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taires jusqu'aux lieux de leur exil: on les distribuait sur différens points de la Sibérie, pour les

y

attacher au travail des mines ou à d'autres pénibles emplois.

Lesseps avait à parcourir six mille verstes (quinze cents lieues), pour se rendre d'Irkoutsk à Saint-Pétersbourg. Il fit ce voyage en quarante-deux jours, en se dirigeant par les steppes de Barabinskoï, par la ville de Tomsk dont un Français, nommé De Villeneuve, était alors commandant, par 'Tobolsk qui venait d'être la proie d'un incendie, par Yecatherinbourg dans le voisinage de laquelle sont des mines d'or, par Casan, Makarieff, Nijeney-Novogorod et Moscou. Toute cette partie de la route à travers la Sibérie occidentale et la Russie d'Europe avait déjà été décrite par plusieurs voyageurs, et Lesseps s'est borné à renvoyer le lecteur à leurs relations, surtout à celle de Pallas: il était impatient de revoir sa patrie, et il arriva de Saint-Pétersbourg à Versailles le 17 octobre 1788. Le même jour il futprésenté au roi par le comte de La Luzerne, qni était alors ministre et secrétaire d'état de la marine, et Louis XVI l'accueillit avec un intérêt d'autant plus vif que ce prince avait lui-même tracé les instructions de La Pérouse : it'donna au jeune voyageur un témoignage de sa bienveillance, en le nominant consul de France à Cronstadt.

Peu de temps après son retour en Europe, on y apprit la fin déplorable de M. de Langle et de onze autres personnes de cette expédition qui furent massacrées comme lui, le 11 décembre 1787, par

11 décembre 1987, par les sauvages de l'île de Maouna qui fait partie de l'archipel des Navigateurs. Cet officier distingué avait eu pour Lesseps l'affection d'un père: une semblable perte lui inspira de profonds regrets.

C'était le second désastre de l'expédition de La Pé.

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rouse. Les nouvelles que l'on reçut de lui étaient adres: sées de Botany-Bay, sous la date du 26 janvier 1788; et depuis ce temps il s'étendit un long, un éternel silence sur ses navigations ultérieures : le temps et la mort ont tout dévoré : nous n'avons recueilli que quarante ans après , par le capitaine Dillon, et par M. Dumont-Durville, notre honorable collègue, les derniers vestiges de son naufrage dans l'île de Vanicoro.

Nous nous sommes arrêtés long-temps aux voyages qui signalèrent la jeunesse de M. de Lesseps, parce qu'ils intéressent plus spécialement la Société de géographie, et qu'ils sont devenus, suivant le témoignage de l'auteur lui-même, l'époque la plus mémorable de sa vie. Depuis son retour en Europe, il parcourut la carrière consulaire, et il y fut quelquefois troublé par les orages de la révolution ou par les vicissitudes de la guerre. Devenu gendre du vénérable Ruffin, l'un de nos plus savans orientalistes et de nos agens les plus recommandables, il le suivit à Constantinople, et il y partagea les dangers de nos compatriotes, pendant la durée de notre expédition d'Egypte. Ses fonctions de consul-général en Russie furent suspendues deux fois, par la rupture de 1807 et par celle de 1812; et il fut nommé en 1815 consul-général à Lisbonne, où il remplit également, dans des circonstances difficiles, les honorables fonctions de chargé d'affaires.

-Les connaissances de M. de Lesseps le mirent toujours à la hauteur de ses emplois : les agrémens de son esprit et la bonté de son coeur le firent rechercher : son caractère flit noble, et sa conduite honora le nom français. Estimé de son gouvernement, aimé dans les pays où il résidait, il emporte les regrets des hommes de bien, et la considération publique s'attache à sa mémoire.

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avec

Messieurs, J'ai reçu

satisfaction et reconnaissance la lettre que la Société m'a fait l'honneur de m'adresser le 8 juin 1830.

Puisque vous daignez m'admettre au nombre de vos correspondans, je mettrai tout le zèle possible à vous être de quelque utilité.

Je vous prie de m'adresser quelques questions sur les objets dont vous desirez le plus avoir connaissance tou. chant les contrées que j'ai à parcourir , c'est-à-dire le royaume de Siam, et les cinq petits états Laociens tributaires de Siam.

A peine vient-il ici chaque année un navire de Syncapor, et ce royaume reste plongé dans la plus crasse ignorance.

Je prie la Société de me procurer une carte de Siam, la meilleure qu'elle puisse trouver, afin que dans mes fréquens voyages je puisse découvrir si vos cartes indiquent juste la direction du fleuve, des rivières, et des montagnes; car je vois des erreurs extrêmes dans celles que j'ai apportées moi-même.

Je prends la liberté de vous envover un itinéraire de sept journées de chemin en remontant le fleuve Menam

à partir de Juthia (dont le vrai nom est Outhaja qui signifie lieu de délices, jardin délicieux).

Dépourvu comme je le suis d'instrumens, je n'ai pas pu mettre dans l'observation et le calcul des distances une justesse mathématique.

Si Outhaja (Juthia), le 1er août 1833.

non

Messieurs,
Je vous écrivis en 1832

pour

remercier la Société de ce qu'elle avait daigné m'admettre au nombre de ses correspondans; cette année-ci, je vous écris de nouveau

pas encore pour vous envoyer mes notes, qui sont trop en désordre, mais pour vous donner avis de mes travaux et vous demander s'ils vous seront agréables.

1° Je compose un dictionnaire siamois et une grammaire de cette langue. J'ai déjà recueilli vingt mille mots; néanmoins ce ne sera que dans trois ou quatre ans que je serai à même de vous l'offrir;

2° Mon ministère un'appelant maintenant au Laos, je ferai le même travail sur la langue laocienne, qui, du reste, a presque tous les mots siamois avec quelque altération et une prononciation différente;

3° Je fais aussi un vocabulaire de la langue Bali, langue sacrée des Siamois;

4° J'ai recueilli un bon nombre de livres élémentaires de ces trois langues, que j'aurai l'honneur de vous faire passer avec les dictionnaires et grammaires ;

5° Je compose peu-à-peu une sorte de tableau physique, moral et politique des pays que je

pays que je parcours; mais comme c'est un ouvrage de plusieurs années, j'ignore quand il sera en état de vous être offert; car ce ne sera

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qu'après avoir mûri et corrigé mes notes, que je pourrai les livrer à votre curiosité;

6° Le Laos est un pays inconnu en Europe; or, je suis sur le point d'y pénétrer, et mon intention est d'aller au moins jusqu'à Vieng Channe (1) située sur le fleuve du Camboge, saccagée par les Siamois en 1828, et fort mal

el désignée dans nos cartes sous le nom de Langtchang. Vieng Channe veut dire ville royale de la Lune. Il ne faut pas

croire que ce soit la capitale de tout le Laos. D'après les renseignemens tirés des Laociens amenés en aptivité à Siam et établis à la partic est du royaume, le Laos est un composé de huit ou dix petits états qui relèvent tous, les uns de Siam les autres de Cochinchine. Vieng Channe est l'état le plus considérable de tous, mais les autres états ne dépendent pas de lui et lui. même dépend du roi de Siam. La nation laocienne se divise comme en trois tribus Phoung Kháo (ventre blanc) Phoung dam (ventre noir) Phoung Khió (ventre vert). La 11 ne se tatoue pas, la 2° se tatoue en noir, et la troisième en vert. Chaque tribu a son dialecte; malgré ceia les trois tribus peuvent s'entendre mutuellement. Le caractère des Laociens est très doux, très hospitalier. On a écrit jadis qu'il n'y avait pas de voleur parmi eux; cela pouvait être alors : car le roi de Vieng Channe punissait de mort les vols les plus légers; mais depuis, ses sujets, poussés peut-être par l'extrême misère, se sont mis à voler comme les autres peuplades qui l'avoisinent. Je pourrais vous donner d'assez longs détails sur eux, puisque j'y ai déjà fait trois voyages, mais je crains encore qu'il ne m'échappe quelques erreurs.

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(1) Il faut prononcer le ch comme ti, mais très adouci : channe, prononcez tianne.

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