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Jean de Marigny, fils de Philippe, seigneur d'Écouis et de Marigny, et frère de l'infortuné Enguerrand, commença par être chantre de l'église Notre-Dame de Paris. Il fut élu évêque comte de Beauvais et pair de France en 1312. Il se trouva comme pair au procès de Robert, comte de Flandre, en 1315; assista en la même qualité au sacre de Louis le Hutin la même année, et à celui de Philippe le Long, le 16 janvier 1316. Il prit part au concile de Senlis, le 13 mai 1317; fut appelé, le 21 février 1321, au sacre de Charles le Bel, et instruisit avec l'évêque de Paris sur les motifs qui devaient faire casser son mariage avec Blanche de Bourgogne. Il figura encore avec honneur au sacre de Philippe de Valois, le jour de la Trinité, 29 mai 1328; car c'était lui qui, dans l'assemblée des pairs, avait plaidé la cause de ce prince contre Édouard, roi d'Angleterre. Édouard se prétendait apte à arriver au trône de France par la descendance des femmes; mais Jean de Marigny, pour achever d'entraîner son auditoire, eut l'heureuse idée d'emprunter à l'Écriture Sainte une citation des plus ingénieuses : « Considerate lilia agri, quomodo crescunt: non laborant neque nent. » — « Considérez les lys des champs, et voyez comme ils croissent ils ne travaillent ni ne filent. » — De cette parole de la Sagesse, il conclut que la couronne de France ne pouvait être transmise par les femmes, puisqu'elles travaillent et filent. Philippe de Valois le fit, aussitôt son avénement, conseiller de son conseil privé, puis chancelier de France. Jean de Marigny tint les sceaux depuis le 30 avril 1329 jusqu'au 6 juillet de la même année; il les eut encore le 7 septembre jusqu'à la Saint-Martin. Il fut envoyé, en 1332, en Angleterre avec Raoul, comte d'Eu, pour presser le roi Édouard III de faire le voyage de la Terre-Sainte; lui même prêcha d'exemple et ne revint de ce pèlerinage qu'en 1335.

Le roi, par lettres données à Saint-Germain-en-Laye le 6 avril 1342, l'établit son lieutenant général en Languedoc, Limousin et Saintonge, pour résister aux invasions des Anglais. A son arrivée à Toulouse, Jean de Marigny trouva un grand

irréprochable. Le format des « Annales » nous a imposé la réduction aux deux tiers de l'original faite par M. Darcel, mais tous les détails n'en sont pas moins accusés avec la fidélité la plus scrupuleuse. Nos lecteurs jugeront si le graveur, tel qu'il a compris son travail, a rendu bien exactement le tissu. C'était assez difficile en gris, avec une seule teinte, mais nous avons fait colorier à la main cette gravure grise, et nous avons obtenu un fac-similé parfait de tout le tissu. Aujourd'hui, nous donnons le côté de la mitre qui représente saint Éloi assis entre Enguerrand de Marigny et sa femme agenouillés; dans une livraison prochaine paraîtra l'autre côté, où se voit saint Pierre habillé en pape, entre Cornélius et Dorcas. Nous espérons que cette forme de mitre fortifiera les évêques de France dans le désir, déjà manifesté par beaucoup d'entre eux, d'abandonner la laide forme actuelle, que nous a léguée la renaissance, pour revenir à celle que le xie et le xive siècles avaient si raisonnablement adoptée. (Note du Directeur.)

nombre de malfaiteurs condamnés à mort; jugeant nécessaire d'inaugurer son autorité par un grand acte de rigueur, il les fit tous exécuter, nonobstant leur appel au parlement de Paris. Le parlement, irrité contre lui de ce procédé, le fit ajourner en personne; mais il s'en fit décharger par le roi.

Philippe de Valois, en considération des « bons, loyaux et profitables services qu'il en avait reçus, tant en ses guerres où il avait été plusieurs fois son capitaine et lieutenant, comme ailleurs, en plusieurs grosses besognes, exposant son corps et ses biens», le tint quitte et lui fit don, par lettres données à Fauquenbergues, le 29 juillet 1349, de plusieurs sommes de deniers dont il était resté redevable. Déjà, dès l'année 1347, Jean de Marigny avait été pourvu de l'archevêché de Rouen; il mourut sur ce siége le 26 décembre 1351. Son corps fut porté en pompe en l'église collégiale d'Écouis, où il fut enterré dans la sépulture de ses pères, près de son frère Enguerrand; son mausolée de marbre blanc et noir, placé dans le sanctuaire, portait cette inscription:

Post natale Dei, martis sub luce diei

In quinquageno primo C. ter atque C. deno
Oretis Christum, quod patrem collocet istum

In cœli sede feliciter et sine cede.

Le nécrologe de la cathédrale de Beauvais mentionnait que « Jean de Marigny, de bonne et excellente mémoire, gouverna cette église avec autant de prudence que de sagesse, et qu'en quittant cet évêché il lui laissa une croix précieuse et d'autres ornements. » Paris lui doit la fondation de la chapelle et de l'hôpital Saint-Jacques.

Si, comme on peut le supposer, c'est à la faveur éphémère d'Enguerrand, le grand chambellan de France, que son frère dut son entrée aux honneurs, la série de dates que nous venons de parcourir prouve assez que son mérite personnel sut l'y maintenir et l'élever même encore plus haut.

Les détails donnés sur la sépulture de l'archevêque de Rouen expliquent comment sa crosse et sa mitre étaient en la possession des chanoines d'Écouis; au surplus l'inventaire du trésor de leur église, dressé en 1565, en fait foi. A la suite de la mention de la crosse que donna feu de bonne mémoire Jean de Marigny, on lit : « Item avons trouvé une mitre avec ses appartenances qui est de soye verte imaginée de plusieurs images, principalement de deux, l'une sainct Pierre qui a son mitre de prælat de fil d'or de Cipre, et l'aultre de sainct Éloy; LE TOUT EST DE LA MESME FONDATION. » — La mitre de Jean de Marigny a eu le même sort que sa crosse'; conservées à Écouis jusqu'à la révolution

4. Voir notre « Notice sur trois crosses historiées du XIe siècle », dans le XXIe vol. des « Mém. de la Société des Antiquaires de France ».

de 1793, les pillards les ont jetées avec mépris, après en avoir arraché ce qui avait une valeur vénale à leurs yeux à l'une quelques perles ou pierres fines qui en rehaussaient les broderies, à l'autre les viroles d'argent qui garnissaient les cylindres de la hampe. L'ancien sacristain crut pouvoir s'emparer de ces deux précieuses reliques. Il y a quelques années, elles allaient être livrées à un de ces voisins d'outre-Manche, toujours si envieux de nos richesses archéologiques; mais, grâce à l'intervention généreuse de M. l'abbé Jouan, alors curé d'Écouis, elles ont été conservées, on peut dire, à notre pays, car elles ne sortiront du cabinet de M. le vicaire général d'Évreux que pour passer dans le trésor de sa cathédrale. Nous nous plaisons à lui adresser ici nos remerciements pour la gracieuse obligeance avec laquelle il a mis à notre disposition ces curieuses pièces de la panoplie épiscopale.

La mitre n'a que 252 millimètres d'élévation, 095 millimètres pour la base, et 157 millimètres pour le cône; sa largeur, à l'entrée de la tête, est de 276 millimètres.

Sur un fond de damas vert-émeraude s'enlèvent les personnages dont les carnations sont traitées au point de chaînette (appelé dans les inventaires du temps « point refendu »), et ce, avec une finesse et une régularité si admirables, qu'il semble que ce soit une main de fée et un œil de lynx qui aient conduit l'aiguille. Dans leur ensemble, ces points ne forment qu'une surface glacée comme le satin; mais, dans leurs détails, ils sont contournés avec tant d'art, que les linéaments de la peau et les plis des rides sont fidèlement exprimés. Le « couché d'or à petit point », que les brodeurs nomment encore aujourd'hui point de couchure, rend avec un merveilleux éclat les draps d'or et les orfrois qui sont jetés avec profusion sur les vêtements; pour en nuancer les draperies et ménager des demi-teintes plus harmonieuses, des fils de soie vert clair, plus ou moins serrés, sont babilement mélangés aux fils d'or de Chypre; l'emploi exclusif de ces derniers sert à rendre les parties lumineuses, tandis que les vigueurs d'ombre sont réservées du fond de l'étoffe. Le reste des vêtements et les accessoires sont brodés au point de passé, qui nous paraît répondre à ce que les brodeurs du moyen âge appelaient point de bouture » ou « colonia >>.

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Sur une des faces, saint Pierre est représenté trônant sur un pliant à têtes et griffes de lion, semblable aux siéges que l'on remarque sur les sceaux de nos rois aux xir et XIVe siècles. De la main gauche il tient une clef à panneton d'or. Au-dessus de sa tête, décorée d'un nimbe à arcature, deux mains bénissantes, vêtues de larges manches de drap d'or, sortent de deux nuages opposés. Le ciel est naïvement rendu par trois zones ondulées; la première vio

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