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piteaux, la simplicité du plan, et je ne sais quelle rusticité dans l'ensemble, m'engagent à penser que la construction de SaintJunien est antérieure à la fin du XIe siècle (1) »

».

III.

Toutefois M. Mérimée avait fait cette observation, que les deux dernières travées du chœur du côté de l'est ne ressemblent pas exactement aux autres travées, et sont d'une construction postérieure. « A l'est du chœur, dit-il, deux piliers se distinguent des autres par des chapiteaux plus simples que les précédents, n'ayant autour de leurs corbeilles que des feuilles, ou plutôt des crochets grossièrement épannelés; en outre, les colonnes qui flanquent ces deux piliers ont une base, tandis que les autres n'en ont point. Doit-on conclure de ces légères différences que ces deux arcades du chœur sont postérieures à la première construction de l'Eglise, ou, pour parler plus exactement, postérieures aux autres arcades? L'examen de l'appareil, à l'intérieur et à l'extérieur, la décoration très-ancienne du mur oriental du chœur attenant à ces arcades, semblent se réunir contre cette supposition je n'ose cependant la rejeter tout à fait (2). »

Si M. Mérimée eût consulté les documents historiques du pays, il aurait compris la raison de ces différences, et ne serait pas resté dans son hésitation. En effet, Maleu, dans sa Chronique, rapporte que, vers l'an 1230, les deux dernières travées du chœur furent construites par Ithier Gros, diacre et chanoine de Saint-Junien, qui employa à cette destination les aumônes des pèlerins et les offrandes des autres fidèles. Le chroniqueur ajoute que, lorsqu'on posait les sculptures de la grande rose du chevet, Ithier, qui était monté sur les échafaudages, fut renversé par un coup de vent, et tomba au milieu des matériaux du chantier sans se faire aucun mal (3). Cette grande rose du chevet accuse en effet le XIIIe siècle, et les deux roues des croisillons, au nord et au sud, doivent dater de la même restauration.

M. Mérimée a donc eu raison de penser que les deux dernières arcades du chœur sont postérieures aux autres arcades. « Il a fort

(1) Notes d'un voyage en Auvergne : Saint-Junien.

(2) Id., ibid.

(3) Chronic, Comodoliac,, p. 68,

bien remarqué que les deux derniers piliers ont des bases, tandis que ceux du reste du chœur n'en ont point; mais il n'a pas remarqué que ces bases sont formées par le tore écrasé du XIIIe siècle, et cette circonstance l'eût éclairé sur la tendance aux crochets qu'il a nommément signalée dans les chapiteaux épannelés de ces colonnes orientales. Quant à la parité d'ornementation qui existe entre ces dernières travées et le reste de l'église..., il est facile de l'expliquer par une sage réserve de la part de l'architecte il a voulu continuer cette belle église, et non lui imposer une physionomie nouvelle (1). »

Voilà pourquoi la muraille orientale du choeur (à part la grande rose qui en fait l'ornement, et qui fut placée au XIIIe siècle) a conservé le caractère qu'elle avait avant ce prolongement du chevet. « Cette muraille, dit M. Mérimée, si elle n'est pas contemporaine de la construction primitive, ne peut être postérieure à la première moitié du XIIe siècle. » Elle « est percée de trois fenêtres en plein cintre, avec une rose au-dessus en forme de roue. Deux tourelles encadrent cette façade orientale, que surmonte un fronton. Le tout s'appuie sur un soubassement de peu de saillie. L'ornementation est presque nulle, ou tout au plus se réduit à quelques moulures d'un caractère byzantin (2). » En 1845, lorsqu'on répara cette dernière partie de l'église, qui menaçait ruine, on reprit les angles du chevet sur lesquels s'élèvent les deux clochetons latéraux, et on trouva dans les fondements d'un des piliers angulaires une large médaille oxydée, qui représentait un pèlerin : cette médaille, que nous avons vue, avait été déposée là en mémoire des aumônes qui furent faites par les pèlerins pour l'agrandissement de l'église.

IV.

La façade occidentale a été incontestablement remaniée au XIIIe siècle. Elle offre, au moins dans certaines parties, tous les caractères de l'architecture limousine à cette époque; il reste toutefois de l'ancienne façade de l'église romane deux baies très-étroites, qui, de chaque côté du portail, dans des niches figurées, correspondent à l'axe des collatéraux. Ce qui reste

(1) M. CH. DES MOULINS, Congrès archéologique de France, 1847, p. 389. (2) Noles d'un voyage en Auvergne : Saint-Junien.

encore peut-être ce sont les deux jolies tourelles au toit conique en pierre qui s'élèvent aux deux extrémités de la façade, et qui autrefois, comme à Notre-Dame de Poitiers, flanquaient le fronton roman. Mais le grand portail, qui est en ogive, avec arcades géminées et quatre archivoltes toriques en retrait, accuse clairement le XIIIe siècle. Il est vrai qu'au-dessus règne une corniche soutenue par de légers modillons, et surmontée d'une fenêtre cintrée, qui a figuré peut-être sur la façade romane; mais le clocher élégant à deux étages qui a remplacé l'ancien fronton est évidemment d'un style postérieur au style roman les baies, légèrement ogivales, ressemblent assez à celles du clocher de Saint-Pierre de Limoges et de la partie supérieure du clocher de Saint-Léonard, qui datent du XIIIe siècle. C'était du reste une mode de cette époque de placer un ou deux clochers au portail de l'ouest. La façade de SaintJunien, avec son élégant portail, le beau clocher qui la surmonte, les deux tourelles qui l'encadrent, est d'un style large et d'un aspect monumental.

Les savants qui ont fait une étude comparée de la tour centrale et du clocher de l'ouest ont été forcés de reconnaître que la coupole de ce dernier « se distingue de celle du transept par quelques caractères qui prouvent une ancienneté moins grande, tels que l'absence de fenêtres dans le mur octogone qui la supporte, l'ouverture ronde et non polylobée de son cerveau, et surtout le cordon en tore, et non en simple tailloir, qui forme le rebord de sa base (1) ».

.

Cette façade a-t-elle été restaurée vers l'an 1230, lorsque Ithier Gros prolongea le chevet de l'église? ou bien n'a-t-elle été remaniée que trente ans plus tard, vers l'an 1260, lorsque Aimeric de La Serre était évêque de Limoges et en même temps. prévôt de Saint-Junien? Nous adoptons cette dernière opinion, parce que, de l'avis des savants archéologues qui ont étudié le monument (2), le style ogival est plus prononcé sur la façade ouest et sur ce clocher que dans le chevet de l'église; d'ailleurs nous lisons dans la Chronique de Maleu que, l'an 1264, Pierre de Bénévent, prévôt de Saint-Junien, fit fondre une grosse cloche, baptisée sous le nom de Saint-André, qu'on devait

(1) CH. DES MOULINS, Congrès archéologique de France, année 1847, p. 386.

(2) M. Mérimée, M. Charles des Moulins, etc. (loc. cit.).

sonner aux jours de fêtes solennelles et aux enterrements de personnes notables (1) or il est vraisemblable que cette grosse cloche, destinée au clocher de l'ouest, y fut placée peu de temps après la construction de cette tour, et nous pensons volontiers qu'Aimeric de La Serre, le fondateur de la cathédrale gothique de Limoges, fit élever ce clocher vers l'an 1260, en même temps qu'il restaura la partie supérieure de la tour centrale de Saint-Junien, qui avait été abattue par la foudre (2).

:

V.

C'est dans cette tour qui surmonte le transept que se trouvaient les petites cloches, au dire de Maleu. Elle a été foudroyée plusieurs fois d'abord vers l'an 1260, puis le 11 juin 1312 (3), et enfin le 3 octobre 1405, comme on le voit dans cette note ajoutée à la chronique de Maleu : « Un samedi 3 octobre, après la fête de saint Michel, l'an 1405, vers l'heure de vêpres, une horrible tempête éclata avec tant de force que la foudre, frappant le clocher de l'église de Saint-Junien où sont suspendues les petites cloches, le fendit et le renversa dans la partie supérieure jusqu'à la longueur d'une lance, faisant tomber les boules, le coq et la croix, et jetant çà et là les pierres et les tuiles, ce qui est surprenant à entendre, mais ce qui était horrible à voir (4). »

VI.

Parmi les curiosités archéologiques que enferme l'église de Saint-Junien, nous devons citer le tombeau de saint Junien, chef-d'œuvre de sculpture romane et un des types les plus curieux de ce genre; la dalle funéraire en cuivre du chanoine Martial Fournier, mort en 1513; les débris d'un Sépulcre ou Calvaire du xve siècle, qui se trouvent dans la chapelle-basse de Saint-Martial, et enfin le maître-autel en marbre qui vient de l'abbaye de Grandmont, et dont un basrelief très-remarquable représente les disciples d'Emmaüs.

(1) Chronic. Comodol., p. 96.

(2) Id., ibid., p. 83.
(3) Id., ibid., p. 111.
(4) Id., ibid., p. 115.

L'abbé ARBELLOT.

ROCHECHOUART.

ÉGLISE PAROISSIALE.

I.

Cette église a été fondée vers le milieu du xr siècle par une colonie de moines venus de l'abbaye de Charroux, en Poitou. Elle fut consacrée, le 14 novembre 4061 ou 1067, par Hitier Chabot, évêque de Limoges, malgré l'opposition des chanoines de Saint-Junien, qui écrivirent à ce sujet au pape Alexandre II une lettre où l'on trouve de curieux détails (1).

Il ne reste de cette église romane consacrée par l'évêque Hitier que la porte principale à l'ouest, le mur du nord dans toute sa longueur, le transept et le choeur en partie.

Le chevet de l'église est carré, comme dans la plupart des églises de cette région; la nef se compose de trois travées; les croisillons du transept renferment deux chapelles, dans lesquelles on entrait autrefois par une porte cintrée.

Le portail du sud, en style ogival avec chapiteaux à crochets, et les ogives à lancettes du mur méridional de la nef accusent clairement une restauration de la fin du XIIIe siècle.

Les baies ogivales du clocher, parfaitement semblables à celleslà, indiquent encore que c'est à la fin du xí siècle que la tour octogone à deux étages a été élevée sur la base carrée du porche

roman.

(1) Cette lettre a été écrite après le concile de Bordeaux, tenu en 1068. Voir l'exposé des faits et le texte de cette lettre dans nos Documents historiques sur la ville de Saint-Junien, p. 139 et 253.

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