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NOTICES

Sur l'ancienne géographie historique des pays voisins de la Méditerranée,

Lues à la Société de Géographie, dans ses séances du 5 septembre et du 3 octobre 1834,

Par M. Roux de Rochelle,

Avant de passer aux expéditions des Romains en Grèce et en Orient, il est utile de se rendre compte de la situation où se trouvaient alors ces contrées, et des principales révolutions qu'elles avaient éprouvées depuis la mort d'Alexandre.

Ce conquérant avait soumis la Grèce, l'Asie-Mineure, la Syrie, la Perse, l'Égypte. Après sa mort, ses vastes conquêtes se démembrèrent pour former encore de puissans états: la Macédoine échut à Philippe-Aridée ; et Cassandre, qui le fit périr avec sa famille, usurpa ensuite la couronne : Ptolémée-Lagus fonda en Égypte une nouvelle dynastie; toute l'Asie-Mineure appartint à Antigone; et la Syrie, d'abord partagée entre ces deux derniers rois, leur fut bientôt enlevée par SéleucusNicator.

La possession de la Macédoine tentait spécialement l'ambition des successeurs d'Alexandre. Ce royaume fut tour-à-tour attaqué et soumis par Démétrius Poliocerte, roi de l'Asie-Mineure, par Lysimaque qui avait fondé dans la Thrace une monarchie nouvelle, et par Séléucus-Nicator, roi de Syrie. La Macédoine reprit ensuite ses rois elle fut souvent en guerre avec les états du

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midi de la Grèce, et profita de leurs querelles et de leurs divisions pour en soumettre une partie.

Deux ligues, celle d'Étolie et celle d'Achaïe, commençaient à se former : la plupart des états de la Grèce se réunirent à l'une ou à l'autre pour y chercher un appui, et la rivalité de ces deux confédérations contribua sans doute à donner plus d'animosité aux dissensions intérieures de celte contrée; mais les secours de la ligue achéenne, particulièrement formée contre les attaques des étrangers, protégèrent long-temps l'independance du Péloponèse, et lui assurèrent encore un siècle d'existence. Cette ligue eut ses momens d'illustration, sous Aratus et sous Philopæemen, qui défendirent avec gloire leur patrie : on les a regardés comme les derniers des Grecs. Après eux, les moeurs publiques avaient changé; la ligue achéenne n'était plus dominée que par des factieux; et la Grèce, sans force et sans union, devait céder à l'ascendant des Romains.

Nous sommes arrivés à une époque de la géographie et de l'histoire, où chaque guerre agrandit Rome, et où les conquêtes de ce peuple s'enchaînent les unes aux autres. La seconde guerre punique avait conduit en Espagne les armées romaines ; elle leur ouvrit aussi l'entrée de la Macédoine ; et les premières hostilités

; contre Philippe, quatrième prince de ce nom, amenèrent successivement la soumission de la Grèce entière.

Pyrrhus, roi d'Épire, avait commis , avant l'époque des guerres puniques, de premières agressions contre les Romains; mais ceux-ci n'occupaient alors qu'une partie de l'Italie; et, après avoir repoussé l'invasion de Pyrrhus, ils n'avaient ni le pouvoir ni l'intention de porter leurs armes en Grèce. Ils n'y parurent long-temps après que comme alliés des Étoliens contre le roi d'Il

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lyrie; d'alliés ils devinrent conquérans; ils soumirent d'abord une partie de l'Illyrie , et en réduisirent la moitié en province romaine.

Après la bataille de Cannes , Pbilippe, roi de Macédoine , se déclare allié d'Annibal; mais l'équipement d'une flotte romaine l'intimide, lui fait lever le siége d'Apollonie, et le determine à regagner ses états. Philippe, ayant ensuite attaqué une partie des républiques de la Grèce, les Athéniens réclament le secours de Rome.

La seconde guerre punique venait d'être terminée, et les Romains, accrus en gloire et en puissance, pouvaient appliquer toutes leurs forces à d'autres guerres ; celle qu'ils déclarèrent à Philippe fut terminée, quatre ans après, par deux victoires de Quintius-Flamininus, l'une en Épire , l'autre à Cynocéphale. Les Romains proclamèrent la liberté de toutes les villes de la Grèce, ou plutôt ils les rendirent toutes indépendantes et faibles, pour préparer leur asser vissement. La Grèce était alors énervée par ses divisions : Nabis, roi de Lacédémone, prétendait à l'assujétir; mais elle avait

pour

défenseur Philopoemen, chef de la ligue achéenne. Les Romains intervinrent dans ces démêlés, tantôt en faveur des Achéens, tantôt en faveur de Sparte. Ils ne se montraient encore que comme protecteurs dans les affaires des républiques de la Grèce; et ce fut à ce titre qu'ils déclarèrent la guerre à Antiochus, roi de Syrie, qui avait attaqué les villes grecques de l'Asie-Mineure.

Philippe de Macédoine, ancien ennemi des Romains, était devenu momentanément leur allié contre Antiochus; mais il vit bientôt avec ombrage leurs succès et leur agrandissement, il fit en secret des armemens contre eux; et ses préparatifs, que la mort vint interrompre,

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entraînerent la ruine de Persée, son successeur, malheu reux prince qui fut vaincu par Paul Émile près des murs de Pydna, se vit réduit à fuir sans armée et sans asile, et se remit bientôt entre les mains du vainqueur.

Gentius, roi d'Illyrie, avait été détrôné en même temps : son royaume fut partagé en trois états, et la Macédoine le fut en quatre; mais le but de ces divisions de territoire n'était que d'affaiblir davantage les nations conquises. De nouveaux troubles dans la Macédoine, où Andriscus et un faux Philippe cherchaient à recueillir l'héritage de Persée , y rappelèrent les légions commandées par Metellus, et cette contrée fut réduite en province romaine.

Le même sort devait être commun à toute la Grèce. Rome prend soin d'y affaiblir d'abord la ligue achéenne dont elle détache plusieurs villes ; elle s'empare ensuite de Corinthe, où presque tous les monumens sont détruits par un incendie , et la Grèce entière est sous le joug.

Alors toutes les parties de l'Orient, qui n'étaient pas encore soumises aux Romains, obéissaient déjà à leur influence. L'Asie-Mineure ne pouvait plus leur résister ; elle avait été démembrée depuis la mort de DémétriusPoliocerte, et il s'y était formé quatre monarchies indépendantes, celles de Pergame, de Bithynie, de Pont et de Capadoce. La Galatie, dont le nom était dérivé d'une colonie militaire de Gaulois, les mêmes qui avaient envahi sous Brennus la Macédoine, la Grèce et la Thrace , formait un gouvernement séparé, entre les deux chaînes du Taurus; et l'on voyait à l'occident et au midi de ces montagnes, l'Ionie, la Phrygie, la Pamphylie , la Cilicie, souvent exposées à l'ambition des conquérans et à des changemens de souverains.

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et

Si nous comparons à ces faibles états et à ces morcellemens de territoire, qui facilitèrent l'invasion des Romains, le vaste empire de Syrie, tel qu'il existait sous le règne d'Antiochus, cette grande monarchie semble offrir plus de moyens de résistance. Elle comprend dans ses limites orientales l’Arménie, le pays des Parthes, des Perses, des Mèdes et la Babylonie; au midi , elle s'est rendue maîtresse de la Palestine; à l'occident, elle s'est emparée d'une partie de l'Asie - Mineure; mais elle a bientôt perdu le fruit de ses conquêtes, lorsqu'elle est entrée en guerre contre les Romains,

ses arınées qui avaient vaincu l'Orient fléchissent sous la force et la discipline des légions. Lucius Cornélius Scipion attaque et défait Antiochus près de Magnésie; il lui dicte la paix dans la ville de Sardes, capitale de ses états; et ce prince est forcé d'abandonner les rivages de l'Ionie et ses provinces de l'Asie-Mineure. Cette conquête des Romains est suivie d'autres démiembremens: l'Arménie se déclare indépendante, et il se forme, dans la grande et la petite Arménie, deux monarchies séparées. L'étendue de l'empire de Syrie va toujours en décroissant; le royaume des Parthes s'en est séparé; et les vains efforts que fait Antiochus Epiphane pour recouvrer cette conquête l'affaiblissent encore; ce prince perd successivement la Palestine, la Mésopotamie, la Syrie; et d'un empire si puissant et si vaste il ne reste bientôt à ses descendans que

le faible royaume de Comagène.

Les Romains, avant d'acquérir une partie de ces riches dépouilles de la Syrie, s'étaient avancés de proche en proche à travers l'Asie-Mineure; ils avaient protégé contre Antiochus le royaume de Pergame, et ils avaient ensuite profité d'un testament vrai ou supposé

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