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Chinois, gens de sa connaissance intime. Rien de plus curieux que la masse de faits qu'il emprunte à leurs écrivains, et à l'aide desquels il établit les droits de la Chine à l'invention d'un instrument dont les copistes européens se servent un peu mieux que les découvreurs.

. Je prie d'avance M. Klaproth de me pardonner si je manque à quelque chose dans l'orthographe des noms chinois, en revanche je tâcherai de n’omettre aucun des faits principaux qu'il fait valoir avec une si judi. cieuse critique.

Si l'on remonte à la 121° année de J.-C., on trouve déjà le nom d'aimant imposé par les Chinois à la pierre avec laquelle on peut donner la direction à l'aiguille. Ce passage important est cité dans le Lexique de l'empereur Khanghi et dans la plupart des autres dictionnaires chinois. Voilà donc au second siècle de notre ère , l'aiguille aimantée connue dans la Chine; nous lisons, dans le grand dictionnaire Poei wen yun fou, qu'aux troisième, quatrième et cinquième siècles, sous la dynastie de Tsin de 265 à 419, il y avait des pavires qui se diri. geaient au sud par l'aimant. Plus tard, dans le onzième siècle, les diseurs de bonne aventure, les bateleurs, les charlatans de place, s'emparaient de l'aiguille dont ils frottaient la pointe avec la pierre d'aimant, en promettant aux spectateurs que le petit morceau de fer allait leur indiquer le midi, ce qu'il ne manquait pas de faire. La déclinaison de l'aiguille était alors conque, et, chọse remarquable, la variation observée au commencement du douzième siècle était à-peu-près la même que celle que le P. Amyot trouvait à Péking. Ce dernier, en l'indiquant entre 20 et 2° 50' vers l'ouest, se rencontre avec un vieil auteur chinois de 1117, qui la porte est 576 sud; car on sait que pour ce Chinois

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comme pour ses compatriotes de toutes les époques, le pôle principal de l'aiguille aimantée est celui qui montre le sud. Ainsi l'expression de l'un et de l'autre de ces observateurs, quoique très différente en apparence, se trouve absolument la même.

Chez les nations de l'Occident, la première application de l'aiguille aimantée a été faite par la marine; chez les Chinois, elle n'a point servi d'abord à guider le navigateur au milieu des solitudes de l'Océan. Il faut bien distinguer le double usage qu'ils en ont fait. Le plus ancien était de les employer à diriger leurs chars de guerre, de voyage ou de cérémonie. Celui de ces chars, porteur de l'appareil, s'appelait char magnétique. Et l'appareil, tel que l'indique la gravure donnée par M. Klaproth, consistait dans une petite figure de bois tournant sur un pivot et sous le vêtement de laquelle une barre de fer aimantée se trouvait artistement cachée, Cette statue avait le bras étendu, et de quelque côté que le char tournât elle montrait le sud de la main; on variait la forme de cet ingénieux conducteur, il se voyait quelquefois sous celui d'un génie, paré d'un habit de plumes, entouré de dragons; mais toujours le mécanisme intérieur était le même. Toutefois, ce char merveilleux, porteur de l'homme ou du génie , prenait la tête du convoi. Il indiquait la route aux voitures qui le suivaient et la position des quatre points cardinaux.

Les histoires chinoises sont pleines de détails sur la construction de ces chars magnétiques, et M. Klaproth n'a négligé aucun de ceux qui peuvent servir à leur histoire. L'orgueil chinois en fait remonter l'origine à des temps fabuleux, à l'ancien empereur Houang-ti, c'est-à-dire environ 2600 ans avant J.-C. On pense

bien que Klaproth ne s'avise

pas

de discuter une sem

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M.

blable antiquité; il saute quinze siècles pour se transporter dans des temps véritablement historiques, et là i trouve les chars mentionnés dans les Mémoires historiques de Szu ma thsian, sous l'année 1110 avant J.-C. C'est encore une fort belle noblesse. Depuis le troisième siècle de l'ère chrétienne, on rencontre de fréquens té. moignages, et des témoignages authentiques, de leur existence, de leur forine et de leur emploi. On voit qu'ils furent connus au Japon dans la seconde moitié du septième siècle. A toutes les époques, ce fut toujours une grande rareté : on les donnait en cadeau aux principaux dignitaires; ils tenaient le premier rang dans les cortèges d'apparat. Lorsque Chy hou (335-349) sortait en cérémonie, un des commandans de la garde de ses carrosses conduisait toujours un de ces chars en avant. Les ouvriers qui les construisaient étaient fort considérés : c'étaient des académiciens qui étaient ordinairement chargés de cette besogne; elle leur valait d'honorables distinctions du prince, et leur rapportait beaucoup d'argent.

Quant à l'invention de la boussole proprement dite, M. Klaproth n'en trouve pas la date dans les livres chinois à sa disposition. Nous avons vu que, depuis le milieu du troisième siècle jusqu'au commencement du cinquième, on dirigeait déjà des vaisseaux d'après des indications magnétiques. Nous savons que dans les septième et huitième siècles, les Chinois faisaient de longues courses maritimes; qu'ils partaient de Canton , qu'ils traversaient le détroit de Malacca , qu'ils allaient à Ceylan, au cap Comorin, à la côte de Malabar, aux embouchures de l'Indus et ensuite à Siraf, et jusqu'à l'Euphrate.

Si au troisième siècle les Chinois connaissaient la pro

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priété du fer aimanté pour se diriger à la mer, il n'est pas possible que dans les temps postérieurs ils n'aient pas fait usage

de la boussole en traversant l'Océan Indien. Néanmoins, la description la plus ancienne de cet instrument, trouvée par M. Klaproth dans les livres chinois, ne date que des années 11 à 1117 de J.-C.; toujours est-il constant que son usage était général dans la marine chinoise vers la fin du treizième siècle.

Il ne faut pas oublier que la boussole dont il s'agit ici était la boussole aquatique, qui paraît s'être conservée fort long-temps en Chine; on ignore même l'époque où elle fut remplacée par le système actuel, c'est-à-dire par une aiguille supportée et se mouvant sur un pivot, et renfermée dans une boîte sur laquelle sont tracées les divisions de l'horizon ou des signes astrologiques disposés dans des cercles concentriques.

La description des boussoles chinoises telles qu'elles existent aujourd'hui termine cette curieuse dissertation, Cette partie ne peut être ni abrégée ni analysée : pour être compris, il faudrait tout citer; car ici, rien de superflu, rien qui ne soit utile à l'intelligence de l'instrument et à ses divers emplois. Je ferai remarquer seulement que M. Barrow accorde de grands éloges aux boussoles chinoises, et qu'il en regarde la construction comme préférable à celle des boussoles de l'Europe : dans les premières , l'aiguille doit son extrême sensibilité à son peu de longueur et d'épaisseur ; par la manière dont cette aiguille est montée, elle reste constamment pointée vers la même partie du ciel, quelle que puisse être la rapidité avec laquelle tourne la boîte qui la contient; sa petitesse, sa légèreté et la manière dont elle est suspendue, lui donnent un grand avantage pour vaincre le pouvoir magnétique de l'inclinaison dans toutes les

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parties du globe, et enfin elle n'éprouve jamais de deviation dans sa position horizontale.

En résumé, la dissertation de M. Klaproth établit que c'est à tort que l'on attribue à Flavio Gioia, né dans les environs d'Amalfi vers la fin du treizième siècle, l'invention de la boussole; que cent ans avant lui elle était connue en Europe; que la seule part qui pourrait lui être faite se bornerait à la forme actuelle de l'instrument, à un perfectionnement de la boussole ancienne ou aquatique; que cette dernière était usitée en Chine quatre-vingts ans au moins avant la composition de la satire de Guyot de Provins; que les Arabes la possédaient à peu-près à la même époque; qu'ils la reçurent directement ou indirectement des Chinois , et qu'à leur tour ils la communiquèrent aux Francs à l'époque des premières croisades.

RAPPORT

SUR LE VOYAGE DE M. LEPRIEUR DANS L'INTÉRIEUR DE

LA GUYANE ,

Fait au nom d'une commission spéciale , par M. d'Avezac.

(Séance du 17 octobre 1834.)

Messieurs, Vous avez chargé MM. Warden, Corabeuf et moi, d'examiner, pour vous en rendre compte, un mémoire remis par M. Leprieur el contenant la relation de son voyage dans l'intérieur de la Guyane Française ; vous avez assigné à cet examen un double objet; d'une part, l'appréciation de ce que le voyageur a accompli; d'autre

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