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temps et de sa peine en sollicitations de toute nature, qui ont valu à notre Musée un très-grand nombre de pièces importantes.

C'est ensuite M. Gille, de Paris, qui a fait don, entre autres objets, de sa grande et belle statue de Bernard Palissy. Cette offre, nous nous en souvenons, avait été faite déjà à la ville de Limoges sous l'administration de M. Louis Ardant. La statue devait être installée sur une des places publiques de la ville. On refusa, et l'on eut raison: une statue provenant d'une fabrique étrangère eût pu passer pour une épigramme permanente contre notre localité. Aujourd'hui que le Musée a la prétention de réunir tout ce que l'art céramique produit de plus curieux et de plus utile à consulter sous le rapport de la forme et de la décoration, de quelque provenance que ce soit, la raison qui avait fait repousser l'offre de M. Gille n'existe plus. La statue n'eût pas été à sa place à l'un des carrefours de la ville: elle sera parfaitement à sa place au Musée.

Mentionnons encore parmi les fabricants ou marchands de porcelaine :

La manufacture royale de Saxe, la manufacture impériale de Saint-Pétersbourg;

MM. Michel Aaron, Étienne Aubert, Collet, Coppeland Darthout, Hache et Pépin-le-Halleur, Leuillier et Bing, Létu et Mauger, J. Macé, Minton, Payard, Piliwuyt, Rousseau, Seigle et Chavoix, Ollive, etc., etc.;

Parmi les faïenciers: MM. Deck, Genlis et Rudhart, le marquis Ginori, Longuet, Pull, la manufacture de Sarreguemines, etc., etc. Ajoutons à cette liste la cristallerie de Baccarat, qui nous a envoyé quelques pièces importantes.

Les exposants limousins avaient été les premiers à inviter la direction du Musée à choisir dans leur exposition les objets qui seraient à sa convenance. Citons la maison Henri Ardant et Cie, des ateliers de laquelle sort le beau vase commandé par le Cercle de l'Union, qui en a généreusement offert un exemplaire au Musée; la maison Gibus et Cie (1), à laquelle nous devons, entre autres, des vases d'un profil et d'une ornementation charmante, ainsi qu'une corbeille où sont groupées, sur émail mat et bruni, de ravissantes figures; dans le genre industriel, MM. Alluaud frères et Vandermarcq, une grande maison qui, soucieuse de sa vieille renommée, s'est toujours attachée à reproduire, dans les

(1) L'Empereur a fait un achat à cette maison.

meilleures conditions possibles, le beau à bon marché; MM. Labesse, Demartial et Talandier, Guerry et Delinières, Jullien, Dubois, Chabrol, etc., etc.

En somme, le nombre des donateurs de tous pays peut être évalué à 50, et le nombre des pièces acquises à 500; mais ceci ne peut être, comme nous l'avons dit, qu'un calcul approximatif.

Ainsi, au mois de décembre 1866, le nombre total des pièces contenues dans le Musée céramique était de 808; avant l'Exposition, il s'élevait à 1,133; nous sommes au-dessous du chiffre réel en évaluant à 600 le nombre des pièces acquises pendant l'Exposition, soit par dons, soit par achats, ce qui portera à 1,733 et plus le nombre des objets céramiques de toute nature exposés au Musée au commencement de l'année 1868, et à près de 60,000 fr. la valeur vénale de ces objets, y compris la valeur des pièces données avant l'Exposition et celle du don de Sèvres que nous attendons.

Ce chiffre de 1,733 pièces, quelque considérable qu'il soit pour un Musée qui a à peine deux ans d'existence, ne semble cependant pas énorme en lui-même, et pourtant on ne se figurerait jamais toute la place qu'il faut pour caser convenablement tout cela. Après déballage, on a reconnu que la superficie totale du parquet du musée serait insuffisante pour étaler bout à bout tous les objets récemment acquis. La direction s'est émue. Les deux pièces où se trouvait déjà la céramique étaient littéralement encombrées dans son embarras, elle a tout naturellement tourné les yeux vers l'Administration municipale, qui a immédiatement pris la chose en considération. Le Conseil municipal a été convoqué, et a fait choix d'une commission chargée d'examiner la question. A l'heure où nous écrivons, on parle beaucoup de transférer le Musée céramique dans un local ad hoc, et l'on désigne l'ancien Asile des aliénés (1). Pour notre part, après mûres réflexions, nous nous contenterions de ce choix, car à côté de l'inconvénient pour le public d'une situation un peu excentrique, il y aurait le grand avantage pour les élèves de la nouvelle école de peinture et de modelage, qui se trouve dans le même local, d'avoir sous la main tous les éléments nécessaires à leurs études et à leurs travaux. Mais, là ou là, qu'on se hâte. Il ne faut pas songer à installer les nouveaux objets céramiques dans le salon des tableaux, ce serait

(1) Depuis, ce transfert a été décidé.

l'encombrer inutilement et imprudemment. Ils seraient contitinuellement exposés aux accidents ou aux dégradations; de plus, l'entrée du Musée serait forcément interdite aux artistes qui voudraient étudier la porcelaine ou copier des tableaux, et leur nombre est assez grand chaque année pour qu'on en tienne compte. Ailleurs que dans le grand salon il n'y a pas un centimètre de place. Que faire donc ? Approprier un autre local, et le plus tôt ne sera que le meilleur.

Ah! si l'on pouvait doter enfin Limoges d'un édifice contenant la Bibliothèque communale et le Musée général !

J.-J. MAQUART,

Limoges, le 15 décembre 1867.

Sous-directeur du Musée.

(Extrait de l'Almanach Limousin pour 1868.)

NÉCROLOGIE.

M. LÉON NADAUD (1).

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NADAUD (Horace-Léon-Léonard), né à Limoges le 12 mars 1794, décédé à Charvieux (Isère) le 30 avril 1867, à l'âge de soixantetreize ans, se distingua comme magistrat, comme écrivain et comme citoyen. Issu d'une ancienne famille de Limoges qui remonte à Jean Nadaud, docteur ès-lois en 1296, il fit ses études à Limoges et son droit à Poitiers. Reçu avocat en 1814, il débuta brillamment dans la carrière du barreau, en défendant, dans sa ville natale, deux officiers bonapartistes accusés d'avoir assassiné deux gendarmes. Un des accusés était proche parent du comte de Ponte-Corvo.

Mais M. Bourdeau, dans le cabinet duquel il avait travaillé quelque temps, ayant été envoyé comme procureur général à Rennes, appela près de lui son jeune compatriote, et le fit nommer, le 2 juillet 1817, substitut à Saint-Brieuc. Il avait alors vingtdeux ans. Ses progrès furent rapides: il devint successivement substitut au tribunal de Rennes le 16 juin 1819,- substitut à la Cour le 15 janvier 1823, avocat général le 21 février 1827. Sa carrière paraissait devoir le fixer en Bretagne, lorsqu'il fut appelé, le 10 juin 1829, au poste important d'avocat général à Lyon. En 1834, lors de l'insurrection lyonnaise, le magistrat fit place au

(1) M. Léon Nadaud appartenait à la famille Nadaud, sur laquelle M. Albert Albrier a donné, dans ce même no du Bulletin, une Notice généalogique et biographique. Les lignes qui lui sont personnellement consacrées sont insérées à la page 39.

citoyen: ceux qui le connurent alors n'ont oublié ni son courage ni sa rare énergie. Un remarquable talent de parole l'avait déjà placé au premier rang des orateurs du parquet, lorsque deux graves affaires dont il fut successivement chargé vinrent fixer plus spécialement sur lui l'attention publique. En 1832,- quoique le dernier des avocats généraux par le rang de sa nomination, il se vit désigné par le procureur général de Lyon pour porter la parole, devant la Cour d'assises de l'Ain, dans une accusation de parricide contre M. d'Aubarède, qui appartenait à une famille considérable du Bugey. Tous les journaux ont rendu compte des débats de cette dramatique affaire, et ont publié, en lui donnant des éloges justifiés, le remarquable réquisitoire que prononça alors M. l'avocat général Nadaud.

En 1833, il fut délégué près de la Cour d'Assises de la Loire, où allait se juger la tentative insurrectionnelle de la duchesse de Berry sur le Midi, procès connu sous le nom du Carlo-Alberto. Les débats durèrent vingt jours, et, sur ce terrain à la fois brûlant et délicat de la politique, M. Nadaud sut, par la modération de sa parole, les égards témoignés à d'illustres coupables, par sa haute impartialité, mériter l'approbation de ses adversaires eux-mêmes. On s'attendait, après le succès qu'il venait d'obtenir, à le voir prochainement appelé à la tête d'un parquet de Cour. Mais le Garde des sceaux le regarda comme suffisamment récompensé par la croix de la Légion-d'Honneur, qu'il obtint le 29 avril 1833. Ce fut seulement cinq ans après, le 24 octobre 1838, qu'il devint procureur général à Montpellier.

Procureur général à Grenoble le 17 septembre 1839, il fut nommé premier-président de cette Cour le 7 août 1843. Le 7 avril de l'année suivante, il reçut la croix d'officier de l'Ordre des SS.Maurice-et-Lazare pour services rendus à la Sardaigne dans des questions de nationalité depuis longtemps pendantes entre la France et les États sardes. Membre du Conseil général de l'Isère le 27 avril 1845, il fut porté pour la députation, et échoua de trois voix seulement. Sa carrière allait être couronnée par sa promotion à la pairie et le cordon de commandeur de la Légiond'Honneur, qui devait lui être accordé le 1er mai 1848 (il était officier depuis le 1er mai 1843) - lorsque éclata la révolution de février. M. Nadaud, qui ne cachait pas son peu de sympathies pour le nouveau gouvernement de la France, se démit aussitôt de ses fonctions de premier-président, refusant même une réélection au Conseil général, et se retira dans sa terre de Char

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