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DE LA

SOCIETE DE GÉOGRAPHIE.

JUILLET 1834.

PREMIÈRE SECTION.

MÉMOIRES, EXTRAITS, ANALYSES ET RAPPORTS.

MÉMOIRES

SUR LA DÉCOUVERTE ET LA RECONNAISSANCE DES CÔTES

D'AMÉRIQUE,

Lus à la Société de Géographie dans ses séances du 21 mars

et du 18 avril 1834 ,

Par M. Roux de ROCHELLE.

La reconnaissance des côtes orientales d'Amérique entre le Labrador et le détroit de Magellan , et celle des côtes occidentales entre ce détroit et le nord de la Californie, ont été rapidement faites par les premiers navigateurs qui ont visité le Nouveau-Monde ; mais la

; couverte des côtes plus septentrionales a déjà coûté plus de trois siècles sans être encore terminée. Nous nous sommes proposé de suivre la progression de ces recherches, et nous rendrons compte des expéditions succes

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sives qui ont eu pour but et pour résultat de reconnaître et de fixer la forme du littoral américain. Le cadre du continent étant ainsi tracé, le tableau de sa géographie intérieure deviendra plus facile à saisir, et l'on aura sous les yeux un ensemble auquel tous les détails

pour ront se rattacher.

Le Paria est la première terre du continent d'Amérique, dont Christophe Colomb ait reconnu les rivages. Il avait découvert, dans sa première navigation, l'ar. chipel de Bahama, l'île de Cuba, celle d'Haïti, et dans un second voyage , une partie des îles Caraïbes, Boriquen ou Puerto-Rico et la Jamaïque : les notions qu'il reçut des insulaires le portèrent à croire qu'il existait au midi de plus vastes contrées, et le but de sa troisième expédition fut de les découvrir. Colomb partit de SanLucar de Barameda le 3 mai 1498; il gagna les îles Canaries et celles du Cap-Vert, cingla vers le sud-ouest, se maintint ensuite à la hauteur du 10% parallèle jusque vers le terme de sa navigation, et donna à la première terre qu'il découvrit le 3 juillet le nom de la Trinité. Le golfe qui sépare cette île de la Terre-Ferme est borné au nord par une longue presqu'île que Colomb crut d'abord séparée du continent, et qu'il nomma ile de Grazia. Il reconnut à l'occident du golfe les autres rivages du Paria, en admira la fécondité, eut de nombreuses relations avec les naturels du pays, observa leurs traits, leur couleur, quelques-uns de leurs usages, et reçut d'eux de premières informations sur les lieux où se trouvaient les perles, les métaux, les pierres précieuses , que les Indiens échangèrent alors avec lui contre quel. ques productions d'Europe.

Deux phénomènes attirèrent spécialement l'attention de Christophe Colomb à cette époque de sa navigation:

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l'un était la présence des eaux douces dans quelques pa. rages maritimes qu'il traversa; l'autre était la violence des courans et le choc des vagues, soit à l'entrée, soit à la sortie du golfe. Ces eaux douces devaient provenir de l'embouchure d'un fleuve, et Colomb conjectura que, pour avoir un si grand volume et une trace si prolongée dans la mer, ce fleuve devait prendre au loin sa source dans de hautes montagnes et recevoir les affluens d'une vaste contrée. Un génie si pénétrant reconnaissait par ce seul indice l'existence d'un continent étendu ; et les courans qu'il remarquait aux deux issues du golfe de Paria lui paraissaient être l'effet inévitable de ce mouvement général des eaux de l'Océan, qui dans les régions des tropiques participent de la direction des vents alisés, et sont emportées d'orient en occident.

Colomb sortit du golfe par la bouche du Dragon; il suivit vers l'ouest la côte du Paria, reconnut les îles Marguerite et de Cubagua, où les Indiens faisaient la pêche des perles, et se rendit à Santo Domingo, d'où il envoya à la cour d'Espagne le récit de son voyage et de ses découvertes. Il avait joint à sa relation une carte géographique, des échantillons d'or, et les premières perles que les Européens eussent trouvées dans le Nouveau-Monde.

Alonzo de Oyéda, qui avait suivi Colomb dans sa seconde navigation, était alors en Espagne : il eut connaissance des papiers et des plans envoyés par l'amiral, et l'archevêque de Séville Fonseca, surintendant des affaires des Indes, l'autorisa à faire un voyage dans les lieux que Colomb n'avait pas découverts avant l'année 1495. L'expédition d'Oyéda, composée de quatre vaisseaux, partit de Séville le 5 mai 1499 : il avait avec lui Améric Vespuce, établi depuis plusieurs années dans.

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cette résidence, et Juan de la Cosa, qui avait été pilote de Colomb dans ses premiers voyages.

Les navigateurs reconnurent le continent, à deux cents lieues à l'est de l'Orénoque, vers ces contrées de la Guyane situées entre l'Oyapok et l’Essequibo, où les Français et les Hollandais ne formèrent que très longtemps après leurs premiers établissemens. L'expédition se dirigea ensuite vers le golfe de Paria, qu'elle traversa du midi au nord; elle reconnut l’île Marguerite, longea la côte de Terre-Ferme, découvrit les golfes de Vénézuela, de Maracaibo, et s'étendit vers l'ouest jusqu'au cap de la Véla. Améric Vespuce, revenu à Cadix avec Oyéda (1), adressa bientôt une relation de son voyage à Laurent de Médicis.

Quelques mois après son retour, on vit entrer dans le même port (2) la caravelle qui ramenait en Europe Colomb chargé de fers. Il avait été arrêté, ainsi que ses deux frères Barthélemy et Diego Colomb, par Bobadilla, gouverneur d'Haïti, et l'Espagne voyait revenir comme un criminel celui qui lui avait donné le Nouveau-Monde, tandis que Améric Vespuce, arrivé plusieurs années après dans cette partie du globe, allait lui laisser son nom.

Nous n'examinons point en ce moment si Vespuce avait fait en 1497 un premier voyage dans le golfe de Paria et sur les côtes de la Terre-Ferme, et s'il y avait précédé Christophe Colomb, qui ne s'y rendit en effet qu'en 1498. Quelque opinion qu'on puisse se former sur cette question, très digne d'un examen séparé, nous nous bornerons à remarquer ici qu'il ne peut s'élever

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à

(1) 18 juillet 1500.
(2) Décembre 1500.

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