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MODÈLES D'ÉGLISES ROMANES ET GOTHIQUES. Comme celle de Pont-Aubert, que nous avons déjà publiée, l'église de Pont-sur-Yonne, dont nous offrons aujourd'hui la coupe longitudinale, appartient au département de l'Yonne. L'ogive y est mieux caractérisée que dans la Bourgogne proprement dite, mais moins que dans l'Ile-de-France. Le département de l'Yonne est pris entre I'lle-de-France, où est né le système ogival, et la Bourgogne, où ce système est allé, en se fatiguant un peu dans le trajet; mais, sur la route, l'ogive naissante s'est reposée à Pont-sur-Yonne, entre autres localités, et y a laissé un assez notable spécimen. Aujourd'hui, nous ne devons pas nous étendre sur cette église, parce que les livraisons prochaines contiendront le plan, l'élévation occidentale, l'élévation méridionale, la coupe transversale du même édifice, et qu'alors ce sera le moment d'en parler comme il convient. M. Émile Amé nous donnera la contenance de cette église, la récapitulation du devis et les divers détails qui pourront être utiles aux jeunes architectes constructeurs d'églises en style ogival. Nous appellerons seulement l'attention de nos lecteurs sur le système des voûtes qui, dans la nef, se croisent de deux en deux travées comme à la cathédrale de Paris, comme à la cathédrale de Sens, et en général dans les églises de transition entre le système roman et le système ogival. De deux en deux travées, les piliers changent et doivent changer pour porter, les uns un arc-doubleau seulement, les autres un arc-doubleau et les nervures. Les baies, à un seul jour ogival, sont d'une simplicité qui n'exclut certainement pas une noble élégance. Voilà, sauf les fenêtres supérieures, qui sont trop petites et trop ébrasées, le style que nous préférons et que l'on doit peut-être préférer à tout autre. C'est simple, c'est solide, c'est beau et peu coûteux. Il y a loin de là à ce gothique troubadour dont on empoisonne depuis plusieurs années les sources de la renaissance ogivale: gothique de décadence, de dentelles et de chicorées, qui tombe à peine monté, qui coûte des sommes considérables, et qui est laid par-dessus le marché; gothique dont l'église Sainte-Clotilde est, malheureusement, beaucoup trop entaché.

CHANDELIERS A SEPT BRANCHES ET COURONNES ARDENTES. Sur la foi d'une communication que nous ne suspectons pas encore, nous avions dit, page 12 de ce volume des « Annales », qu'il existait à Messine un chandelier à sept branches. Des renseignements ont été pris à Messine même par l'entremise de l'un de nos abonnés, et il en résulte que ce chandelier n'existe pas ou n'existe 13

XIII.

plus. Toutefois, nous prions nos lecteurs de nous signaler, comme ils l'ont fait si fructueusement pour les urnes de Cana, l'existence de tous les chandeliers et trefs, de toutes les couronnes ardentes qu'ils sauraient être ou avoir été dans quelque grande ou petite église de France ou d'Europe. Une publication comme la nôtre est un peu l'œuvre de tout le monde, et il importe que tout le monde y contribue; c'est le moyen de lui donner une véritable importance. Notre conjecture sur le chandelier à sept branches de la cathédrale de Bayeux est pleinement justifiée par la lettre que M. le supérieur du grand séminaire de Sommervieu (diocèse de Bayeux), nous fait l'honneur de nous écrire, et que nous publions avec un grand empressement. — « Monsieur, j'ai reçu et lu aussitôt votre premier numéro des « Annales Archéologiques » de cette année. Vous y touchez, en passant (dans le premier article), un point qui intéresse notre église cathédrale de Bayeux. Vous exprimez la conjecture que l'évêque Gui ou Guido aurait fait fabriquer un chandelier à sept branches et qu'il aurait bien pu être inhumé près de l'endroit même du chœur où ce chandelier aurait été placé. Si nous en croyons l'abbé Hermant, curé de Maltot, au diocèse de Bayeux, qui écrivait l'histoire de ce diocèse sous l'épiscopat de Mgr de Nesmond, au siècle de Louis XIV, votre conjecture, Monsieur, se change en certitude. Je lis en effet dans cet auteur, p. 220: « C'est lui (l'évêque Gui) <«< qui a donné le beau candélabre à sept branches, de cuivre doré, qui est au milieu du chœur de « l'église cathédrale de Bayeux. » Et à la page 224 : « Il fut inhumé dans le chœur de l'église «< cathédrale, devant le beau candelabre qu'il avait donné. » Ce candélabre aurait donc encore existé du temps de Louis XIV. Qu'est-il devenu depuis, à quelle époque a-t-il disparu, a-t-il conservé sa place d'honneur jusqu'à la révolution? C'est ce que je ne puis vous dire : je suis tropjeune pour avoir été témoin des richesses qui existaient encore dans notre cathédrale quand la tourmente révolutionnaire éclata. N'étant pas de cette ville, j'ignore les traditions que ses habitants ont pu conserver, et puis ceux qui ont pu voir eux-mêmes commencent à devenir rares. — Vous parlez aussi, Monsieur, dans cet article, des trefs et des couronnes de lumière, et vous supposez qu'il en existait dans la plupart des abbatiales et des cathédrales. Je puis encore, si vous le désirez, vous fournir quelques renseignements à cet égard, en ce qui concerne la cathédrale de Bayeux. Le même auteur que je citais tout à l'heure, l'abbé Hermant, nous a conservé le souvenir de la couronne qui exis. tait autrefois dans notre cathédrale. Elle fut donnée par Odon de Conteville, premier du nom, frère utérin de Guillaume le Conquérant, prélat qui fit de grandes largesses à son église. Après en avoir rapporté plusieurs, l'historien de notre diocèse ajoute (p. 133) : « Par un semblable effet de sa <<< magnificence et de sa piété, il avait donné à son église cathédrale une couronne de bois, couverte « de lames d'argent, haute de seize pieds, qui remplissait toute la largeur de la nef de l'église, ornée << de plusieurs couronnes faites en façon de tours, sur lesquelles on avait mis des pointes de fer « pour porter des cierges qu'on allumait dans les grandes cérémonies. On voyait dessus cinquante <«< vers qu'on y grava depuis, et qui étaient de la composition de Nicolas Oresme; ils ont été con« servés dans le manuscrit d'Eusèbe que l'on garde dans la bibliothèque du chapitre. Les calvinistes << détruisirent ce beau chef-d'œuvre, l'an 1562. » D'autres auteurs ont parlé de cette couronne et des vers qui y étaient gravés. Tout récemment, M. l'abbé Laffetay, chanoine titulaire de la cathé drale, ecclésiastique d'un talent très-distingué, a lu dans une réunion savante de Bayeux un travail fort remarquable et fort intéressant sur ce sujet, après s'être livré à de longues recherches dans les manuscrits du chapitre. On nous a fait espérer qu'il publierait plus tard cet ouvrage auquel sa plume élégante ne manquera pas de donner un nouveau charme. - J'ai l'honneur, etc.

« A. NOGET LACOUDRE, supérieur du grand séminaire de Sommervieu. »

DÉCOUVERTE D'UNE CRYPTE ANCIENNE. Monsieur le directeur des « Annales », je m'empresse de répondre au désir que vous m'avez exprimé, et je vous adresse quelques notes sur une crypte du vi° siècle, d'une conservation parfaite, qui vient d'être déblayée dans l'enceinte du grand séminaire d'Orléans. L'assertion de cette date étant assez grave, je dois fournir des

preuves à l'appui je les tirerai d'abord de l'histoire, ensuite de l'étude du monument. Le nom d'Avit (Avitus) a été porté au moyen âge par un assez grand nombre de saints personnages. Ainsi, Grégoire de Tours perfectionna ses études sous un « Avitus », que l'auteur anonyme de sa vie qualifie de « vir Domini », et qui vivait dans le pays des Arvernes; ainsi, un saint Avit (« Alcimus Ecditius Avitus »), aussi célèbre par la profondeur de ses connaissances que par l'éclat de ses vertus, mourut archevêque de Vienne en 535. Je fais observer que ni l'un ni l'autre n'a pénétré dans la partie nord-ouest des Gaules, et je ne les ai nommés que pour mémoire. Mais nous trouvons, à la date de 524 ou 522, un abbé nommé Avitus, succédant à saint Mesmin, dans la direction du couvent de Micy, situé sur le bord du Loiret, à cinq kilomètres d'Orléans. Quelques années plus tard, nous voyons un cénobite du même nom fonder un couvent de filles dans un lieu nommé « Piciacum », où est maintenant la ville de Châteaudun : celui-ci mourut en 527 ou 529. Les annalistes les honorent tous deux du titre de saints. La question de savoir si on ne doit voir dans l'abbé de Micy, et dans le fondateur du couvent de « Piciacum », qu'une seule et même personne, a été longuement et savamment discutée. Les auteurs des « Annales bénédictines » et des « Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti », penchent pour l'affirmative; ceux de la « Gallia christiana», après avoir rapproché et pesé tous les textes, sont d'opinion contraire. L'« unicité » de S. Avit a également été adoptée par le bréviaire et par les auteurs orléanais. Mais je ne m'arrêterai pas longtemps sur ce point d'un intérêt purement local. Pour atteindre le but que je me propose, il me suffira de poser quelques faits sur lesquels tous les historiens sont d'accord. S. Avit, fondateur du couvent de « Piciacum », était mort dans une telle odeur de sainteté, que les habitants du Perche et les Orléanais se disputèrent ses reliques. Dans la ferveur de leur zele, ils allaient en venir aux mains lorsqu'ils apprirent qu'Avit avait exprimé, pendant sa vie, le désir d'être enterré à Orléans. Les Orléanais rapportérent en triomphe leur précieuse conquète, la déposèrent à cent pas en dehors des murs de la ville, à peu de distance du tombeau de saint Euverte, et y bâtirent une église. Peu d'années après, Childebert Ir, passant par Orléans, pour aller combattre les Visigoths, visita pieusement les reliques du saint, et fit vou, s'il revenait victorieux, de remplacer la chapelle primitive par un édifice plus majestueux; il accomplit ses engagements à son retour. Voici donc un monument d'une certaine importance, construit au milieu du vie siècle, au lieu où fut primitivement déposé le corps de saint Avit, et comprenant, par conséquent, la crypte dans laquelle il devait être exposé à la vénération des fidèles. Depuis cette époque, jusqu'au xve siècle, l'histoire architecturale d'Orléans ne nous fournit que des données générales, telles que les incursions des Normands et le terrible incendie de 999. Mais, dans le silence des auteurs, relativement à notre crypte, on doit croire que le petit édifice échappa à ces divers fléaux. Quelque violent qu'ait été l'incendie, il ne dut pas s'étendre à cent pas hors des murs; d'ailleurs, quelle prise pouvait-il avoir sur un monument de pierre noyé dans le sol? Quant aux Normands, on sait quelles étaient leurs habitudes : débarquer, piller, détruire pour leurs menus plaisirs, embarquer leur butin et repartir, c'était pour eux l'affaire d'un instant. Ils ont bien pu profaner les reliques, enlever les trésors dont elles étaient entourées, mais ils n'auraient pas eu la patience de démanteler pièce à pièce un monument qui, pour eux, n'était autre chose qu'une carrière. En 1429, les habitants d'Orléans rasèrent toutes les constructions situées en dehors des murs; car les Anglais s'apprêtaient à assiéger la ville, et l'on ne voulait leur laisser aucun abri. Parmi les édifices démolis, les historiens mentionnent spécialement celle de Saint-Avit. Cependant, la destruction dut s'arrêter aux besoins de la défense, sans descendre au-dessous du sol. D'ailleurs, tous les caractères de l'édifice qui nous reste prouvent évidemment qu'il est antérieur au xv siècle. Cette dernière raison suffit pour affirmer que la crypte échappa également aux dévastations commises par les protestants dans le siècle suivant. Enfin, en 1740, l'église de Saint-Avit, qui avait été reconstruite après chaque désastre, fut de nouveau rasée pour l'agrandissementdu jardin du grand séminaire, dont la construction se terminait à cette

époque. Il est important de remarquer que les historiens orléanais ont tous regardé cette église comme bâtie sur le tombeau même de saint Avit. Sa situation concordait parfaitement avec les termes des anciennes chroniques, car le jardin du séminaire est à cent pas des bâtiments de l'évêché, près desquels passaient les anciennes murailles de la ville, et à quatre cents pas de l'église construite sur le tombeau de saint Euverte. - S'il ne restait plus aucun signe extérieur

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de l'église de Saint-Avit, la place néanmoins était déterminée dans le souvenir des archéologues, et je l'ai signalé dans mon « Histoire architecturale de la ville d'Orléans ». Cependant, au mois de décembre dernier, on creusait les fondations du prolongement de l'aile du grand séminaire qui s'avance dans la partie orientale du jardin; les ouvriers découvrirent des fûts de piliers et quelques pans de murs; ils n'y firent nulle attention et se mirent à maçonner. Quelques membres de la Société archéologique eurent vent de la chose; ils se transportèrent sur les lieux et donnèrent l'éveil à Monseigneur l'évêque et à la Société. Une commission fut nommée; Monseigneur voulut se joindre à elle. L'emplacement fut reconnu comme devant être celui de la crypte de Saint-Avit; les constructions furent immédiatement arrêtées, et des fouilles exécutées avec soin révélèrent bientôt un des monuments mérovingiens les plus curieux et les mieux conservés que possède la France. La crypte est parfaitement orientée. Elle se compose de deux parties distincles : à l'est, la chapelle; à l'ouest, le « martyrium ». Le plan de la chapelle donne un demi-cercle de 570c de diamètre, et un prolongement à lignes paralleles de 2m25, formant de chaque côté retrait, en retour d'équerre, de 25c. Six pilastres octogones, demi engagés, de 48o de diamètre sur 2TM de hauteur, divisent son pourtour en sept travées ayant chacune 150 de longueur, sauf celle du fond, qui a 180°. Les murs sont d'une solidité parfaite; ils sont construits en blocage et portent tous les caractères d'une haute antiquité, quoiqu'ils aient été en partie recrépis, et que quelques noms propres, tracés dans le mortier encore frais, indiquent une date assez récente; on lit en effet le nom de NICOLAS, et on croit voir le millésime 1616. Il ne reste plus des voûtes que quelques arrachements; mais on reconnait facilement qu'elles étaient en plein cintre et croisées d'arêtes. Leurs retombées s'appuyaient dans le pourtour sur les pilastres, à l'aplomb de leurs fûts, et dans la partie centrale sur 4 piliers octogones de 45o de diamètre, et de 2m40c de hauteur, disposés en carré, savoir : 2 sur la ligne des premiers pilastres, et formant avec ceux-ci 3 entre-colonnements égaux, et les autres s'alignant sur les premiers et les pilastres du fond. Les piliers et les pilastres sont dans un état de conservation qui ne laisse rien à désirer; ils sont tous, sauf le tailloir d'un seul, de construction primitive. Ils se composent d'assises de pierre dure, d'une épaisseur qui varie de 15 à 35o. Chaque assise est formée de deux morceaux égaux, séparés par un joint épais de 30 à 40°, comme ceux des assises. Ces joints et ceux de toutes les parties de la crypte, qui sont construits en pierre de taille, sont parés avec beaucoup de soin, en bourrelets méplats, de 4 à 8 millimètres de saillie. Les bases sont d'un seul morceau : c'est simplement une plinthe de 50 de côté, se raccordant à la forme octogonale des fûts à l'aide de 4 plans inclinés passant par des lignes tirées des angles de la plinthe à ceux de l'octogone; le tout d'une épaisseur de 45°. Les tailloirs, qui ont la même épaisseur sur une largeur un peu plus considérable, ne sont autre chose que les bases renversées; on a cependant cherché à les orner en remplaçant l'angle saillant de toutes leurs arêtes par des filets grossièrements profilés. Trois ouvertures, médiocrement ébrasées de dehors en dedans, éclairaient la chapelle d'eux s'ouvrent dans les secondes travées; elles sont plein cintre, et ont en dedans 70o de large sur 4m 80 de hauteur; la troisième, qui est un peu plus grande, occupe la travée absidale. Sous cette fenêtre, était placé l'autel; on en voit encore quelques arrachements. Deux piscines occupent de petites niches en plein cintre, pratiquées dans les deux travées voisines de l'autel; la cuvette de celle du nord a la forme d'un entonnoir de 23 d'ouverture et peu de profondeur; l'autre est creusée en pyramide renversée.

Deux arcades en plein cintre s'ouvrent dans les deux travées voisines du « Martyrium » sur la

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