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On a toujours signalé notre cité comme le berceau de l'écrivain à qui Malherbe avait prédit qu'il serait un jour le Restaurateur de la Langue française (1). L'unanimité des biographes laissait néanmoins un doute dans l'esprit des rares personnes qui y regardent de près et n'ont pas tout-à-fait l'habitude, bien commode pourtant, de jurer in verba magistri. En effet, Guillaume Guez, le père de notre compatriote, possédait deux belles maisons, l'une à la ville et l'autre à la campagne. On sait, à ne pas en douter, quelle était cette dernière; c'était le château ou logis de Balzac, situé au milieu de la terre de ce nom (2). Mais la maison d'Angoulême occupait une position dont le souvenir ne s'était point conservé jusqu'à nos jours. On conçoit dès lors qu'il pouvait y avoir quelque incertitude sur le lieu de naissance de Balzac, qui aurait pu tout aussi bien avoir reçu le jour au château dont il portait le nom, que dans la maison de la ville. Il restait

(1) Voir la Note 3 du Tableau généalogique de la famille Guez de Balzac.

(2) Ce château ne conserve plus depuis longtemps l'apparence qu'il devait avoir du temps de Balzac. Il était probablement flanqué de

quatre pavillons, les uns ronds, les autres carrés, dont il ne reste plus qu'un seul aujourd'hui. Le paysage gravé sur le frontispice de l'édition petit in-12 des OEuvres diverses de notre auteur, imprimée en 1658 à Leyde, chez Jean Elzevier, peut donner, quoique dessiné avec peu d'exactitude, une idée de l'ancien aspect de cette maison de plaisance et de son site délicieux sur la rive gauche de la Charente, presqu'en face du petit bourg de Vindelle.

La terre de Balzac fut vendue par André Guez, II du nom, à Robert Bourée, secrétaire du roi et ancien receveur des tailles de l'élection d'Angoulême. (Voir le Tableau généalogique.)

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donc à reconnaître l'existence actuelle de cette maison d'Angoulême, ou du moins l'emplacement qu'elle avait occupé, et par suite à rechercher, dans les registres de la paroisse sur laquelle elle était bâtie, l'acte de naissance ou plutôt l'acte de baptême du futur auteur du Socrate chrestien.

C'est ainsi que j'ai procédé, et voici le résultat de mes investigations.

Parmi les titres nombreux qui m'ont passé sous les yeux, provenant des Archives départementales de la Charente, de celles de la Mairie d'Angoulême, de celles de l'Hôtel-Dieu, du Dépôt des Minutes des anciens notaires de l'Angoumois et de différents papiers de famille, l'un des plus intéressants est l'acte par lequel Guillaume Guez, seigneur de Balzac, et François Guez, son fils cadet, seigneur de Roussines, reconnaissent et avouent tenir du Roi une maison en laquelle ils font à présent leur demeure..., située en cette ville d'Angoulesme, en la paroisse de Saint-Paul. Il est du reste très important de transcrire ici la plus grande partie de cet acte d'aveu, rédigé le 27 janvier 1644, et terminé par la signature autographe de Guillaume Guez, alors âgé de 91 ans, qui a le bon sens de signer Guez tout court (1), et par celle de François de Guez, son fils, qui le premier des siens se permet d'ajouter la particule à son nom de famille :

« Aujourd'huy vingt-septiesme janvier mil six cent qua« rante-quatre, après midy, par devant Pierre Dumergue

(1) Voir le fac-simile de cette signature au Tableau généalogique.

«

<«<et Anthoine Rousseau, notaires et tabellions royaulx <«< en Angoumois, ont été présents et personnellement es« tablys en droyt Guillaume et François de Guez, es«< cuiers, seigneurs de Ballezat (sic) et Roussines, lesquelz de leurs bonnes volontés, tant conjointement que « divizément, ont recogneu et advoué tenir du Roy, notre « souverain seigneur, à cauze de son chasteau et domayne « d'Angoulesme, une maison en laquelle ilz font à présent <«< leur demeure, avecq une grande bassecour, escuries et « jardrin (sic), le tout joignant ensemble, avecq une place <«< qui est par le dernière (sic) de ladite maison et y joi«gnant, au dedans de laquelle y a à présent quantité << d'ormeaux ; icelle maison et place, situées en cette ville << d'Angoulesme, en la paroisse de Saint-Paul, confron<«< tant, d'une part, à la ruhe (1) par laquelle on va du « Marché Vieulx (2) sur les murailles de ladite ville, à « main dextre, et ladite place aux Prisons royales de ladite « ville, qui fut (sic) autres foys le Chasteau, et à la susdite « maison et murailles de la ville; d'autre part et d'un costé <«< de ladite bassecour, suivant lesdites murailles costoyant « le jardrin desdits sieurs, en descendant de l'église de << Saint-Paul (3) vers la porte de Chandes, aussy à main « dextre, jusques au coing dudit jardrin, et dudit coing

(1) Rue appelée aujourd'hui des Arceaux.

(2) La place du Marché-Vieux s'est appelée plus tard de la Petite-Halle; elle se nomme actuellement place Marengo.

(3) Cette église n'est plus aujourd'hui qu'une maison particulière, formant l'angle de la rue des Arceatix et de la rue SaintPaul.

}

« retournant sur la mesme main à une ruhette (1) par la« quelle on va desdites murailles de la ville à la ruhe par <«< laquelle on descend dudit Marché Vieulx à ladite porte << de Chandes, jusques à ung apend de maison qui appar<«< tient à la vefve de feu M. Jehan Robert, quand vivoyt « procureur au siége présidial de ladite ville; reprenant « dudit apend, et confrontant par le costé d'iceluy au jar« drin de ladite vefve et aux dernières des maisons et « apends de Guillaume Laisné, escuier, sieur de Char<< donneau (et) de La Boutine, et des hoirs (de) feu Jac<«<ques Laisné, escuier, quand vivoyt advocat au siége « présidial d'Angoumois, et à une escurie appartenant à <<< la dame de Campaignol (2); reprenant la première con« frontation de la ruhe par laquelle on va dudit Marché « Vieulx sur lesdites murailles de la ville, le tout à la « main dextre; toutes lesquelles maisons, bassecour, jar<< drins et escuries, autres bastiments et place, selon que <«<le tout est cy-dessus confronté, a esté composé de di« vers domaynes acquis de diverses personnes et qui es<< toyent soubs troys divers devoirs.

(1) Il ne reste plus qu'un bout de cette petite rue, lequel forme un cul-de-sac placé à droite de la rue Chandos (ou de Chandes) en descendant; l'autre extrémité traversait l'espace occupé aujourd'hui par le jardin de M. Astier et débouchait sur le rempart des Prisons.

(2) Je n'ai trouvé, chez tous les propriétaires du quartier, aueun titre ancien relatif aux maisons de Jean Robert, de Guillaume et Jacques Laisné, ni à l'écurie appartenant à Mme de Campaignol (ou Campaignolles). J'ignore si cette écurie, située dans la petite rue des Arceaux, était attenante ou non à la maison de Mme de Campaignolles.

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« Assavoir (sic) : la grande maison, jardrin, partie de la bassecour et la susdite place qui confronte aux susdi«< tes prisons et murailles de ladite ville, du seigneur baron << de La Rochebeaucour, pour laquelle et les susdités ap« partenances est deu à Sa Majesté, par chascun an et à <«< chascun jour et feste de St-Michel archange, la somme «< de six sols tournois de rente noble, directe, seigneu«riale et foncière, payable dans la recepte dudit domayne « en cette dite ville d'Angoulesme.

<«< Plus une autre partie, et qui est à présent en ma« seure (1) et au devant ladite église de Saint-Paul, avecq « un petit jardrin qui a esté converty et fait partie de la <«< susdite bassecour, aussy acquis d'autres personnes, qui <«<est aussy au devoir de cinq sols de rente directe, sei<< gneuriale et foncière, par chascun an, jour et feste de

(1) Cette vieille masure formait sans doute l'emplacement de la maison où était né François Ravaillac, assassin de Henri IV, détruite en vertu de la disposition suivante de l'arrêt du Parlement du 27 mai 1610 : « Ordonné que la maison où il a esté né sera des« molie, celuy à qui elle appartient préalablement indemnisé, sans « que sur le fonds puisse à l'advenir estre fait autre bastiment » (Le Mercure françois, tome 1, 2 partie, Livre VI). Une tradition constante a toujours placé cette maison dans la rue des Arceaux, au lieu même indiqué par les confrontations ci-dessus établies, presqu'en face du chevet de l'ancienne église Saint-Paul. Sur la fin du siècle dernier, on avait par tolérance laissé construire en cet endroit un bâtiment de peu d'importance qui continua' d'être désigné sous le nom de maison de Ravaillac; M. Astier l'a remplacé par une servitude indispensable qui prouve que, si Angoulême a eu le malheur 'de produire un régicide, sa mémoire n'y est pas en très bonne odeur.

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