Page images
PDF
EPUB

DU LIMOUSIN ET DE LA MARCHE.

Les monuments druidiques du Limousin et de la Marche servaient-ils de bornes aux anciennes peuplades gauloises?

Dans une Note sur les dolmens et les menhirs du Poitou, M. de Longuemar faisait remarquer au Congrès scientifique de Limoges, en 1859, que « la disposition de ces monuments en série orientée, et, à peu de chose près, parallèle à la plus grande partie du cours du Clain, pouvait faire penser qu'elle indiquait une frontière sacrée de la Gaule primitive, posée entre deux tribus importantes, et que la restitution de ces chaînes de pierres druidiques sur nos cartes locales pourrait, dans cette hypothèse, amener la reconstruction de la plus ancienne carte nationale de France ».

C'est à cette intéressante question que, depuis cette époque, et sous la direction de l'habile archéologue poitevin, M. l'abbé Rougerie et moi avons consacré de longues et nombreuses recherches. Retrouver le territoire qu'occupaient ces peuplades à peines connues, le circonscrire dans ses véritables limites, et dresser ainsi une carte de la Gaule antérieure à notre ère était un bien beau projet, capable de faire supporter les excursions les plus difficiles.

Dès le début, le succès sembla nous sourire aussi M. le président de la Société des Antiquaires de l'Ouest m'écrivait-il le 14 février 1860 « Courage donc et persévérance! Nous arriverons, comme une glorieuse pléïade, à l'extrémité de notre

[ocr errors]

orbite si le bon sens peut fermer les courbes que nous all décrire. »

Nous nous sommes partagé le travail, et chacun de nou pris en particulier un département pour y faire l'essai de nouveau système.

M. l'abbé Rougerie, le premier, a publié, dans le tome X Bulletin de la Société Archéologique du Limousin, des Recherch sur les limites des peuplades gauloises dans la Haute-Vienne, trava qui serait assurément ce qu'il y aurait de plus décisif dans cet question si les matériaux qui lui ont été fournis par nos hist riens et nos géographes étaient de bon aloi.

J'avais fait un semblable travail pour le département de Creuse. En utilisant tous les monuments druidiques, tous le noms de lieux significatifs; en m'aidant des accidents d terrain, j'étais parvenu à circonscrire le pays qu'auraier habité les Cambioviscenses, dont Chambon serait le centre Bourganeuf et Soubrebost, avec ses magnifiques rochers, oc cupaient le centre d'une seconde peuplade, et tout le nord-oues du département en était une troisième.

Comme j'avis promis ce travail, je fus obligé de le donner. 1 a été communiqué à la Société des Antiquaires de l'Ouest; mai je le terminais en faisant observer qu'il était loin de me satisfaire, et que j'hésitais encore entre une conclusion affirmative ou négative. La principale raison qui portait ainsi l'indécision dans mon esprit était que les monuments en question, et surtout les noms de lieux qui indiquaient des limites, se trouvaient également répandus sur toute la surface du pays.

Les nombreuses recherches et les nouvelles décourvertes que j'ai faites depuis dans nos contrées n'ont fait que me confirmer dans cette idée que les monuments dont il s'agit ici sont insuffisants pour retrouver les limites des anciens habitants de la Gaule. Aussi les conclusions de la thèse imprimée au tome X du Bulletin de notre Société se trouvent maintenant inexactes : 1° par la découverte de plusieurs monuments druidiques qui n'étaient pas alors signalés; 2o par la certitude acquise que plusieurs des monuments indiqués par différents auteurs, et qui ont servi de bases pour former ces conclusions, n'ont jamais existé; 3o parce que les noms de lieux emportant avec eux l'idée de limite sont également répandus sur toute la surface du pays.

M. de Longuemar, qui le premier avait émis cette idée certai

nement attrayante, a dit ensuite au Congrès scientifique de Bordeaux : « Un certain nombre de monuments et de lieux dits, parmi lesquels il faut ranger les dolmens, les menhirs, les tumuli, les oppida et les plus vieux souterrains-refuges, ne nous ont pas paru s'assujettir d'une manière suffisante aux plus anciennes limites que l'histoire ou la tradition nous ont permis de distinguer dans notre contrée ».

Aujourd'hui la question paraît donc résolue négativement.

Qu'il faille totalement abandonner cette idée de retrouver les limites des peuplades gauloises en se servant des monuments druidiques et des noms significatifs que certaines localités conservent encore, je ne le crois pas; mais d'abord il y a un triage essentiel à faire.

Ces monuments sont de deux sortes les dolmens et les menhirs. Le dolmen, énorme pierre en forme de table portée par un nombre plus ou moins grand de supports, recouvre toujours un tombeau (1); le menhir, pierre longue, solidement fichée en terre par une de ses extrémités, et portant souvent de nos jours le nom de borne, haute-borne, etc., ne recouvre jamais de tombeau (2).

J'ai dit à dessein que les monuments druidiques étaient de deux sortes, car ce qu'on a souvent appelé demi-dolmen n'est autre chose qu'un dolmen dont un des supports, brisé, a laissé pencher la table jusqu'à terre, ou encore, ce que j'ai rencontré plusieurs fois, c'est un monument naturel.

Quant aux pierres branlantes, elles sont généralement le résultat de dénudations diluviennes, qui ont détruit la partie friable qui formait la base de la roche aujourd'hui mobile. Il faut remarquer au sujet de ces sortes de roches que le druidisme

(1) Tous les dolmens explorés par les membres de la Société des Antiquaires de l'Ouest (DE LONGUEMAR, Notice sur une série de dolmens). 52 dolmens fouillés par M. Delpon de Livernon dans le Quercy (RICHARD ET HOQUART, Guide de l'étranger), ceux que j'ai fouillés moi-même en Limousin, n'ont pas encore fourni d'exception.

(2) Le menhir d'Aigny (Côte-d'Or) passe dans tout le pays pour une très-ancienne limite. (RICHARD ET HOQUART.) Le menhir de Lafolie, même département, porte le nom de Grande-Borne. (Idem.) — C'est encore ce nom de Grande-Borne qui désigne un menhir situé au carrefour des Quatre-Chemins, dans la Charente-Inférieure, aux confins des Santones et des Petrocorii. (Idem.) — Dans le Calvados, on indique comme limite du Bocage deux menhirs situés vers Leffard et Saint-Germain. (Idem.)

a pu les adopter, en leur attribuant une origine merveilleus et par suite une intervention de la divinité; mais on ne pe pas les ranger parmi les monuments érigés de main d'homm

De ce qui précède on peut conclure que les menhirs seul sont de véritables bornes pouvant servir à retrouver les limite des anciennes peuplades gauloises dans nos contrées. Mais il sont malheureusement en trop petit nombre pour fournir de indications précises, et encore plusieurs de ceux que l'o trouve marqués sur nos cartes et dans quelques auteurs n'on jamais existé.

Cette conclusion, développée devant les membres du Congrès scientifique de France réunis à Guéret, a obtenu l'assentiment général.

L'opinion de la Commission de la Topographie des Gaules est encore d'une grande valeur dans cette question. La voici formulée dans une lettre que j'ai reçue au mois de juin dernier : « Nous sommes convaincus comme vous que la distribution des dolmens sur la surface de la Gaule n'a aucun rapport avec les limites des peuplades gauloises. C'est une opinion qui a pu être émise un instant, mais qui, aujourd'hui qu'un plus grand nombre de faits sont connus, est insoutenable. Il est certain au contraire qu'un certain nombre de menhirs sont des bornes limitantes; mais comment les reconnaître? car beaucoup d'autres n'ont pas ce caractère, en sorte que, en suivant sur une carte la distribution des menhirs signalés jusqu'ici, on n'arrive encore à aucun résultat. Sous ce rapport, il faut savoir attendre avant de rien affirmer..... (1) ».

Il m'avait paru utile, pour me prononcer sur cette question, de visiter tous les monuments druidiques de l'ancien Limousin pour les dessiner, les décrire minutieusement, recueillir les légendes qui s'y rattachent, indiquer leur position sur une carte, en un mot faire l'histoire complète de tous les monuments de ce genre qui existent encore, sans négliger céux qui ont été détruits par une aveugle cupidité.

Au lieu de reproduire ici les longues descriptions et les légendes qui doivent accompagner les dessins de ces monuments, je me contente d'en dresser une simple liste, où j'insère toutefois les localités qui portent le nom de Pierrefitte ou Pierrelevée,

(1) Lettre de M. Alexandre Bertrand, secrétaire de la Commission.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Mailhac...

[blocks in formation]

Dolmen renversé près le village de La Vaudelle. Autre dolmen près le Peux-de-la-Tâche. St-Martin-le-Mault..... Menhir au village de La Paulme (?). St-Sulpice-les-Feuilles.. Dolmen au village de Virvalais.

[blocks in formation]

St-Just....

Dolmen près la route de Razès.
Village de Pierrefitte.

St-Bonnet-la-Rivière.... Village de Pierrefiche.

« PreviousContinue »