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Quant au toit conique en spirale qui couvre la flèche, c'est l'œuvre bizarre d'un charpentier fantaisiste, qui ne date que de la première moitié du siècle dernier on trouve ailleurs d'autres toitures de ce genre.

La fenêtre ogivale qui éclaire le chœur, divisée par des meneaux en trois compartiments, que surmontent des quatrefeuilles, est aussi une restauration de la fin du xir siècle.

C'est encore à la même époque qu'il faut rapporter la fenêtre ogivale percée au-dessus du portail de l'ouest, et les contreforts à redans qui appuient les angles de la base du clocher, bien que ce genre de contreforts ait été usité principalement au XVe siècle.

Il y a donc dans cette église deux époques principales et deux styles différents : le style roman du xr siècle et le style ogival de la fin du XIIIe siècle.

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En 1295, sans doute après cette restauration - l'église de Rochechouart fut élevée au titre de succursale en ville murée. (NADAUD, Pouillé ms.)

L'année suivante (1296), Aimeric XI, vicomte de Rochechouart, octroyait aux habitants de la ville une charte qui les affranchissait, et portait création de leur commune (1). On trouve à la fin de cette charte la signature d'Itier, prieur de Rochechouart.

Donc là, comme dans beaucoup d'autres localités du Limousin, c'est une église, bâtie par des moines, qui a été le fondement et le berceau de la cité.

II.

On trouve dans cette église quelques tableaux peu dignes d'attention derrière le maître-autel, saint Pierre marchant sur les eaux; dans la nef, un Christ en croix, une Descente de croix, etc.

Le rétable, en bois doré, qui s'élève sur l'autel de la Vierge, dans une chapelle latérale, paraît dater de la première moitié du dernier siècle. Il présente des sculptures remarquables sur le tabernacle, le Christ docteur; du côté de l'Evangile, saint

(1) Voir cette charte, publiée par M. Maurice Ardant, dans le Limousin Historique, T. I, p. 294. La traduction a été reproduite dans l'Histoire de Rochechouart, par l'abbé Duléry, p. 344.

Julien, patron de la paroisse; du côté de l'Epître, l'apôtre saint Simon, tenant en main la scie, instrument de son martyre: saint Simon figure là sans doute comme patron du donateur de l'autel (peut-être un Simon de La Barde, famille noble de Rochechouart).

A l'intérieur, l'église a subi quelques réparations qui lui ont enlevé tout caractère monumental. C'est en 1813 qu'on a dressé les six colonnes rondes en bois qui séparent la nef des bas-côtés, et qui supportent un lambris de mauvais goût. Ce lambris, qui était auparavant en forme de plafond, fut arrondi à cette époque en forme de voûte surbaissée, sur laquelle se dessine disgracieusement une série de petits arcs parallèles qui la soutiennent. Depuis quelques années déjà, une voûte de ce genre s'étalait sur le chœur. Pour donner à cette église un voûte élégante et hardie, on n'aurait eu qu'à prendre pour type celle qui existe sous le clocher.

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III.

Nous avons dit que cette église était une fondation de Charroux. L'an 1211, le pape Innocent III, écrivant à Hugues, abbé du monastère de Saint-Sauveur de Charroux, confirmait les priviléges de cette maison célèbre, et lui assurait la possession « du monastère qui est auprès du château de Rochechouart, ainsi que de ses dépendances (1) ».

Comme l'église de Charroux et la plupart des églises fondées par cette célèbre abbaye étaient sous le vocable de Saint-Sauveur, cette église s'appelait autrefois le prieuré de Saint-Sauveur de Rochechouart (2): tel était encore le nom de la paroisse au XVIIe siècle et même au commencement du XVIII (3). Depuis cette époque, par suite de l'annexion de cette église à la paroisse de Biennac (qui a pour patron saint Julien de Brioude), ce saint martyr est devenu le patron principal de l'église de Rochechouart.

La frairie ou fête religieuse qui attire le plus grand concours

(1) In Lemovicensi episcopatu, monasterium castri de Rupe Cavardi cum cœmeterio et pertinentiis suis. (INNOCENTII III, lib. XIV, xviii; Patrolog., T. CCXVI, col. 393.)

(2) BONAVENT., T. III, p. 298. (3) Divers titres mss.

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de peuple est la fête de saint Paul, apôtre, patron secondaire de la paroisse (29 juin). Cela vient sans doute de ce que, au moyen âge, d'après Bernard Guidonis, écrivain du XIVe siècle, une partie du corps de saint Paul de Narbonne était vénérée dans cette église (1). Plus tard, on aura confondu le premier évêque de Narbonne avec l'apôtre saint Paul. Quoi qu'il en soit, ces précieuses reliques ont disparu, probablement au milieu du xvre siècle, lorsque « les Calvinistes, nous dit le P. Bonaventure, selon leur coutume enragée, pillèrent et détruisirent ces lieux (2) ».

IV.

La fontaine qui est sur la place, devant l'église, fut élevée en 1539. Nous avons découvert dans un vieux manuscrit de la mairie les vers suivants, qui sont relatifs à l'inauguration de cette fontaine, et qui n'ont pas encore été publiés :

Lan mil cinq cens trente et neuf

Du moys daugst (d'août) le dixneufviesme
Par tuaux (tuyaux) de boys faitz de neuf

En nombre le neuf centiesme

A Rochouard p[ar] devant lesglise

La fontaine de font builliant (Font-Bouillant)
Es une tasse de pierre fust mise,
Tout le peuple rejouyssant.
Les consuls lont faicte faire

Et ont avansé largent (sic).

En paradis soit leur repaire

Et Dieu doint bonne vie aux habitans.

V.

Hors de la ville, dans un angle du cimetière, on trouve la chapelle de Beaumoussou (autrefois Maumoussou, mauvais chemin). C'est une simple nef, à contreforts plats, avec un portail à l'ouest et une porte ogivale au sud-est. Elle fut bâtie vers 1280, par Foucaud de Rochechouart, chanoine de Limoges, qui était le sixième fils d'Aimeric VIII, vicomte de Rochechouart, et de Marguerite de Limoges (3). Ce chanoine Foucaud était frère de

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(1) BERNARD GUIDONIS, de Sanct. Lemovic., ap. LABBE, T. I, (2) BONAVENT., T. I, p. 298.

(3) Fille de Guy V, vicomte de Limoges.

p. 644.

Simon de Rochechouart, qui fut archevêque de Bordeaux de 1275 à 1280. On voit, sur une pierre en saillie du mur méri– dional, les armoiries de la famille de Rochechouart. Cette chapelle, qui date dans son ensembl edu XIe siècle, fut restaurée en 1648, et on y a fait quelques réparations dans ces dernières années (1855).

CHATEAU.

I.

Le château de Rochechouart est un des châteaux gothiques les mieux conservés du Limousin. Il est magnifiquement situé sur un promontoire que termine un rocher gigantesque, en face de deux vallées qu'arrosent la Grenne et la rivière de Vayres. De ses fenêtres, on voit se dérouler un vaste panorama, et l'on jouit d'une perspective lointaine et des paysages les plus variés. Vue à distance, du côté de l'est et du midi, la ville de Rochechouart offre un coup d'œil très-pittoresque.

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Le bâtiment principal du château est flanqué, du côté de la façade, par deux grosses tours, et, du côté de la cour intérieure, par deux tourelles qui servent de cage d'escalier. Deux ailes en retour d'équerre s'étendent au nord et au midi. L'aile du nord se termine par le portail du pont-levis, à l'angle duquel s'élève une tour qui paraît dater du x siècle.

Le château, dans son ensemble, a été reconstruit vers la fin du xv siècle; toutefois l'aile du nord paraît avoir été élevée, après le bâtiment principal, dans les premières années du XVI siècle. En effet une galerie s'étend, du côté de la cour, au rezde-chaussée de l'aile du nord, et se prolonge au-delà du grand corps de logis: or, dans les arcades à plein-cintre de ce portique et dans ses colonnes torses élégamment ouvragées, on voit poindre déjà le style de la renaissance.

Quant au portail du pont-levis, il accuse évidemment tous les caractères de l'architecture sous François Ier.

La salle des pas-perdus, qui couvre la galerie accolée au bâtiment principal, n'est qu'une surcharge du siècle dernier (1770). Les deux grosses tours qui flanquent la façade principale avaient été découronnées et démolies en partie pendant la révolution elles ont été restaurées de nos jours (1858-1859) par M. Fayette, architecte du département, et elles ont reçu, outre

leur couronne de machicoulis, une charpente qui soutient une toiture aigüe; mais elles ne s'élèvent pas à la hauteur qu'elles atteignaient autrefois.

On a restauré en même temps les grandes fenêtres des combles. L'ancienne charpente du château, qu'on a heureusement conservée, grâce aux réclamations de la Société Archéologique, est la plus remarquable 'du département.

La tour du Lion a pris son nom d'un lion en granit qui est placé dans une niche au milieu de la muraille, et dont l'ancienne sculpture rappelle les lions de Saint-Michel de Limoges. Au fond de cette tour est une basse-fosse dans laquelle on descend par un orifice circulaire, et qu'on appelle improprement les oubliettes.

Les larges fossés qui protégeaient le château du côté de la ville sont aujourd'hui convertis en cour et en jardin.

II.

Peintures murales. Dans l'aile du nord, une chambre au premier étage, qui communiquait autrefois avec une pièce de la tour du Lion, est décorée de peintures murales fort curieuses. Les trois sujets principaux représentent une cérémonie d'hommage, un cortége, une chasse au cerf.

1o Ce premier tableau n'a pas été appelé de la sorte par les écrivains qui ont parlé jusqu'ici de ces peintures : ils l'ont appelé « un dîner », mais c'est tout au plus une scène d'aprèsdînée. Le seigneur et sa noble dame sont debout devant une table sculptée, sur laquelle on aperçoit quelques plats vides. Derrière eux, et à l'angle de la table, à gauche du spectateur, on voit des pages et des officiers du château; à droite, vassal présente, en s'inclinant, une fleur à son suzerain, et semble lui rendre l'hommage. Dans le fond du tableau, d'autres vassaux, à côté d'un majordome, semblent attendre le moment d'être présentés, et de rendre l'hommage à leur tour.

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2o Ce qui domine dans « le cortége » c'est un chariot couvert, peint en rouge cramoisi, espèce d'omnibus ouvert par les côtés, dans lequel on peut compter sept dames, et qui est traîné par un seul cheval que monte un écuyer. Ce char est précédé, accompagné et suivi de pages et de gentilshommes à pied ou à cheval. Un piqueur chevauche en tête du cortége, sonnant de

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