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cultés. Quand je serai plus libre, je pourrai m'étendre plus au long là-dessus et sur les autres points. Je suis cependant obligé au savant qui vous a communiqué ces remarques. Je m'en tiendrai à la maxime dont j'ai parlé dans ma préface: Refelli sine iracundia, et refellere sine pertinacia (1).

VI.

En 1735, l'abbé du Mabaret eut la douleur de perdre son frère Joseph, qui était avocat au parlement. Les besoins d'une famille privée de son chef le rappelèrent à Saint-Léonard. Il sacrifia ses goûts pour la carrière qu'il avait embrassée; il quitta la compagnie de Saint-Sulpice et sa chaire de théologie à l'université d'Angers pour aller au secours d'un neveu encore enfant, à qui il fallait donner une bonne éducation.

Il fut pourvu à Saint-Léonard de la cure de Saint-Michel (2), petite paroisse où le ministère pastoral, très-restreint, lui permettait de se livrer à ses goûts pour l'étude. Nous trouvons un acte manuscrit du mois de mars 1737 dans lequel il est désigné comme curé de Saint-Michel. Mais laissons ici la parole à l'abbé Vitrac :

<< Pourvu dans sa patrie de la cure de Saint-Michel, Mabaret fut le conseil, le confident, l'ami, le père de ses paroissiens. Quiconque est passionné pour les sciences est presque toujours modéré dans ses désirs. Ce très-petit bénéfice remplit ceux de notre savant compatriote. Il est à présumer que les distributeurs des grâces ecclésiastiques, plus attentifs que lui-même à ses intérêts, lui offrirent des places plus dignes de ses talents, et

(1) CICERO, lib. II, Quest. Tuscul., init.

(2) La cure de Saint-Michel était une petite paroisse située dans la ville de Saint-Léonard. Les services religieux se faisaient, croyonsnous, dans une chapelle latérale de la nef de l'église, occupant l'emplacement de la sacristie récemment construite. Nous pensons que la paroisse se composait des habitants d'un faubourg situé à l'est de la ville. La tradition de cette paroisse est presque perdue aujourd'hui. Nous lisons dans une lettre adressée à l'abbé Tabaraud par M.. du Basty, maire de Saint-Léonard et petit-neveu de l'écrivain : « Cette petite paroisse de Saint-Michel se composait d'environ cent habitants de la classe la plus pauvre, et son revenu (le casuel sans doute) ne suffisait pas pour l'entretien du pain et du vin de l'autel. » (6 janvier 1821.)

que, content de l'aisance qu'il trouvait au sein de sa famille, il ne crut pas devoir les accepter (1). »

Pendant qu'il était curé de Saint-Michel, il fit paraître dans les Mémoires de Trévoux quatre savants articles que nous devons signaler:

1° Mémoire sur la vie et les ouvrages de messire du Plessis d'Argentré, évêque de Tulle (2).

Dans cet article il fait la biographie du savant prélat, et donne un catalogue très-complet de ses ouvrages. Nous y avons remarqué les détails suivants : « A voir son assiduité à l'étude, on aurait dit qu'il ne faisait qu'étudier, et que l'ôter de là c'était l'ôter de son centre et lui faire violence; à voir le soin qu'il prenait de son diocèse, on aurait cru qu'il ne faisait rien plus, et qu'il ne pensait pas même à autre chose » (p. 232).

<< Tous les vendredis de l'année, il faisait manger à sa table un pauvre de l'hôpital. Ce seul trait fait voir et le cas qu'il faisait des misérables et jusqu'où allait sa charité » (p. 234).

2o Mémoires historiques sur la vie et les ouvrages de M. l'abbé Babin, doyen de la faculté de théologie d'Angers (3).

L'abbé Babin est le principal auteur des Conférences d'Angers. On lui doit les dix-huit premiers volumes de l'édition en gros caractères de cet ouvrage de théologie, très-estimé et trèsrépandu au dernier siècle, et réimprimé de nos jours par Mgr Gousset, archevêque de Reims. Le dernier ouvrage de l'abbé Babin, Sur les Bénéfices, parut en 1734. Personne n'était plus capable d'écrire la biographie du savant conférencier que l'abbé du Mabaret, son collègue à Angers pendant quinze ans. 3o Réponse à un article des NOUVELLES LITTÉRAIRES du journal de Trévoux du mois d'octobre dernier (1745), p. 1896.

Dans cet article (4), l'abbé du Mabaret répond à un écrivain anonyme d'Angers qui avait contredit quelques-unes de ses assertions sur l'abbé Babin, et il ajoute de nouveaux traits qui complètent la biographie de ce théologien célèbre.

4o Dissertation où l'on examine de quel point les Israélites prenaient

(1) L'abbé VITRAC, Feuille hebdom., 16 avril 1783. Haute-Vienne, 14 juillet 1812.

(2) Mémoires de Trévoux, février 1743.

(3) Ib., octobre 1743, art. LXXVII, p. 2575.

(4) Ib., avril 1746, 2e vol., p. 917-929.

Annales de la

le commencement de leurs jours au temps de l'institution de la Pâque (1).

A quel moment de la journée les Israélites prenaient-ils le commencement du jour de 24 heures? Était-ce à minuit, comme nous le faisons? était-ce au lever ou au coucher du soleil? question curieuse et pleine d'intérêt, que l'abbé du Mabaret traite dans cet article.

Il est certain que les jours de fête, chez les Juifs, commençaient le soir, suivant les prescriptions mosaïques : A vespera usque ad vesperam celebrabitis sabbata vestra (Levit., XXIII, 32); les jours de la création commençaient le soir « Et du soir au matin se fit le premier jour » (Gen., c. I). Comme les ténèbres avaient précédé la lumière, la première nuit et le premier jour artificiel composèrent le premier jour naturel.

Les prières, chez les Hébreux, commençaient le soir (Ps. LIV, 18); les jeûnes se terminaient au coucher du soleil (Judic., XX, 26; II Reg., I, 12); les jours de fête allaient d'un soir à l'autre. Telles sont les savantes conclusions de cet article.

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VII.

Le travail le plus considérable auquel l'abbé de Mabaret se soit livré pendant sa longue carrière c'est la révision, c'est-àdire la correction et l'augmentation du Dictionnaire historique de Moréri. On sait que ce Dictionnaire, composé d'abord de deux volumes in-folio, s'augmenta successivement dans les éditions. suivantes, données, après la mort de Moréri, par Jean Le Clerc, Dupin, etc. L'abbé du Mabaret collabora très-activement à l'édition de 1732, publiée en six volumes in-folio par l'abbé Goujet, ainsi qu'aux suppléments de 1735 et 1749 que donna le même écrivain, et qui se composaient chacun de deux volumes in-folio. On lit en effet dans l'article Moréri de la dernière édition de ce Dictionnaire, revue et publiée par Drouet en dix volumes · in-folio « M. l'abbé du Mabaret, curé de Saint-Michel de la ville de Saint-Léonard, a aussi fourni des corrections et additions dont M. l'abbé Goujet a fait usage dans l'édition de 1732 et dans ses suppléments (2) ».

:

(1) Mémoires de Trévoux, octobre 1746, IIe vol., col. 2248-2275. (2) Dictionnaire historique, édition 1759, art. Moréri.

Il faut dire que l'abbé Goujet ne rendit pas justice à l'abbé du Mabaret pour la savante coopération que celui-ci avait donnée au Dictionnaire historique, et voici comment notre compatriote s'en plaignait dans une note manuscrite qui rappelle les fameux vers de Virgile — Sic vos non vobis, note qu'on trouve sur un

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exemplaire du supplément de 1735 (1):

« Les éditeurs de la dernière édition de Moréri et de ce supplément ne m'ont guère rendu justice. J'ai fourni un nombre prodigieux de corrections et d'additions, qui ont été insérées mot à mot tant dans l'édition de 1732 que dans ce supplément, et cependant dans la préface de l'édition de 1732 il n'est pas plus fait mention de moi que si je n'avois en rien contribué à sa perfection, et dans le supplément, pour tout tribut, on se contente de me mettre le troisième et le dernier de ceux qui ont communiqué leurs recherches sur les illustres d'Anjou, ce qui n'étoit que la plus mince partie de mon travail. Ce n'est pas bien agir. L'éditeur s'est acquis assez de gloire pour son travail personnel sans dérober le peu d'honneur qui peut revenir aux autres. >>

Malgré l'injustice qu'on avait commise à son égard, l'abbé du Mabaret ne se découragea pas: il porta ses vues sur l'édition à venir, et ne se proposait rien moins que la refonte de tout l'ouvrage. Il proposa ses vues à l'abbé Goujet, qui lui répondit, le 19 décembre 1745 « J'ai lu votre manuscrit. J'approuve vos vues pour la perfection du Dictionnaire historique. Vous démontrez la nécessité de la refonte de l'ouvrage; mais ma Bibliothèque française m'occupe tellement que je ne crois pas pouvoir me charger de cette opération. En remettant votre manuscrit aux libraires, je les exhorterai à faire travailler sur ce plan. » L'édition parut en 1759, par les soins de Drouet, en dix volumes in-folio. Elle ne remplit pas les espérances de l'abbé du Mabaret il se dévoua à la révision de cet ouvrage. Il y travailla si assidûment, depuis 1763 jusqu'en 1773, qu'il en rédigea les articles par ordre alphabétique de manière à former six gros volumes in 4. Son neveu, M. Jacques du Mabaret du Basty, les remit cette année entre les mains de la veuve Desaint, dont la librairie était si célèbre à cette époque. Mais l'édition projetée ne vit pas le jour.

:

(1) Cet exemplaire fait partie de la riche bibliothèque de M. l'abbé Tandeau de Marsac.

Plus tard, le manuscrit de l'abbé du Mabaret fut acquis par M. Barbier, bibliothécaire du roi, qui en publia plusieurs articles (1) dans son Examen critique ou Complément des dictionnaires historiques les plus répandus, 1er volume in-8 (le seul paru): Paris, juin 1820.

M. Barbier dit dans son introduction: « J'ai cru le moment actuel favorable pour présenter les avantages et les inconvénients des Dictionnaires que je viens de passer en revue, à commencer seulement par le Dictionnaire de Moréri, édition de 1759 pour celui-là, les remarques seront moins de moi que d'un homme qui a passé trente années d'une vie laborieuse à l'examiner dans tous ses points, et qui est cité à l'article Moréri pour les articles qu'il avait fournis précédemment à l'abbé Goujet cet homme est l'abbé du Mabaret.... Ses remarques manuscrites forment six gros volumes in-4, d'où j'extrairai seulement quelques passages relatifs à des hommes célèbres » (p. VII, VIII).

Après avoir vainement cherché ce manuscrit à la Bibliothèque impériale de Paris, nous avons appris, par une lettre de M. Louis Barbier, fils de l'ancien bibliothécaire du roi, aujourd'hui conservateur-adjoint à la Bibliothèque impériale du Louvre, que ces six volumes manuscrits, in-4, font aujourd'hui partie de cette dernière bibliothèque (2). Ils ont pour titre : Mémoire pour servir à la future édition du Dictionnaire de Moréri. Il est à croire que cette future édition ne verra jamais le jour.

VIII.

Si nous en croyons une lettre écrite en 1824 à l'abbé Tabaraud (3) par M. Mabaret du Basty, maire de Saint-Léonard, petit-neveu de l'abbé du Mabaret, les articles du Dictionnaire

(1) Citons en particulier: Acichorius, Adam, Adémar de Chabanais; Anchanterus (Claude), saint Austremoine, Barthélémy (Nicolas), Bauhuis (Bernard), le marquis de La Chétardie, saint Damase, Delaudun (Pierre), Pérusse d'Escars, Flemming (Jacques-Henri, comte de), Frain du Tremblay, etc.

(2) Lettre du 19 janvier 1865.

(3) Il paraît par cette lettre que l'abbé Tabaraud avait eu la pensée d'écrire la biographie de l'abbé du Mabaret.

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