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Un de ses ancêtres, Jean de Verneilh était, en 1600, sieur de L'Age et co-seigneur de Nexon. Son aïeul, le baron Joseph de Verneilh, alla s'établir près de Nontron (1) par son mariage avec Christine de La Vallade, héritière du domaine de Puyraseau. Après avoir été député de la Dordogne à sept législatures, préfet de la Corrèze et du Mont-Blanc, président de chambre à la Cour royale de Limoges; après avoir rédigé un projet de code rural, la Statistique du Mont-Blanc, M. de Verneilh-Puyraseau avait consacré les dernières années de sa vie à écrire, en trois volumes pleins d'érudition, l'Histoire et la Description de l'Aquitaine. M. Félix de Verneilh avait hérité des goûts savants de son aïeul.

Il fit ses études au lycée de Limoges, et les termina à Paris. A seize ans, il suivait les cours de l'école de droit, et en même temps il cultivait et développait le goût inné et le penchant héréditaire qui le portaient aux travaux historiques et archéologiques. En 1839, entre deux examens de l'école de droit, il entreprit seul son premier pèlerinage archéologique à Amiens et à Beauvais, pour y étudier ces monuments célèbres dont il a eu souvent l'occasion de s'occuper depuis.

C'est dans le journal l'Univers, alors rédigé par Louis Veuillot, que M. de Verneilh fit imprimer ses premiers essais. Il y publia quelques feuilletons archéologiques, dans lesquels son talent précoce commençait à se révéler. Il n'avait alors que dix-neuf ans!

Vers cette époque, il contracta avec MM. Didron et le baron de Guilhermy une liaison qui ne fit que se resserrer par la suite c'est avec eux, avec le regrettable M. Lassus, qu'il fit beaucoup d'excursions du même genre, d'abord à Paris et aux environs, puis à Reims, à Chartres, à Rouen, à Senlis, à Soissons, Laon, etc.

Avec de pareils guides, avec des spécimens aussi complets de l'art chrétien, M. de Verneilh fut bientôt initié à la terminologie et à la science archéologiques, et il y fit de rapides progrès. L'archéologie avait d'autant plus d'attrait qu'elle était alors à son berceau tout était neuf dans ce vaste champ ouvert aux intelligences. 11 s'éprit pour cette science nouvelle d'un zèle et d'une ardeur qui ne se sont jamais ralentis.

(1) Nontron faisait partie de la province du Limousin avant la révolution.

III.

Dès cette époque, M. de Verneilh, qui utilisait ses séjours en province par des études archéologiques sur les monuments du voisinage, fut frappé de la ressemblance qu'offrait Saint-Front de Périgueux avec les gravures qui représentent Saint-Marc de Venise. Il reconnut également l'existence dans la Dordogne et les départements voisins de toute une série de monuments byzantins à coupoles. L'idée mère de l'ouvrage le plus considérable qu'il ait publié germa dès lors dans son esprit : il prit acte de ses premières découvertes, et exposa le plan d'un ouvrage étendu sur l'Architecture byzantine en France dans une Notice adressée au Comité des Arts et Monuments, et imprimée, en 1840, dans le premier volume du Bulletin publié par ce Comité.

A partir de ce moment, et pendant qu'il remplissait, grâce à de petits voyages, parfois infructueux, le programme qu'il s'était tracé, M. de Verneilh fit diverses communications au Comité des Arts, dont il fut correspondant jusqu'à sa réorganisation, en 1848.

Lorsque M. Didron créa, en 1844, les Annales archéologiques, M. de Verneilh, tout jeune encore, se trouva parmi les fondateurs de cette savante revue (1).

IV.

Il y a publié de nombreux mémoires, formant deux séries distinctes.

La première est relative à l'origine française de l'architecture ogivale (2). Il faut y rattacher deux articles sur la véritable signification du mot ogive (3), et sur les épures ou dessins de grandeur d'exécution gravés sur les terrasses de la cathédrale de Limoges (4). Les mêmes idées ont été appliquées à l'histoire du plus glorieux monument de l'Allemagne, dans une étude archéologique

(1) Nous avons puisé une partie des détails qui précèdent dans l'Annuaire de l'Institut des Provinces, année 1861, p. 489.

(2) Annales archéologiques, T. III, p. 1 et 156.

(3) Ibid., T. I, p. 208.

(4) Ibid., T. VI, p. 139.

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sur la cathédrale de Cologne, où M. de Verneilh établit nettement la parenté de cet édifice non-seulement avec la cathédrale d'Amiens, mais avec celle de Beauvais et avec la Sainte-Chapelle de Paris (1).

Ce travail, complété par deux lettres de M. le baron de Roisin et de M. S. Boisserée, a été tiré à part, et forme sous ce titre : la Cathédrale de Cologne, une splendide brochure de 80 pages in-4°, avec plusieurs gravures sur acier (2).

Dans cet ouvrage, M. Félix de Verneilh a mis en relief une importante conclusion: c'est que le système ogival est né à Paris, ou près de Paris, dans l'Ile-de-France, vers le dernier tiers du XIIe siècle. Par cela même il a réduit les étrangers à leur rôle de copistes ou d'imitateurs. « Grand nombre d'écrivains, d'après un savant illustre, M. Boisserée, voulaient voir dans la cathédrale de Cologne le prototype, le modèle inspirateur des édifices en ogive. Cet édifice colossal a été, malgré son étendue, replacé à un rang secondaire. Son chœur, la partie ogivale la plus ancienne, reproduit la disposition et même l'ornementation des chœurs d'Amiens, de Beauvais, de Limoges, et ces édifices leur sont presque tous antérieurs (3). » Parallèlement à ses recherches sur l'architecture ogivale religieuse, M. de Verneilh publia, de 1846 à 1848, une seconde série d'articles sur l'architecture civile du moyen âge dans le sud-ouest de la France, et notamment sur les villes neuves du XIIIe siècle à plans réguliers et uniformes qui se trouvent en si grand nombre dans cette région de la France (4).

Cette série s'était successivement accrue et complétée en 1856 et 4860 par quatre articles sur les ponts, les fontaines et autres. travaux d'utilité publique (5). M. F. de Verneilh se proposait de réimprimer ces articles avec des documents et des dessins inédits, et d'en faire un volume de 200 pages, entièrement consacré à l'architecture civile du sud-ouest de la France.

Dans les Annales archéologiques, M. de Verneilh a publié plus tard: Un compte-rendu du grand ouvrage de M. le comte Melchior de Vogué sur les églises de la Terre-Sainte (6);

(1) Annales archéologiques, T. VII, p. 57 et 225 ;

(2) Paris, chez Didron, 1848.

(3) L'ABBÉ TEXIER, Bullet. archéol., T. IV. p. 22.

T. VIII, p. 117.

(4) Annales archéologiques, T. IV, p. 171-174; — T. VI, p. 71–88; — T. X,

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Le Style ogival en Italie (1) cet article devait avoir une suite, qui n'a pas été imprimée;

L'Art du moyen âge et des causes de sa décadence; réponse à M. Renan (2) cet article a été tiré à part, et un savant rédacteur du journal le Monde, M. Léon Gautier, en a fait un compterendu dans le numéro du 14 octobre 1862;

Le premier des Monuments gothiques (3);

Le Style ogival en Angleterre et en Normandie (4): une série d'articles sur ce sujet a continué de paraître, après sa mort, dans les Annales archéologiques.

V.

Nous avons énuméré, pour n'avoir pas à revenir sur ce point, les divers mémoires qu'il a publiés pendant vingt ans dans les Annales archéologiques depuis 1844 jusqu'à sa mort. Reprenons maintenant les choses de plus haut.

En 1847, une circonstance heureuse vint imprimer une nouvelle activité à son zèle, et donner à son savoir un plus grand relief et un théâtre plus étendu.

Cette année, M. de Caumont présida pendant quelques jours les séances d'un congrès à Angoulême et à Limoges.

Vous connaissez, Messieurs, l'influence que M. de Caumont a exercée sur le développement des études scientifiques en province. Ce sera une des gloires du père de l'archéologie contemporaine d'avoir donné la première impulsion à ce mouvement, qui a eu de si féconds résultats, et qui va croissant tous les jours. C'est à lui qu'un grand nombre d'archéologues doivent leur vocation; c'est lui qui, en stimulant les savants de la province; en donnant de la publicité à leurs œuvres, de la renommée à leurs écrits, de l'éclat à leur nom; en dirigeant leur activité vers un but commun; en les mettant en rapport les uns avec les autres dans ces tournois pacifiques de la science qu'on appelle des congrès, a contribué à faire naître et fleurir dans la plupart de nos départements des sociétés historiques et archéolo

(1) Annales archéologiques, livraison mars-avril 1861.

(2) Ibid., livraison mai-juin 1862.

(3) Ibid., janvier-février et mai-juin 1863.

(4) Ibid., septembre-octobre 1864 et livraisons suivantes.

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giques, où figurent de vrais savants, qui, sans son initiative, auraient consumé inutilement leur vie dans l'oubli et l'oisiveté.

M. de Verneilh parut avec honneur dans les Congrès d'Angoulême et de Limoges, où sa science précoce fut justement remarquée c'est là qu'il se lia d'une étroite amitié avec M. de Caumont et MM. Charles des Moulins et Léo Drouyn, de Bordeaux. C'est à partir de cette époque que, devenu inspecteur divisionnaire de la Société Française d'Archéologie pour la Haute-Vienne et la Creuse, puis membre de l'Institut des Provinces, il prit une part active à la rédaction du Bulletin monumental publié par M. de Caumont. Nous donnerons plus loin la liste des savants mémoires qu'il a insérés dans cet important recueil.

M. de Verneilh a publié, dans le compte-rendu du Congrès de Limoges, une étude archéologique fort remarquable sur le château de Chalusset. C'est lui qui servit de guide et de cicerone aux membres du Congrès dans la visite qu'ils firent à ces magnifiques ruines; c'est ce jour-là que nous eûmes l'honneur de lier connaissance avec notre regretté collègue et avec M. Jules de Verneilh, l'habile dessinateur qui a enrichi les ouvrages de son frère de gravures si remarquables par l'élégance et la fidélité.

VI.

L'ouvrage capital de M. Félix de Verneilh, son titre le plus glorieux aux yeux de la postérité, c'est l'Architecture byzantine en France.

C'est en 1852 que parut ce livre, auquel il travaillait depuis

dix années.

Cet ouvrage se divise en deux parties: la première est une monographie complète de Saint-Front de Périgueux; la seconde renferme une statistique de nos églises à coupoles sur pendentifs sphériques analogues à celles de l'Orient, et donne des notions sur une variété curieuse du style ogival qui paraît être née en Anjou sous l'influence des coupoles de Fontevrault. M. de Verneilh y précise et, par suite, y réduit considérablement la part faite jusqu'à lui aux influences orientales dans les origines de notre architecture nationale.

Voici, du reste, l'énoncé des chapitres :

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