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de Moréri qu'il avait rédigés « sont pour la plupart marqués d'une petite main ». Cette assertion est-elle exacte? Nous n'oserions l'affirmer, car plusieurs articles qui sont de lui ne portent pas cette indication. Du reste on trouve dans cette lettre quelques détails sur la vie réglée et laborieuse de l'infatigable écrivain. « Il travaillait constamment chaque jour depuis quatre heures du matin jusqu'à une heure, qui était l'heure du dîner; il se promenait ensuite, et reprenait le travail à deux heures jusqu'à six heures, moment du souper il restait en famille jusqu'à neuf heures (1). » On voit par là que sa retraite dans sa ville natale était un repos plein d'occupations. Il est à regretter que sa riche bibliothèque, composée d'ouvrages rares et précieux annotés de sa main, ait été divisée et en grande partie dispersée.

L'abbé du Mabaret ne s'était pas borné à collaborer au Dictionnaire historique de Moréri: il avait envoyé à l'abbé Expilly, pour son Dictionnaire des Gaules et de la France, un mémoire dont M. Maurice Ardant possède une copie. L'abbé Expilly écrivit d'Avignon, le 17 juin 1761, aux consuls de Limoges, en leur faisant hommage des trois premiers volumes de son Dictionnaire, et en les priant de remercier les abbés de Voyon, du Mabaret et Nadaud pour les mémoires que ces savants lui avaient adressés (2).

Nous lisons en outre dans un article biographique sur l'abbé Ruben, publié par Tabaraud dans les Annales de la HauteVienne (3), que l'abbé du Mabaret avait fourni plusieurs articles sur l'histoire du Limousin à M. de Fontette pour la dernière édition du P. Lelong.

IX.

Un autre travail considérable auquel l'abbé du Mabaret avait consacré ses veilles c'était la révision du Dictionnaire de Trévoux. On sait que les Mémoires de Trévoux (revue scientifique et lit

(1) Cette lettre, en date du 6 janvier 1821, nous a été obligeamment communiquée par un petit-neveu de l'abbé Tabaraud, M. Émile Hervy, notaire à Limoges.

(2) Bulletin Archéologique, T. V, p. 71. (3) Numéro du 19 octobre 1813.

téraire fondée par les jésuites du collége Louis-le-Grand) tirent leur nom de la petite ville de Trévoux près de Lyon, où ils furent d'abord imprimés. Cette ville était alors la capitale de la principauté de Dombes, cédée à la France sous Louis XV. Un fait moins connu c'est que le Dictionnaire de Trévoux fut composé sous la direction d'un savant jésuite (sur le plan du Dictionnaire de Furetière, remanié par Basnage de Beauval, en 1701). Il eut une première édition en 1704 Trévoux, 3 volumes infolio. Une seconde édition, dirigée par le P. Étienne Souciet (1), parut en 1724, 5 volumes in-folio, et fut réimprimée plusieurs fois. Une troisième édition fut donnée par Restaut, en 1743, 6 volumes in-folio.

L'abbé du Mabaret contribua largement à l'édition en sept volumes in-folio qui parut, en 1752, sous la direction de M. l'abbé Berthelin (2). Les libraires associés ayant songé, en 1764, à préparer une édition nouvelle, eurent la pensée d'en confier la direction à l'abbé du Mabaret, qui avait enrichi leur Dictionnaire d'une foule d'articles intéressants. Vincent et Ganeau lui en firent la proposition; mais il se refusa à leur demande. Toutefois il promit des recherches, et tint parole.

C'est lui qui a fourni la plus grande partie des matériaux de cette dernière édition du Dictionnaire de Trévoux. Ganeau reçut de lui trois volumes in-4° de mille pages chacun, dans lesquels il marquait les retranchements, les corrections et les additions. qu'il y avait faites, et la disposition qu'il fallait y introduire. Il regardait ce Dictionnaire comme le plus riche trésor de notre langue il ne fallait, selon lui, qu'une main intelligente qui eût la liberté de faire les retranchements convenables et de mieux ordonner la plupart des articles. Cette édition, confiée à la direction de M. l'abbé Brillant, parut en 1774, en 8 volumes in-folio (3).

Mais l'abbé du Mabaret cherchait toujours à atteindre la perfection, et il y tendait par un labeur infatigable. La révision

(1) Mémoires de Trévoux, mois d'avril 1744.

(2) On lit dans la préface que « M. Berthelin a trouvé de grands secours dans les Mémoires abondants du feu P. Souciet, de M. du Mabaret, curé de Saint-Michel de la ville de Saint-Léonard, de feu M. Valdruche et de feu M. l'abbé Leclerc ».

(3) BARBIER, Examen critique, etc. - VITRAC, Annales de la HauteVienne, 14 juillet 1812.

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de ce Dictionnaire occupa les dernières années de sa vie. En 4777 il avait alors quatre-vingts ans il publia sous le voile de l'anonyme une brochure dont voici le titre : Lettre à M. le rédacteur de la nouvelle édition du Dictionnaire de Trévoux : à Amsterdam et à Paris, chez Clousier, in-8° de 36 pages. Dans cette lettre, qui est très-curieuse et très-rare aujourd'hui, il exposait le plan qu'il avait conçu pour l'amélioration de ce Dictionnaire.

La Feuille hebdomadaire de Limoges, du 25 juin 1777, emprunta à un journal de Paris un résumé de cette lettre, dont elle faisait connaître l'auteur.

Le manuscrit qui renfermait ses remarques pour la révision de ce Dictionnaire formait huit gros volumes in-4°. Malheureusement l'édition de 1771 a été la dernière, et ses travaux pour l'amélioration de ce grand ouvrage sont restés sans emploi. M. Mabaret du Basty écrivait, en 1824, à l'abbé Tabaraud, qu'il avait chez lui ces huit volumes; mais depuis, la plupart se sont perdus, par suite de partages de famille. Nous avons pu toutefois en retrouver trois (1), au milieu de vieux livres et de divers manuscrits épars dans un grenier poudreux. C'est là le dernier jet de sa plume : l'écriture fatiguée accuse la main tremblante d'un vieillard.

X.

Depuis quelque temps il s'était démis de sa cure de SaintMichel (2). Seul avec Dieu et ses livres, il consacra ses derniers jours à la prière et aux recherches savantes, ne voulant d'autres distractions que celles qu'il trouvait dans ses exercices littéraires.

Tel était chez lui le goût de l'étude que ni les infirmités de la vieillesse ni la caducité de l'âge ne purent le faire renoncer à ses utiles travaux. Il cessa d'écrire en 1783.

Voici son acte de décès, tel que nous l'avons relevé aux archives de la mairie de Saint-Léonard : « Le dix-neuf du mois

(1) Les volumes H-L, M-O, T-Z.

(2) Nous ne savons en quelle année il donna sa démission. Il était encore curé de Saint-Michel en 1760 (ms. du 12 décembre); il ne l'était plus en 1777.

de mars année susdite (1783) a été inhumé messire Joseph du Mabaret, communaliste de cette ville, ancien curé de SaintMichel, décédé la nuit précédente en la présente ville, rue de la Place (1), muni des sacrements, âgé de quatre-vingt-six ans (2) ».

M. l'abbé Vitrac avait publié une courte notice sur l'abbé du Mabåret, en 1783, dans la Feuille hebdomadaire de Limoges (3); M. Charles Weiss, le savant bibliothécaire de Besançon, lui a consacré quelques lignes dans la Biographie universelle; — aidé par les circonstances, nous avons voulu écrire une Notice biographique plus étendue sur ce savant compatriote qui a tant de droits à la renommée; nous avons voulu rappeler ses titres, de peur qu'un « ingrat oubli » ne vînt obscurcir sa mémoire, « Ne volumine temporum ingrata subrepat oblivio (4) ».

L'abbé ARBELLOT.

(1) Dans une maison récemment démolie.

(2) « Ont assisté au convoi : MM. Léonard Michelon du Mabaraud, Charles Teyxonnière, qui ont signé avec moi. VEYRIER DE MALEPLANE, chanoine-curé. »

(3) Numéro du 16 avril : reproduit en partie dans les Annales de la Haute-Vienne, 14 juillet 1812.

(4) S. August., De civitate Dei, lib. X, cap. III.

RAPPORT

SUR LA

PUBLICATION DU NOBILIAIRE

LU A LA RÉUNION DE FÉVRIER 1866

La publication du Nobiliaire du diocèse et de la généralité de Limoges, entreprise en 1856, était arrivée à la 72o page du second volume lorsque la mort de l'éditeur, M. l'abbé Roy de Pierrefitte, curé-doyen de Bellegarde (Creuse), est venue l'interrompre. En continuant ce travail, dont nous avons été chargé par la Société Archéologique dans sa séance du 28 avril 1865, nous croyons utile de vous parler de cette importante publication, et d'abord de son éditeur, que la mort nous enlevait il y a aujourd'hui un an.

I.

Jean-Baptiste-Louis Roy de Pierrefitte naquit à Felletin, petite ville du département de la Creuse, le 29 août 1819. Son père, Antoine-Victor Roy de Pierrefitte, avait servi avec gloire pendant les grandes guerres de l'empire; sa mère, Louise Bouchardy, porta à sa première éducation tous les soins qu'une tendre mère prend pour l'aîné de ses enfants.

Il fit ses études au petit-séminaire de Felletin, où il se fit

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