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MODÈLES

D'ÉGLISES ROMANES ET GOTHIQUES

ÉGLISE DE PONT-SUR-YONNE'

I. HISTOIRE ET DESCRIPTION.

Le bourg de Pont-sur-Yonne, situé à trois lieues en aval de la ville de Sens, sur les bords de la rivière qui donne son nom au département, est d'une origine très-reculée. On en fait déjà mention dans le cours du vir siècle et principalement lors des guerres civiles et religieuses du moyen âge, dont il eut beaucoup à souffrir.

En 1420 environ, les Anglais firent le siége de cette petite ville, s'en emparèrent, en rasèrent la forteresse établie sur le bord de la rivière, à l'est, ainsi que les monuments anciens; ils conservèrent seulement l'église qui, à la vérité,

4. Avec cette notice et ce devis de M. E. Amé pour l'église de Pont-sur-Yonne, nous aurions pu donner le plan de cette église, que nous avons en portefeuille et qui complète les dessins que nous avons publiés dans les livraisons précédentes; mais nous avons préféré donner immédiatement le flanc méridional de la chapelle archiepiscopale de Reims, parce que la suite des dessins qui représentent cette chapelle nous était demandée par plusieurs architectes et prêtres, nos abonnés. Cette chapelle, si admirable de beauté et de simplicité, va être exécutée et reproduite fidèlement dans deux endroits différents, et l'on nous pressait, en conséquence, de donner les dessins qui pouvaient aider à cette reproduction. Voici donc l'élévation du flanc méridional; les livraisons subséquentes reproduiront le reste du noble édifice, et l'église de Pont-sur-Yonne attendra que notre petite monographie de la chapelle de Reims soit complète, pour être complétée elle-même. Tous les architectes étudieront avec intérêt et profit la belle et savante construction de la chapelle de Reims; tous les hommes de goût en admireront l'élégance et la simplicité. (Note de M. Didron.) 30

XIII.

ne sortit pas de leurs mains sans avoir subi de rudes épreuves. Les goutterots, les voûtes de la grande nef et celles des bas-côtés furent renversés sur presque toute leur étendue jusqu'au transsept. Des traces de feu existent encore sur plusieurs piliers et ont motivé la reprise d'une partie des socles.

Ce n'est qu'à partir du xv siècle qu'on aperçoit des remaniements dans cette partie de l'édifice. C'est donc de cette époque que datent les reconstructions des voûtes et des goutterots, et l'établissement du grand toit qui abrite la grande nef et les bas-côtés. On a eu soin de mentionner cette restauration par une inscription, en belles lettres gothiques fleuries, gravée sur le tailloir d'un chapiteau de la nef, au sud. Un seigneur de Villemanoche est donné comme ayant fait exécuter ces travaux.

Quelque temps après, les calvinistes désolèrent tellement la petite ville de Pont, qu'elle n'a pu depuis se relever de ses ruines. Son aspect est triste, et cet état, pour ceux qui, comme nous, l'ont vue avant l'ouverture du chemin de fer de Paris à Lyon, semble s'accroître de jour en jour. Autrefois, elle était continuellement sillonnée par de nombreuses voitures publiques. Elle avait donc encore du mouvement, un peu de vie; maintenant, moins bien partagée que de chétifs et obscurs villages, elle est morne; le bruit seul de la locomotive vient la réveiller et lui rappeler ses anciens jours.

En 1772, la flèche qui surmontait la tour fut détruite. Nous devons la connaissance de cet accident à M. Bunetier, curé-doyen, dont le zèle pour la décoration et l'ameublement de son église, renfermé dans les limites de l'archéologie la mieux entendue, est digne de louanges. Voici le récit textuel de la chute de cette flèche, trouvé dans les archives de la fabrique et rédigé par un des témoins de cet événement :

« Dans ce temps-là, un orage considérable eut lieu, accompagné d'éclairs, de tonnerre et d'un vent impétueux mêlé d'une grande pluie. C'étoit la veille de la Saint-Pierre d'été; cet orage renversa la flèche qui étoit sur la tour du clocher et qui avoit près de cent pieds de hauteur; elle étoit d'une structure hardie, accompagnée de quatre petits clochetons, aussi en flèche, aux quatre angles de la grande. Elle écrasa, par sa chute, la couverture de la nef. Le coq a été retrouvé très-loin de l'église. Tout a été renversé à l'exception d'un clocheton, le 28 juin 1772. Tout a été réparé depuis, mais il s'en faut bien que l'architecte, dans son nouveau dessin, approchât de l'ancienne. Elle n'est ni aussi haute, ni aussi élancée, ni aussi belle, quoique passable encore. C'est M. Caillet, de Sens, qui a dirigé les travaux et qui a été l'architecte. »

Pendant la première révolution', les voûtes, qui ne furent achevées que dans 4. « Annuaire du département de l'Yonne », « Voyage pittoresque » de M. VICTOR PETIT.

les premières années du xvr siècle, perdirent une partie de leur riche ornementation. L'église servit de fabrique de salpêtre et plus tard de magasin à fourrage; alors on se fit un jeu de briser, à coups de pierres, un groupe magnifique, sculpté à la clef de voûte de la quatrième travée de la grande nef et représentant l'assomption de la sainte Vierge, patronne de l'église. Quatre anges, grandeur demi-nature, retenus aux nervures par l'extrémité des ailes et des draperies, soutenaient la Vierge, remarquable par sa gracieuse attitude. Hélas! il ne reste que des fragments informes et une petite partie du dais finement ciselé qui servait de couronnement à la sainte patronne. Une inscription en lettres gothiques se lit encore; elle est relative à l'Assomption.

Après avoir fait connaître les vicissitudes nombreuses qui agitèrent cette ville de Pont-sur-Yonne, et dont l'église eut grandement à souffrir, nous allons décrire sommairement cet édifice, les dessins que nous publions pouvant suppléer à ce que nous omettrons.

Le monument, en style du XIe siècle, est construit en forme de croix latine. La grande nef est divisée en six travées; mais, comme à la cathédrale de Paris et à celle de Sens, aux églises de Michery et de Chablis, que nous publierons bientôt et dont les gravures sont prêtes, les voûtes se croisent de deux en deux travées. Les piliers intermédiaires changent donc pour porter simplement un arc-doubleau, tandis que les autres reçoivent un arc doubleau et deux arcs ogives. Dans les croisillons du transsept, pareille combinaison a lieu. Dans le sanctuaire terminé en hémicycle, chaque colonne reçoit un arc ogive.

Les voûtes, à l'exception de celles des chapelles simplement d'arête, sont maintenues par des arcs ogives ornés, à leur point de jonction, d'une belle clef décorée de feuillages. Les voûtes du sanctuaire, seules, sont accompagnées d'arcs formerets; les colonnettes qui supportent ces arcs n'ont point de bases, et, à la naissance de l'arc, le chapiteau est remplacé par une moulure d'un bel effet, disposée en anneau.

Toutes les fenêtres sont accompagnées, de chaque côté, d'une colonnette à base et à chapiteau. Une archivolte à boudin encadre le cintre aigu de la baie. Un cordon court sous toutes les fenêtres, hautes et basses.

Voici les dimensions intérieures de cet édifice, où de mille à onze cents personnes peuvent être facilement placées :

Longueur en œuvre, 38 mètres; largeur dans la nef, entre les goutterots des bas-côtés, 15" 60; longueur du transsept, 23 mètres; hauteur des grandes voûtes sous clé, 11" 20; hauteur des petites voûtes, 6m 80.

La façade, de quelques années plus nouvelle cependant que l'église elle

même, est encore d'un style bien pur. Sur un soubassement largement dessiné, huit colonnettes, ornées de gracieux chapiteaux, reçoivent la retombée des arcs de la voussure de la porte. Au trumeau central s'adosse une statue de la sainte Vierge tenant l'enfant Jésus, qu'elle présente à l'adoration des fidèles. Ce groupe est de grandeur naturelle. Un dais d'une belle exécution vient l'abriter. Plus haut, sur le tympan, se développent des arcatures analogues à celles du grand tympan de la cathédrale de Sens, dont l'influence, dans la construction de cette église, est à remarquer. Deux corbelins, ornés de figures accroupies, reçoivent symétriquement la portée du linteau.

Une fenêtre, placée au-dessus de cette porte, éclaire l'intérieur de la grande nef. Le pignon est percé d'une double barbacane; les rampants sont ornés de crochets et de feuillages; une croix surmonte cette façade.

La tour, dont la hauteur totale est de 26 mètres, est fort simple au rez-dechaussée. Le premier étage est ajouré, sur chaque face, de deux ouvertures géminées qui se répètent à l'étage supérieur. L'espace laissé libre entre ces deux rangs de baies, au fond, est rempli par une figure, plus grande que nature, posée sur un cul-de-lampe et surmontée d'un dais.

Le couronnement, qui n'existe plus, peut être composé de crochets et de feuilles. Une flèche en pierre, accompagnée de clochetons sur les angles et d'une lucarne sur chaque face, pourrait s'élancer de la plate-forme et remplacer l'ancienne, dont nous avons parlé. Nous portons à cette intention, dans la récapitulation générale du devis, une somme à valoir de quinze mille francs pour couvrir cette dépense de flèche, que, par respect pour le monument, nous n'avons pas voulu rétablir.

A l'intérieur, comme on l'a vu, tout est simple et de bon goût; on y remarque même une certaine recherche, principalement dans le sanctuaire. A l'extérieur, c'est plus simple encore, et cela tient à l'emploi des matériaux de la localité, matériaux peu coûteux, en comparaison de ceux qu'on est obligé d'aller chercher au loin.

Les grands goutterots sont dépourvus de contreforts. Il conviendrait, si on construisait une église semblable à celle-ci, d'en ajouter, afin d'augmenter la résistance des murs, dont l'épaisseur est de 0m 60 centimètres.

En construction, on a employé en grande partie les matériaux que fournissent les environs. Les murs sont construits en cailloux siliceux, recouverts d'un enduit plein, en mortier de chaux et sable, d'une grande dureté et d'une parfaite conservation. Les contre-forts sont établis en grès, dont l'abondance est remarquable. On exploite ces grès en les tranchant à fleur de terre; ils sont très-durs et, par suite, la taille a dû s'en ressentir. A l'intérieur du monument,

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