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L'OFFICE DU XIII SIÈCLE

I.

L'école archéologique qui fait, depuis vingt ans, de si généreux efforts pour ramener l'art religieux à son glorieux passé du moyen âge, triomphe généralement. Elle peut regarder comme terminée la partie de sa tâche la plus difficile, qui était de renverser les préjugés régnants, et de réformer le goût. Le succès est tel, qu'aujourd'hui un architecte ne pourrait pas recommencer, dans Paris, Notre-Dame-de-Lorette, sans être honni du public. De la théorie le mouvement va aux faits, et, pour l'architecture, la peinture sur verre, l'ornementation en général, il est grandement entré dans la pratique. Pour ne parler que de la France, il n'est pas, à l'heure qu'il est, un conseil de fabrique qui, ayant à faire construire une église un peu importante, ne demande des plans dans le style ogival.

Toutefois, si la religion invoque le concours des trois principales branches de l'art, l'architecture, la sculpture et la peinture, pour élever et orner ses temples, elle demande également à la mélodie des accents qui aident la prière de ses enfants à s'élever vers le ciel avec l'expression de la piété la plus recueillie, de la foi la plus vive, de la charité la plus ardente. Aussi, de tout temps, le chant a-t-il été regardé comme une des parties les plus importantes de la liturgie. Mais, au point de vue archéologique, personne n'ignore que les néo-païens qui firent passer, à Paris, l'architecture religieuse de Notre-Dame et de la Sainte-Chapelle, d'abord à Saint-Eustache, puis à Saint-Sulpice, enfin à SaintVincent-de-Paul, eurent leurs pendants et leurs complices en liturgie. Dès la fin du xvir siècle, la manie d'innover pénétra dans l'Église, et, alors qu'on réformait tout, la liturgie dut aussi être réformée. On voulut d'abord un latin plus académique dans les hymnes, les séquences et tout ce qui n'était pas le texte même de l'Écriture-Sainte. Les Santeul, les Mesenguy, les Coffin allèrent chercher, pour les louanges du Dieu des chrétiens, dans la prosodie grecque

XIII.

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et latine, et même dans le dictionnaire de la Fable, les formes et les paroles dont le paganisme s'était servi pour orner son impur sensualisme. Puis, avec ce style réformé, il fallut un chant nouveau. Les mélodies des saints papes Célestin, Grégoire, Léon, et cet ensemble des cantiques sacrés, qui, avec les autres parties de l'art religieux, s'était si admirablement épanoui aux XI, XII* et x siècles, et qui exhalait dans tous les sanctuaires chrétiens les parfums suaves d'une harmonie vraiment céleste, furent foulés aux pieds. D'abord le chanoine Chastelain, plus tard l'abbé Lebeuf, et une foule de compositeurs improvisés sur tous les points de la France, même parmi les maîtres d'école, produisirent tout un système de chant nouveau, ou plutôt implantèrent le profane et le païen dans cette partie de l'art chrétien, comme d'autres dans l'architecture, la sculpture et la peinture.

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Il n'est donc pas étonnant que, dans le mouvement qui nous ramène vers le passé, les hommes de goût veuillent retrouver ce qu'ont remplacé ces lamentables nouveautés. Avec les cathédrales des xir et xir siècles, avec leurs légions de statues, leurs scintillantes verrières, on veut avoir les mélodies qui y retentirent aux jours de leur splendeur. Aussi, le directeur des « Annales Archéologiques » sentait depuis longtemps la convenance et la nécessité de fournir à ses lecteurs ce complément de l'art catholique, et il y était vivement sollicité par des demandes nombreuses. Mais la difficulté était d'en recueillir les documents authentiques. Une cathédrale, une statue se conservent plus facilement qu'un volume. A l'arrivée de l'imprimerie, les antiphonaires, les missels manuscrits furent relégués dans les bahuts des sacristies. Quatre siècles plus tard, ils passèrent de là sur les places publiques et alimentèrent les feux de joie autour desquels se chantaient les refrains sauvages de 1793. Aussi, les manuscrits liturgiques du XIIIe siècle sont-ils devenus très-rares.

A ce sujet nous avions fait, pendant plusieurs années, des recherches dans toutes les bibliothèques publiques de Paris, sans arriver à des résultats satisfaisants. La Bibliothèque Impériale possède de curieux livres de chant des xr et XII° siècles, venant en partie de Saint-Martial de Limoges; elle en a plusieurs des xiv, xv* et xvre, mais du xur à peu près rien. Enfin, nous avons été assez heureux pour découvir un précieux volume contenant le chant du XIII° siècle dans toute sa pureté et dans toute son étendue.

Ce volume, c'est tout à la fois le bréviaire, le missel et l'antiphonaire réunis en un seul ouvrage. Il contient, avec la note du plain-chant, l'office complet de l'année, c'est-à-dire les matines, les laudes, les petites heures, la messe, les vêpres et les complies. Le manuscrit est d'une parfaite intégrité. En voici l'ordonnance générale.

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D'abord le calendrier, puis le psautier, l'office du dimanche et de la semaine, les hymnes des petites heures, avec une grande variété d'intonations, sept Benedicamus Domino », douze «Venite exultemus Domino», enfin les huit tons. Le tout forme une première partie.

La deuxième commence par le propre du temps, aux premières vêpres du premier dimanche de l'Avent; elle contient toutes les fêtes mobiles, l'office des vingt-trois dimanches après la Trinité, les antiennes et les leçons tirées de l'Écriture-Sainte, depuis l'octave de la Trinité jusqu'à l'Avent. Viennent ensuite le canon de la messe et les chants divers des «Kyrie », du « Gloria in excelsis», le «Credo», toutes les préfaces, le «Sanctus», «l'Agnus Dei», I'lte missa est».

La troisième partie renferme le propre des saints pour toute l'année; le commun des saints; diverses messes votives; les cérémonies du baptême; diverses bénédictions; l'extrême onction; l'office des morts complet, c'est-àdire les vêpres, les grandes et les petites vigiles; la messe, la cérémonie de l'inhumation. La prose « Dies iræ» n'avait pas encore paru au moment où fut écrit ce volume.

Ce précieux manuscrit se termine par une riche réunion de chants divers et détachés. On y remarque une messe de « Beatâ Virgine», avec un «Gloria in « excelsis» propre; six proses à la Sainte Vierge, dont l'une, pour le temps pascal, est calquée sur le « Victimæ paschali ». Elle débute par : « Virgini Ma«riæ laudes intonent Christiani ». Une autre, sur le « Veni Sancte Spiritus », commence par : « Veni Virgo virginum ». Là se trouvent également nos cinq antiennes à la Vierge, plus quatre tirées du Cantique des cantiques; une autre, « Ardere cernitur ardenti radio rubus »; enfin un « Regina cœli » avec trois strophes de plus qu'au nôtre.

D'après cet exposé, on voit que ce manuscrit forme, quant au texte et quant au chant, un tout liturgique infiniment précieux. Ajoutons que c'est un chefd'œuvre de calligraphie. Il fut certainement exécuté par l'une des plus habiles comme des plus patientes mains de l'époque. L'aspect intérieur du livre indique qu'il a dû figurer longtemps à l'autel et au lutrin. Tout porte à croire que c'était le missel solennel, si je puis parler ainsi, de la cathédrale de Châlonssur-Marne, d'où il provient. S'il est arrivé jusqu'à nous, c'est bien à cette perfection d'exécution qu il faut l'attribuer, non moins qu'à cette réunion complète de l'office ecclésiastique dont nous n'avons trouvé aucun autre exemple.

Maintenant, l'authenticité, me dira-t-on? Prouvez que votre manuscrit est vraiment du XIIIe siècle. La chose est facile, et la voici. -D'abord, la forme de l'écriture, les vignettes, tous les ornements graphiques ont parfaitement le

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