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troisième cavalier, assis sur un cheval noir, et tenant à la main une balance, est l'emblême de la famine, comme on le voit par le contexte; le quatrième cavalier, monté sur un cheval pâle, et qui se nomme la Mort (pallida mors), est l'emblême de la peste et de la mortalité. Nous ne nous arrêterons pas aux commentaires qui ont été faits sur ces paroles, dans lesquelles plusieurs interprètes ont vu une prophétie symbolique des fléaux qui devaient tour à tour désoler l'Église de Dieu, établie sur la terre par le Christ et ses apôtres.

Ce bas-relief, le plus remarquable sans contredit de tous ceux qui décorent ce tombeau, est regardé avec raison comme un chef-d'œuvre, et M. Mérimée lui-même en a admiré la merveilleuse énergie: « On ne peut voir sans émotion, dit-il, le bas-relief qui représente la Mort sur le cheval pâle, accompagnée de ses terribles acolytes (1), chargeant bride abattue une multitude d'hommes fuyant épouvantés. Bien qu'un pareil sujet semble prêter davantage à la peinture qu'à la sculpture, le tableau de West perdrait assurément beaucoup à être mis en rapport avec celui de Limoges (2). »

En 1842, M. l'abbé Texier fit paraître dans une revue artistique très-connue (3) une gravure sur bois de ce bas-relief, qui a été reproduite dans le Bulletin de la Société Archéologique du Limousin, et, dans l'article qui accompagne cette gravure, il fait remarquer une inspiration originale du sculpteur: « Dans les mains du troisième cavalier, la balance est devenue un instrument de supplice, et ses plateaux vides vont, dans un élan rapide, se briser sur la tête des méchants : l'éternité commence (4)!>

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Quatrième bas relief (entablement).

Le quatrième bas-relief de l'entablement représente les martyrs sortant de dessous l'autel, où ils étaient cachés, pour recevoir, de la main des anges de Dieu, des robes blanches,

(1) M. Mérimée, qui connait peu l'Apocalypse, donne pour acolytes à la Mort les trois autres cavaliers : c'est inexact. Les trois fléaux représentés par les trois cavaliers de gauche suivent au contraire le premier cavalier qui est à droite, et qui figure le roi victorieux, le Christ.

(2) Notes d'un voyage en Auvergne, p. 91.

(3) Magasin pittoresque, année 1842, p. 390.

(4) Bulletin de la Société Archéologique du Limousin, T. I, p. 40.

symbole de la béatitude éternelle. On les voit s'élever dans la gloire, tandis que, au bas du tableau, leurs persécuteurs mordent la poussière. Parmi ces derniers, on distingue un roi avec sa couronne et un prêtre des faux dieux coiffé de la mitre orientale. Voici du reste les versets de l'Apocalypse que l'artiste a traduits :

« Quand l'Agneau eut ouvert le cinquième sceau, je vis sous l'autel les âmes de ceux qui ont donné leur vie pour la parole de Dieu et pour lui rendre témoignage.

Ils poussaient un grand cri en disant : « Seigneur, qui êtes » saint et véritable, jusques à quand diffèrerez-vous de faire » justice et de venger notre sang sur ceux qui habitent la >> terre? >>

» Alors on leur donna à chacun une robe blanche, et il leur fut dit d'avoir encore patience un peu de temps, jusqu'à ce que le nombre des serviteurs de Dieu et de leurs frères, qui devaient comme eux être mis à mort, fût accompli. » (Apocal., VI, 9-11.)

Cinquième bas-relief (soubassement).

Dans le cinquième bas-relief (le premier du soubassement à gauche, du côté du collatéral), on voit quatre anges majestueux, à la taille svelte et élancée, aux larges ailes éployées, la main droite armée de longs glaives, qui tiennent enchaînés les quatre vents du ciel, figurés, à la manière païenne, par des têtes de génie qui soufflent sans relâche. Au-dessus d'eux, planant dans les hauteurs, un ange porte le tau mystérieux, la croix, signe du Fils de l'Homme et du Dieu vivant. Au bas du tableau, un ange marque le front des serviteurs de Dieu, qui, Â. genoux et dans une attitude suppliante, le conjurent de les marquer au front du sceau des élus. Ce bas-relief est tiré des trois premiers versets du chapitre septième :

Après cela, je vis quatre anges debout aux quatre coins de la terre, qui tenaient enchaînés les quatre vents du monde, pour les empêcher de souffler sur la terre, ni sur la mer, ni sur aucun arbre», de telle sorte qu'aucune feuille ne fût agitée.

» Et je vis un autre ange qui s'élevait du berceau du soleil, et qui portait le signe du Dieu vivant: il cria à haute voix aux quatre anges qui avaient reçu le pouvoir de nuire à la terre et à la mer,

» En disant : « Ne nuisez point à la terre, ni à la mer, ni aux >> arbres, jusqu'à ce que nous ayons marqué au front les servi>>teurs de notre Dieu. » (Apocal., VII, 4-3.)

Sixième bas-relief (soubassement).

Le sixième bas-relief (deuxième du soubassement) représente les sept anges du Seigneur recevant des mains de Dieu les sept trompettes dont les éclats formidables vont donner le signal des fléaux qui doivent ravager la terre. Un ange tient l'encensoir d'or devant l'autel céleste, et la fumée des parfums composés par les prières des saints s'élève jusqu'à Dieu. Les quatre premiers anges sonnent de la trompette, et alors une montagne enflammée est jetée dans la mer, une étoile ardente tombe du ciel, la troisième partie du soleil et de la lune est obscurcie, et un ange, volant par le milieu du ciel, fait retentir au loin le triple Va!... Malheur ! malheur ! malheur aux habitants de la terre!

Ce tableau est la mise en scène du chapitre VIII de l'Apocalypse: on peut en lire une interprétation dans Bossuet, qui a vu dans ces figures symboliques une prophétie des malheurs qui précédèrent la ruine de Jérusalem.

Septième bas-relief (soubassement).

Le septième bas-relief (troisième du soubassement) représente le sixième fléau. Le sixième ange sonne de la trompette, et une voix, sortie des quatre coins de l'autel d'or qui est devant Dieu, lui dit : « Déliez les quatre anges qui sont enchaînés sur les bords du grand fleuve de Babylone. » Et les quatre anges, prêts pour l'heure et le jour, frappent sans pitié les victimes qui leur ont été désignées. (Apocal., IX, 13-15.) Cette scène de carnage est magnifique d'inspiration; mais ce bas-relief a subi des mutilations regrettables. - Au milieu du tableau, on distingue dans les airs des cavaliers rapides, dont les coursiers, aux têtes de lion, semblent jeter le feu par les narines c'est encore une vision mystérieuse de saint. Jean, décrite dans ce même chapitre (1).

M. Allou n'a vu que ces trois bas-reliefs dans le tombeau de Jean de Langeac, et voici en quels termes il en parle : « Le sou

(1) Apocal., IX, 17.

bassement du mausolée, couvert d'ornements d'une exécution très-soignée, offre en outre trois bas-reliefs dont les sujets sont assez singulièrement choisis. Dans le premier, des anges paraissent enchaîner les vents sur tous les points de l'horizon; celui du milieu représente le déluge universel ou quelque sujet de l'Apocalypse, et dans le troisième on voit d'autres anges frappant de leur glaive, et, d'après l'ordre de Dieu, des malheureux renversés à leurs pieds, parmi lesquels on distingue deux femmes (1) ».

Huitième bas-relief (entablement).

Passons maintenant du côté du sanctuaire. Les bas-reliefs de cette partie du tombeau, longtemps cachés par les stalles des chanoines et les hautes boiseries du chœur, n'ont été découverts qu'à l'époque récente des travaux de restauration de la cathédrale (1852). Le huitième bas-relief (le premier de l'entablement, à gauche pour le spectateur) représente la scène décrite au chapitre X de l'Apocalypse. Un ange descend du ciel, revêtu d'une nuée : l'arc-en-ciel rayonne autour de sa tête; son visage brille comme le soleil; ses pieds, semblables à des colonnes de feu, reposent, l'un sur la terre, l'autre sur la mer; il tient à la main un petit livre; il fait retentir sa grande voix, à laquelle sept tonnerres répondent, et, levant la main au ciel, il jure par Celui qui est vivant dans les siècles des siècles, il jure qu'il n'y aura plus de temps !..... Saint Jean, à genoux devant lui, reçoit de sa main le livre mystérieux, qu'il dévore, et dont la saveur, d'abord douce comme le miel, se change bientôt en amertume. On trouve une semblable vision dans le prophète Ezéchiel (III, 4-3).

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Neuvième bas-relief (entablement).

Le neuvième bas-relief (le second de l'entablement à gauche) est tiré du chapitre XII de l'Apocalypse. Un grand prodige apparaît dans le ciel : c'est une femme revêtue du soleil comme d'un manteau, ayant la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles... Un dragon à sept têtes, couronné de sept diadèmes, et traînant après lui le tiers des étoiles, se montre

(1) Monuments de la Haute-Vienne, p. 255.

devant la femme pour dévorer son fils, et il vomit un fleuve comme pour l'engloutir... Mais le Fils de la femme, qui doit gouverner les nations avec un sceptre de fer, est élevé dans le ciel pour être avec Dieu et auprès du trône de Dieu. (Apocal., XII, 4-5, 15.)

Dixième bas-relief (entablement).

Le dixième bas-relief (troisième de l'entablement) représente le combat des anges et des démons. Cette scène est empruntée au chapitre douzième de l'Apocalypse: « Il se livra une grande bataille dans le ciel... Michel et ses anges combattaient contre le dragon..., et le dragón luttait, aidé de ses mauvais anges... Mais ceux-ci furent les plus faibles, et leur place ne se trouva plus dans les cieux. » (Apocal., XII, 7-9.) Voici comment le sculpteur a traduit ce texte : quatre anges combattent quatre dragons; le premier ange à gauche, armé d'un bouclier sur lequel se dessine une tête, frappe le dragon avec une fourche à deux traits; le second ange, à la taille haute et fière, se tient debout sur le monstre terrassé, qu'il perce de sa lance; le troisième ange, au haut du tableau, darde sur le dragon un javelot; le quatrième ange lève son épée pour achever le monstre, qui se tord sous ses pieds... Ce bas-relief, où l'imagination du sculpteur s'est donné carrière, est d'une fort belle exécution.

Onzième bas-relief (entablement).

Le onzième bas-relief (quatrième de l'entablement) présente deux parties une inférieure et, pour ainsi dire, terrestre, une autre supérieure et céleste.

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1o Au bas du tableau, une bête mystérieuse, ayant sept têtes et dix cornes (1), que couronnent autant de diadèmes, avec un corps de léopard, des pieds d'ours et une gueule de lion, s'élève du sein de la mer. (Apocal., XIII, 1-2). C'est aussi du sein de la mer, image de l'agitation des choses humaines, que le prophète Daniel vit sortir les quatre animaux symboliques qui figuraient les quatre grandes monarchies (DANIEL, VII, 3). Une des têtes. de l'hydre, comme blessée à mort, tombe en arrière et s'affaisse

(1) Emblême de la puissance royale. (CORNELIUS A LAPIDE, in Apocalyps., XIII, 11).

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