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cées en blanc, et les cours d'eau, comme à l'ordinaire, par des traits arboriformes qui se détachent en noir. Les hauteurs relatives des reliefs y sont aussi exprimées selon l'usage, par l'intensité plus ou moins prononcée des teintes. Il n'y a par conséquent dans ces cartes , d'autre innovation que celle d'une correlation continue, établie entre tous les reliefs par les lignes de partage des eaux. Pour faire ressortir en tous lieux ces lignes , il fallait nécessairement teinter toutes les pentes, lors même que leur inclinaison est absolument insensible. Mais cette nécessité qui paraît fausser les conventions reçues, n'est, en réalité, qu'une application générale d'un principe auquel on prétend, sans raison , assigner des limites : il n'y a de surfaces horizontales, sur le globe, que celles qui sont données par les mers, et par le miroir des eaux liquides , à l'état de repos; ou les eaux coulent, il

y a pente; où elles se rassemblent, il y a a

ya cavité. Les parois de revêtement du globe se partagent donc d'une manière absolue en deux classes , en surfaces horizontales et en versans. Où les lignes d'intersection de ces plans cessent d'être indiquées sur les cartes les pentes sont indéfinies. Qui peut dire alors à quel bassin appartient tel objet ou telle position ?

Ces observations me paraissent suffire pour mettre en évidence : 1° que les livres élémentaires, n'ayant d'autre but que celui de fixer , d'une manière quelconque, des noms de pays, d'états, de lieux, dans la mémoire, les meilleurs sont ceux qui, par des exercices faits dans des vues diverses , ramènent souvent ces noms à la pensée.

2° Que les traités à l'usage des gens du monde, sont en général surchargés de détails politiques et statistiques qui empêchent de saisir les rapports qu’ont entre

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elles les circonstances physiques , mal présentées d'ailleurs

par
la coutume que

l'on a de morceler les auvres de la nature , pour en assujétir les descriptions aux divisions éventuelles données par les circonscriptions des états.

3o Qu'entre ces ouvrages manquent des études, dont l'enchaînement présenté dans l'ordre même des faits na: turels, peut seul constituer l'enseignement rationnel.

4° Que l'expression physique des cartes, bien qu'en progrès, est encore loin de présenter la conformation effective des contrées qu'elles embrassent, parce que

les grandes explorations et les études du terrain se font, en général, sans aborder les considérations successives de dépendance auxquelles toutes les parties d'un pays sont subordonnées.

Une longue expérience et des études consciencieuses m'ont suggéré, messieurs, les réflexions que je soumets à vos lumières. Veuillez les accueillir avec la bienveil. lance dont vous in'avez honoré jusqu'à ce jour. Veuillez, dans l'intérêt commun de la science qui est l'objet de nos réunions, m'adresser les objections que vous jugerez convenables. Je les recevrai avec reconnaissance, et je me ferai un devoir de signaler devant vous toutes celles qui me dessilleront les yeux, sur mes propres er

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reurs.

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APERÇU

D'UN VOYAGE DANS L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE

DE 1826 A 1833,

PAR ALCIDE D'ORBIGNY.

elle et pour

Protectrice née de tout ce qui tend aux progrès des sciences en général, et surtout de la science qui fait , plus spécialement, l'objet de ses études et de ses en couragemens, la Société de Géographie a daigné penser qu'un exposé de mes courses et de mes découvertes en des contrées dont plusieurs sont encore totalement inconnues, ne serait pas sans intérêt pour l'auditoire que rassemble, aujourd'hui, dans cette enceinte, une de ces intéressantes solennités, dont le programme pique toujours, à si juste titre, la curiosité publique. Quelque flatté que je fusse de son appel, si je n'avais consulté que mes forces, j'aurais pu craindre d'y répondre; mais, confiant en son indulgence, en l'indulgence de l'homme distingué qui la préside en ce jour, et non moins sûr de celle d'un public qui mesure, sur ses voeux seuls pour l'avancement des sciences, la faveur qu'il accorde à leurs amis, mon zèle me soutiendra dans l'acquit d'une tâche difficile. Je dirai ce que j'ai vu, sans jamais viser à l'effet, convaincu que la vé. rité, la simplicité, qui furent toujours les premières vertus d'un voyageur, sont aussi , plus que jamais, au

siècle où nous vivons, le premier gage de ses succès et le plus sûr garant de sa gloire.

La Société, sans doute, a déjà senti qu'aux termes même de ses réglemens, le peu d'instans qui m'est accordé ne me permet de lui offrir qu'une esquisse des plus rapides de mes explorations transatlantiques dans le cours de huit années. La Société sait, d'ailleurs, qu'une vaste publication qui se prépare, sous les auspices d'un ministre, ami des sciences, renfermera tous les détails de l'expédition, sous tous ses rapports historiques, géographiques, ethnologiques et d'histoire naturelle. Je croirai donc avoir, en ce moment, répondu au vœu de la Société et rempli la tâche qu'elle m'impose, si je parviens à répandre quelque intérêt sur les principales étapes de cette longue campagne scientifique d'un jeune audacieux, que son amour pour la science et pour la patrie ont arraché de ses foyers, et que la providence y ramène, heureux et fier de pouvoir déposer, à leurs pieds, les premiers tributs de ses efforts.

Parti de Brest en juin, 1826, en qualité de naturaliste voyageur, avec la mission d'explorer les états de Buenos-Ayres, du Chili et du Pérou, sous les divers points de vue de l'histoire naturelle et de ses applications, j'arrivai à Rio de Janeiro, au commencement du mois d'août de la même année.

J'épargne à mes auditeurs l'histoire de mon séjour au Brésil et même à Montevideo, où une observation barométrique, prise par des officiers ignorans, pour un levé du pays, hostile aux intérêts des occupans, faillit compromettre tout l'avenir de ma mission, en ne me permettant de poursuivre mon voyage et de me rendre à Buenos-Ayres, qu'en janvier, 1827. Je ne séjournaj

que quelques jours dans cette dernière ville, empressé de m'embarquer sur la rivière du Parana, pour gagner les frontières du Paraguay. Je remontai cette immense rivière sur une étendue de plus de trois cent cinquante lieues. A cette distance de son embouchure, ses eaux -majestueuses coulent encore dans un lit de près d'une liene de largeur ; ses bords et les îles nombreuses dont il est semné, s'ornent de vastes forêts où les élégans palmiers viennent entrelacer leur léger feuillage à celui de mille autres arbres de tout genre, le plus souvent couverts de lianes, dont les fleurs, au printemps, émaillent de pourpre et d'or, ces guirlandes naturelles.

J'eus lieu de reconnaître, dès lors, combien sont infidèles nos cartes les plus accréditées de cette partie de la république argentine, surtout en ce qui concerne la grande lagune d'Ibera , dont elles doublent gratuitement l'étendue, et qu'elles reportent, d'ailleurs, d'un degré trop à l'ouest ; sans parler de plusieurs rivières , telles que

celles de Corrientes, de Bateles et de SainteLucie, dont le cours y est tracé tout-à-fait à faux; erreurs, que mes observations personnelles et les lumières que j'ai dues à M. Parchappe, savant aussi modeste que distingué, m'ont permis de corriger sur mes cartes, avec beaucoup d'autres non moins graves. : Dans ce voyage, qui ne se prolongea pas moins d'une année, j'ai parcouru successivement les provinces de Corrientes et des Missions; et, après avoir pénétré au milieu des hordes sauvages qui peuplent le grand Chaco, et dont j'ai pu observer de près les moeurs diverses, en vivant presque toujours de leur vie , je suis rentré sur le terrain de la civilisation européenne par les provinces d'Entre-rios et de Santa-fé.

De retour à Buenos-Ayres, les guerres intestines qui

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