous; et, par après le jour de la quarantaine, et en l'an revollu, faire service, le tout à la discrétion de

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nostre dict executeur et èsdictz jours estre donnez et distribuez à tous les paouvres y affluant à ung chacun douze deniers tournoys; le surplus des faictz funerailhes, le remectons à l'ordonnance de nostre dict executeur. Item, meuz en devoction pour l'augmantacion du dyvin service en nostre dicte eglise de Lymoges, à la louange de Dieu le Createur, Nostre Dame et sainct Estienne, avons fondé et docté, fundons et doctons à perpetuité illec, un chacun jour en l'année, une messe haulte à diacre et à soubzdiacre estre dicte et célébrée au grand autel d'icelle eglise, c'est assavoir selon les jours comme le dimenche, dudict jour, le lundy, des Trespassés, - au jeudy, du Sainct Esperit, vendredy, de la Passion, sabmedy, de Nostre-Dame, et ez aultres jours, comme escherra, s'il y a feste sollempnelle ou aultre selon le cours du temps; et en la fin de chacune messe chanter Libera me avec commemoration des Trespassés, De profundis et les collectes ad ce appropriées. Pour l'entretien duquel service et fondacion que dessus, avons donné et légué la somme de mil troys cens escuz d'or au soleil pour une foys, laquelle somme sera employée et convertie en rente et revenu pour estre rappourtée chacune année ès fins de faire distributions cotidiennes aux chanoynes, courriers et aultres habitués de nostre dicte esglise, selon leur qualité, estans presens et assistans audict service, et non aultrement, appelé à l'assiette qui des dictz deniers en sera faicte nostre dict executeur pour la seurecté d'icelle. Et si ladicte somme ne se pouvoit comporter pour faire ladicte fundacion, avons permis et permectons à nostre dict executeur, pour y parvenir, suppléer et parfournir, prandre des deniers à nous deubz jusques au parachèvement d'icelle fondacion. Item, avons donné et donnons à nostre dicte eglise de Lymoges la tappicerie nefve que avons faict faire à Paris pour la décoration et estre desdiée servir à parer nostre dicte esglise et en la grand nef d'icelle, ès jours des festes solempnelles. Item, avons donné et légué à nostre dicte abbaye de Pébrat, couvent et table d'icelle ès religieux, la somme de cinq cens escus d'or au soleil (1) pour une foys, pour illec d'icelle somme mectre et asseoir en rente et revenu annuel au proffict dudict couvent, où, à cause de ce, sera faict fondacion par nostre dict exequteur reduicte et redigée

(1) Monnaie d'or frappée sous Louis XI. A partir de 1475, les écus d'or soleil furent ainsi appelés parce qu'ils portaient un soleil au-dessus de la couronne et point de fleur de lis à côté de l'écu.

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