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«Fait à la citadelle de Dunckerque, ce onziesme de « juin mil six cent quatre-vingt-douze. Signé : André de « GUEZ (1).»

Ce même testament, parmi plusieurs autres legs religieux, en contient deux autres dont je ne devrais pas m'occuper pour le moment, mais que je ferai connaître néanmoins, parce qu'ils prouvent qu'il était héréditaire parmi les membres de la famille Guez de ne pas oublier les pauvres dans la distribution de leur patrimoine :

<«< Je donne à l'Hôpital-Général de la ville d'Angou<«<lesme trois mille livres, et aultant à celuy de Notre

Dame-des-Anges de ladite ville, que mes héritiers leur « donneront en argent ou en partie des rentes les meil«<leures et les plus exigibles qui me sont restées de la suc«cession de mes père et mère. Veux aussy qu'une fois la << semaine, pendant vingt ans, tous les pauvres qui se« ront pour lors auxdits deux hôpitaux et autres person«< nes disent un de profundis pour le repos de mon âme.»>

Je reviens à la maison de la paroisse de Saint-Paul. J'ai sous les yeux deux petits Mémoires à consulter, ni signés, ni datés, mais écrits vers 1708 et 1709, adressés par les dames Carmélites à MM. les Docteurs de Sorbonne, et relatifs à une difficulté qui s'était élevée entre ces religieuses et la veuve du donateur (2). Le testament, comme on l'a vu, laissait à Mme de Balzac le droit d'entrer dans la maison toutes les fois qu'elle le voudrait,

(1) Archives départementales de la Charente, lettre H, liasse 514, n° 2.

(2) Archives départementales de la Charente, lettre H, liasse 514, no 4 et 5.

ainsi que d'y avoir une chambre et autre commodité pour s'y loger tout autant de fois et tout aussi longtemps qu'elle le voudrait; mais Mme veuve de Balzac prétendait y avoir plus qu'un droit d'entrée et de sortie, ou de logement temporaire; son contrat de mariage lui disait que, dans le cas où elle survivrait à son mari, elle aurait à choisir son hébergement dans la belle maison de la campagne ou dans celle de la ville, et c'était pour cette dernière que s'était décidée Mme veuve de Balzac. Il y avait en effet déjà plus de dix-sept ans que son mari était décédé, et elle n'avait point encore abandonné la maison. Bien plus, cette dame riche, puissante et pieuse, dit l'un des petits Mémoires, en avait fait une manière d'hôpital, où elle retirait toutes sortes de filles et femmes pauvres, pour le seul plaisir de les loger, ce qui ne manquait pas de causer beaucoup de dégradations dans la maison léguée aux Carmélites. J'ignore du reste si Mme veuve de Balzac, qui ne dut pas tarder à mourir, continua de l’habiter jusqu'à son décès; toujours est-il que les religieuses ne s'installèrent point dans ce logement, qui pourtant leur avait été donné dans l'intention de leur procurer une habitation commode. Privées des fonds considérables qui leur auraient été nécessaires pour le convertir en communauté, elles conservèrent leur ancien domicile, et se contentèrent de louer la maison qui leur avait été léguée, se facilitant ainsi le paiement de la rente de deux cents livres à l'hôpital de Ruffec, qui, on l'a vu plus haut, leur avait été imposée par le testament du seigneur de Balzac.

Je trouve un acte, reçu par Bernard et Filhon, notaires royaux à Angoulême, et daté du 11 avril 1736, par lequel les religieuses Carmélites reconnaissent que cette même maison avec ses dépendances est mouvante de mes

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sire Jean de La Rochefoucauld, chevalier, seigneur de Momont, Maignac, Barro (sic) et autres lieux, comme engagiste du domaine du roi, au devoir de onze sols huit deniers de rente seigneuriale, somme égale à celle mentionnée dans l'acte d'aveu de Guillaume et François Guez, et payable, comme cette dernière, à chaque jour de fête de Saint-Michel. Les confrontations, que je vais transcrire, sont également les mêmes que dans l'acte du 27 janvier 1644, et il n'y a pour ainsi dire de changé, dans les termes du nouvel acte, que les noms des possesseurs des propriétés voisines, lesquelles avaient aussi passé dans de nouvelles mains:

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«< Par devant les notaires royaux à Angoulême soussignés, ont été présents les dames prieure, sous-prieure, première et seconde dépositaires du couvent des dames religieuses Carmélites de cette ville d'Angoulême, les« quelles ont reconnu et reconnaissent par ces présentes posséder une maison, cour et jardin et dépendances, << ensemble une place qui est au devant de ladite maison, <«< située en cette ville d'Angoulême, paroisse de Saint« Paul, le tout ayant ci-devant appartenu à deffunt mes<«<sire André de Guez, chevalier, seigneur de Balzac, «< gouverneur de la citadelle de Dunkerque, et par lui lé«gué au couvent desdites dames par son testament du «< onze juin mil six cent quatre-vingt-douze.

« Confrontant ladite maison, cour et jardin, par le de« vant et par un bout, à ladite place et à la rue (1)par la

· (1) La partie inférieure de la place des Prisons et le rempart étaient alors tellement resserrés qu'on leur donnait le nom de rue,

« quelle on descend de l'église de Saint-Paul à l'ancienne «porte de Chandes, à main droite;

« Sur le derrière, au jardin et bâtiments du sieur Bois« seau, avocat, une petite rue entre deux, au jardin du <«< sieur de La Touche de Chaix, et aux maison, et bâti« ments et écurie du sieur de Villautreys et autres (1).

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« Et par le bout, où il y a une porte d'entrée, à la pe

(1) Je répéterai ce que j'ai dit plus haut (page 21), que je n'ai trouvé aucun titre un peu ancien sur les maisons désignées dans cet acte d'aveu. Je ferai seulement observer que la maison, portée ici comme appartenant au sieur de Villautreys (ou Villoutreys), est la même que celle qui, d'après les confrontations de l'acte du 27 janvier 1644, était la propriété des hoirs de Jacques Laîné, c'est-àdire des Villoutreys, par suite de l'alliance contractée dès 1625 entre Jacques de Villoutreys et une demoiselle Laîné. Il ne faudrait donc pas chercher ailleurs la maison où Louis XIV encore enfant logea, depuis le 25 jusqu'au 28 juillet 1630, lorsqu'on le menait à Bordeaux pour essayer d'apaiser les frondeurs par sa présence. Nous savons en effet que cette maison appartenait à M. de Villoutreys, et qu'elle était située dans la paroisse Saint-Paul, près la Petite Halle (aujourd'hui place Marengo). C'est peut-être la même qui est mentionnée dans les confrontations d'un acte de bail du 17 avril 1775, que je citerai plus loin (page 33), comme étant celle du sieur Dumontet, procureur au siége présidial d'Angoulême. M. Édouard de Livron en est actuellement le propriétaire. J'avais cru jusqu'ici, avec plusieurs personnes instruites, et je l'ai même imprimé (Indicateur Angoumoisin, Angoulême, 1838, in18, p. 64), que la maison de M. de Villoutreys était l'Hôtel de la Table-Royale; mais de nouveaux renseignements m'ont fait connaître que cet hôtel 'appartenait à l'illustre famille Nesmond, dont les armes se voient encore à la clef de voûte du grand escalier.

Une Lettre écrite sous le nom de Girard et conservée par Tallemant des Réaux (Historiettes, art. Balzac), nous apprend que

<< tite rue par laquelle on va de la citadelle et du derrière « de l'église de Saint-Paul à la grande rue qui conduit du « Château à la porte Saint-Martial, à main gauche.

« Et ladite place confronte d'un côté au devant de la« dite maison, d'autre côté au devant de ladite citadelle << et aux deux rues qui sont à chaque côté de ladite cita« delle, par un bout à ladite rue par laquelle on descend <«< de l'église de Saint-Paul à ladite place, et au jardin du <«< sieur Rivaud, procureur, qu'il a acquis de Messieurs « de la Maison de ville, et par autre bout aux murs de la « ville d'Angoulême... .(1). » Je trouve aussi deux quittances de la rente seigneuriale de onze sols huit deniers, l'uné du 8 avril 1736, signée de M. de Momont, et l'autre du 7 avril 1749, signée de M. d'Argence, qui avait succédé à M. de Momont en qualité d'engagiste du domaine du roi (2).

Le dernier locataire de la maison des dames Carmélites a été M. Claude Ogerdias, conseiller du Roi et maître particulier des eaux et forêts de la province d'An

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la reine-mère Anne d'Autriche, qui accompagnait son fils, ordonna à M. de Saintot, maître des cérémonies, de la loger dans la maison de M. de Balzac (c'est-à-dire de Guillaume Guez), et Tallemant des Réaux ajoute en note: « Ce n'est pas la « première fois que la Cour a occupé cette maison. » On verra en effet plus loin (pag. 41 et suiv.) que Marie de Médicis y avait déjà demeuré.

(1) Archives départementales de la Charente, lettre H, liasse 514, nos 8 et 8 bis.

(2) Archives départementales de la Charente, lettre H, liasse 514, nos 7 et 9

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